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16/12/2022 | FRANCE | N°20MA02890

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 20MA02890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1800020 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregi

strés les 10, 13 août 2020, 14 janvier et 7 mars 2022, M. C... représenté par Me Poussard, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1800020 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10, 13 août 2020, 14 janvier et 7 mars 2022, M. C... représenté par Me Poussard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et des pénalités afférentes ;

3°) à titre subsidiaire, de faire application du micro BNC ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

1°) sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 en rejetant des demandes de renvoi motivées et en maintenant l'audiencement de l'affaire ainsi que le principe du contradictoire prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen relatif à la régularité de l'homologation des rôles ;

2°) sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- les droits en litige concernent également 2010 ;

- en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, c'est à tort que le tribunal a considéré que le défaut de justification des notifications fiscales nécessaires, était sans incidence et que " 5. Le présent litige n'est relatif ni à une contestation de caractère civil ni à une accusation en matière pénale au sens de ces stipulations, de sorte que M. C... ne saurait utilement soutenir que le principe du contradictoire, de même que les principes de loyauté, d'équité et d'égalité des armes, auraient été méconnus " ;

- la créance fiscale contestée, et maintenue par la direction des services fiscaux n'a pas été établie dans le délai de reprise ;

- il n'est pas justifié de l'homologation régulière des rôles supplémentaires établis au titre des années 2010 à 2012 ;

- le caractère contradictoire de la procédure fiscale n'a pas été respecté ;

- en ce qui concerne le bien-fondé des impositions, l'ensemble des revenus perçus par le requérant, n'ont pas été qualifiés juridiquement comme n'étant pas des salaires et ont été imposés comme bénéfices non commerciaux, sans application du régime du ''micro BNC'', ce qui aurait dû conduire le tribunal à la décharge ;

- en ce qui concerne l'application de la majoration de 40 %, le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l'administration n'avait pas besoin de démontrer le caractère intentionnel des agissements du contribuable.

Par mémoires, enregistrés les 26 novembre 2020, 4 février et 9 mars 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... D...,

- et les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... qui exerce depuis le 1er octobre 1995 la profession de mannequin et a opté, lors de sa création d'activité, pour le régime de la déclaration contrôlée en ce qui concerne les bénéfices non commerciaux, et pour le régime de la franchise en base, en matière de TVA, a fait l'objet de diverses procédures de contrôle de son activité professionnelle, portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012.

2. Une vérification de comptabilité portant sur les années 2008 et 2009 a été engagée qui s'est déroulée du 21 avril au 20 juillet 2011 dans les locaux du cabinet comptable en charge de la tenue de la comptabilité de M. C... et s'est achevée par l'envoi d'une proposition de rectification n° 3924 en date du 29 juillet 2011. Les insuffisances de recettes professionnelles déclarées, relevées à partir de l'examen du compte bancaire du contribuable, ainsi que le recoupement des salaires justifiés/déclarés, ont conduit le service à réévaluer le montant des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, portés respectivement de 25 764 à 119 166 euros pour l'année 2008, et de 13 545 à 191 617 euros pour 2009. Corrélativement, le service a notifié la remise en cause du régime de la franchise TVA et procédé à la taxation d'office en application de l'article L. 66.3° du livre des procédures fiscales des sommes perçues, générant des rappels nets de TVA de 29 565 euros pour l'année 2008 et de 37 676 euros pour 2009, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts. Par courrier du 29 septembre 2011, le conseil de M. C... a fait part du désaccord de son client quant aux rehaussements et rappels notifiés. Les rectifications ont été confirmées en totalité par lettre n° 3926 du 5 octobre 2011. La mise en recouvrement des rappels de TVA étant intervenue le 16 avril 2012 à hauteur de 67 241 euros en droits et de 13 243 euros au titre des pénalités, selon avis de mise en recouvrement n° 120400008, ces rappels ont été contestés par réclamation du 27 juillet 2012 rejetée par décision du 2 janvier 2013.

3. En outre, M. C... a fait l'objet, au titre de l'année 2010, d'une procédure de contrôle sur pièces à l'issue duquel lui a été adressé une proposition de rectification n° 2120 en date du 17 décembre 2013, ayant pour effet de déterminer les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et à la TVA, en l'absence de toute déclaration du contribuable. Se référant au contrôle de l'activité professionnelle de l'année 2009, le service a retenu un chiffre d'affaires de 86 312 euros hors taxe, générant un rappel de TVA de 16 388 euros, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts. Le bénéfice non commercial, non déclaré malgré l'envoi d'une mise en demeure le 1er juillet 2013 a été évalué d'office à 82 566 euros. Par courriers des 25 janvier et 21 février 2014, M. C... a contesté ces rectifications, dans leur principe en invoquant sa qualité de salarié, et dans leur montant. Ses observations n'étant pas retenues, les rectifications ont été confirmées par lettre n° 3926 du 11 avril 2014. Les rappels de TVA en résultant ont été mis en recouvrement le 17 novembre 2014 à hauteur de 16 388 euros en droits et 3 868 euros de pénalités par avis de mise en recouvrement n° 141100004. La mise en recouvrement de l'imposition sur le revenu est intervenue le 31 août 2015 pour un montant total de 15 368 euros, dont 10 111 euros en droits et 5 257 euros de pénalités.

4. Enfin, une vérification de comptabilité visant les revenus professionnels des années 2011 et 2012, a été engagée par avis du 17 décembre 2013, procédure à l'issue de laquelle a été adressée à M. C... une proposition de rectification n° 3924 en date du 11 juillet 2014, visant à réintégrer dans la catégorie des BNC, après catégorisation des recettes professionnelles encaissées par le contribuable, le service vérificateur ayant considéré que les sommes ne pouvaient être regardées comme perçues dans le cadre d'un contrat de travail. Les sommes de 15 187 euros pour 2011 et de 11 299 euros pour 2012 ont été ainsi évaluées d'office conformément aux dispositions de l'article L. 73-2 du livre des procédures fiscales, en l'absence de déclaration professionnelle malgré l'envoi de mises en demeure du 14 septembre 2012 (2011) et le 29 mai 2013 (2012). De même, en l'absence de déclaration de chiffre d'affaires, les recettes professionnelles qualifiées de BNC ont été taxées d'office à la TVA, générant des rappels de 5 953 euros pour 2011 et 4 429 euros pour 2012, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts. La mise en recouvrement des rappels de TVA est intervenue le 17 novembre 2014, pour un montant de 10 382 euros en droits et 2 113 euros au titre des pénalités. Par réclamation du 21 juin 2015, M. C... a contesté les rappels de TVA mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012, demande rejetée par décision du 23 décembre 2015. Une nouvelle réclamation a été présentée par le conseil de M. C... le 15 mars 2017, visant l'ensemble des rappels de TVA mis successivement en recouvrement au titre des années 2008 à 2012, complétée par courrier du 31 mars. Cette demande a été rejetée par décision du 27 octobre 2017.

5. Parallèlement, l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 a été entrepris par avis du 4 avril 2014, à l'issue duquel, une proposition de rectification n° 3924-E en date du 7 octobre 2014 a été notifiée à M. C... intégrant les rehaussements de BNC susvisés, complétés des salaires non déclarés et des revenus d'origine indéterminée constatés au titre de l'année 2012. Les rectifications ont été assorties de l'intérêt de retard, et des majorations prévues aux articles 1728 et 1758 A du code général des impôts. En réponse aux courriers du contribuable, le service vérificateur a partiellement maintenu les réintégrations dans la lettre n° 3926 du 29 janvier 2015. Les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement le 31 août 2015 en droits et pénalités, à raison de 7 969 euros au titre de l'impôt sur le revenu 2011, 2 164 euros au titre de l'impôt sur le revenu 2012 et 2 613 euros au titre des contributions sociales sur le revenu 2011. Par réclamation du 12 janvier 2016, M. C... a contesté l'ensemble des impositions établies au titre des années 2010 à 2012, demande rejetée par décision du 6 juillet 2016. Une nouvelle réclamation a été présentée le 15 avril 2017 par le conseil de M. C..., dans laquelle l'irrégularité des procédures était invoquée au motif que M. C... n'avait pas été destinataire des différents actes obligatoires y afférents, dont la communication était par ailleurs sollicitée. Cette demande a été rejetée par décision du 27 octobre 2017.

6. M. C... ayant contesté les impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu, contributions sociales et pénalités mises à sa charge, il relève appel du jugement n° 1800020 du 5 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes.". Le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie.

8. Il ressort de l'instruction que, par lettre en date du 2 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a informé M. C... que, sur le fondement de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative son dossier était en état d'être jugé, qu'il était envisagé de l'inscrire à une audience aux mois de mai ou juin 2020 et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience à compter du 2 avril 2020 sans qu'il en soit préalablement informé. Alors qu'aucun des délais mentionnés dans la lettre du tribunal du 2 mars 2020 n'était expiré, la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, à compter du 24 mars 2020. Par lettre en date du 7 mai 2020, M. C... a été convoqué à une audience fixée au 25 mai 2020. Par trois courriers des 14, 18 et 22 mai 2020, Me Poussard, avocate de M. C..., a demandé le report de l'audience en faisant notamment valoir l'incapacité dans laquelle elle se trouvait de préparer la défense de son client en raison, d'une part, de la présence à son domicile d'un proche gravement malade et de son propre arrêt de travail pour cause de maladie, d'autre part, de l'impossibilité pour son client, en raison du confinement auquel il était astreint, de se rendre en Haute-Loire où il devait récupérer des pièces nécessaires à sa défense. Ces demandes de report étaient accompagnées de justificatifs. Par note en délibéré du 27 mars 2020, Me Poussard a, de nouveau, sollicité le renvoi de l'audience sans obtenir gain de cause. Dans ces conditions, en raison des circonstances très particulières de l'espèce, liées notamment à la période de confinement de la population, M. C... est fondé à soutenir que des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire imposaient au tribunal de faire droit à sa demande de report de l'audience prévue le 25 mai 2020. Ainsi le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et entaché de ce seul fait d'irrégularité le jugement attaqué dans la limite des conclusions de l'appel principal. Par suite, ce jugement doit être annulé pour irrégularité en tant qu'il a rejeté la requête de M. C... tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2008 au 31 décembre 2010. Dans cette limite, il y a donc lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur le droit de reprise de l'administration :

9. Aux termes du livre des procédures fiscales : " Art. L. 169. - Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due... Art. L. 189. - La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun./ La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées. Art. R. 196-1. - Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :/ a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; ... Art. R. 196-3. - Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. Art. L. 253. - Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt sur la fortune immobilière, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code./ L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement... Art. R.256-6. - La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence, ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la DGFIP. Au cas où la lettre recommandée ne pourrait, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire ou à son fondé de pouvoir, il doit être demandé à La Poste de renvoyer au service expéditeur le pli non distribué annoté :/ a. d'une part, de la date de sa première présentation à l'adresse indiquée à la souscription ou, s'il y a lieu, à la nouvelle adresse connue de La Poste/ b. d'autre part, du motif de sa non-délivrance. Dans cette éventualité, l' " ampliation " renvoyée reste déposée au service compétent de la DGFIP où il peut en être délivré copie, à tout moment et sans frais, au redevable lui-même ou à son fondé de pouvoir. Art. R.256-7. - L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié :/ a. dans le cas où l'" ampliation " a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ;/ b. lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation.

10. Le délai de reprise de l'administration a été régulièrement interrompu par les trois propositions de rectification notifiées au requérant, en l'occurrence, la proposition de rectification n° 2120 du 17 décembre 2013, F... réceptionnée par le contribuable le 26 décembre suivant, visant les bénéfices non commerciaux de l'année 2010 (date limite du droit de reprise, 31 décembre 2013), la proposition de rectification n° 3924 du 11 juillet 2014, pli présenté le 12 juillet suivant au domicile du requérant E..., non réclamé, visant les bénéfices non commerciaux des années 2011 (date limite du droit de reprise, 31 décembre 2014) et 2012 (date limite du droit de reprise, 31 décembre 2015), et la proposition de rectification n° 3924-E du 7 octobre 2014, réceptionnée le 8 novembre suivant, visant l'ensemble des revenus des années 2011 (date limite du droit de reprise, 31 décembre 2014) et 2012 (date limite du droit de reprise, 31 décembre 2015), dûment réceptionnées pour deux d'entre elles ou régulièrement notifiée à l'adresse du contribuable. Le droit de reprise a également été interrompu par la notification de trois avis d'impositions supplémentaires sur le revenu émis au titre des années 2010, 2011 et 2012 sous les numéros 50438, 50439 et 50440, qui mentionnent respectivement une date d'édition le 19 août 2015 et une date de mise en recouvrement le 31 août 2015, dates mentionnées sur l'avis d'imposition des prélèvements sociaux établi au titre de l'année 2011 sous la référence 60242. Ces avis ont été régulièrement notifiés au requérant, par pli présenté le 15 septembre 2015, au cours des nouveaux délais de reprise qui ont couru depuis la notification des propositions de rectification précités, à l'adresse du contribuable sise G... et retourné au service expéditeur revêtu de la mention " Non réclamé " " Absent avisé ", le cadre ad hoc " Pli Avisé et non réclamé " coché par le service postal, le 15 septembre 2015. Le fait que cet avis de réception n'indique pas l'année de présentation et ne soit pas tamponné par le service postal est sans incidence sur la régularité de cette notification alors au demeurant, que ces avis d'imposition étaient joints à la première réclamation contentieuse présentée par M. C... le 12 janvier 2016. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le droit de reprise de l'administration était forclos.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

11. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle, comme c'est le cas en l'espèce, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé de l'impôt. Par suite sont inopérants et doivent, par suite être écartés, les moyens tirés de prétendues irrégularités concernant la prétendue non notification des avis d'impositions supplémentaires et la prétendue non homologation des rôles d'imposition.

12. Les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme ne sont pas applicables aux litiges relatifs à l'assiette des impôts et taxes et, de façon générale, en toute matière fiscale, hormis le cas où la contestation porte sur des pénalités fiscales présentant un caractère répressif. Les dispositions du livre des procédures fiscales relatives au droit de communication n'entrent pas davantage dans le champ d'application des §§ 1 et 2 de l'article 6 de la convention précitée, dès lors qu'elles ne concernent pas les procédures contentieuses suivies devant les juridictions. Dès lors, M. C... ne saurait, sur le fondement de ces dispositions inopérantes, soutenir sans, au demeurant, davantage le démontrer en fait, que le principe du contradictoire, de même que les principes de loyauté, d'équité et d'égalité des moyens, auraient été méconnus.

Sur le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

13. Aux termes du livre des procédures fiscales : " Art. L. 66. - Sont taxés d'office :/ 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ;... Art. L. 193. - Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. Art. R.194-1. - Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré./ Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".

14. Concernant les revenus perçus par lui au cours de l'année 2010, M. C... ayant fait l'objet d'une taxation d'office, en application des dispositions du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, en l'absence de toute déclaration de revenus et de réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée le 1er juillet 2013, il supporte la charge de la preuve, conformément à l'article L. 193 du même code. Concernant les revenus perçus par lui au cours des années 2011 et 2012, M. C... s'étant abstenu de répondre à la proposition de rectification datée du 11 juillet 2014 qui lui a été adressée, il supporte également la charge de la preuve.

S'agissant du montant et de la nature des rémunérations litigieuses perçues par M. C... :

15. Aux termes du code général des impôts : " Art. 92. - 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus... Art. 99. - Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles./ Le livre-journal tenu par les contribuables non adhérents d'une association de gestion agréée comporte, quelle que soit la profession exercée, l'identité déclarée par le client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires./ Ils doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments./ Ils doivent conserver ces registres ainsi que toutes les pièces justificatives selon les modalités prévues aux deux premiers alinéas du I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales./ Par exception au premier alinéa, les exploitants individuels dont le montant annuel de recettes n'excède pas le deuxième seuil mentionné au I de 302 septies A, au cours de l'année civile ou de l'année civile précédente, peuvent procéder, au cours de l'année, à l'enregistrement de leurs recettes et dépenses professionnelles sur le livre-journal en retenant la date de l'opération figurant sur le relevé qui leur est adressé par un établissement de crédit, sous réserve d'enregistrer toutes leurs recettes et dépenses de l'année au plus tard le dernier jour de celle-ci ".

16. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'intéressé, que M. C... relevait, en ce qui concerne les revenus des trois années en litige, du régime de la déclaration contrôlée, en matière de bénéfices non commerciaux, en application des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts et dès lors, comme l'ont exactement rappelé les premiers juges, devait tenir, conformément à l'article 99 précité du même code, un livre-journal " servi au jour le jour et présentant le détail de... (ses) ...recettes et de... (ses)... dépenses professionnelles ". En l'absence de toute comptabilité présentée par M. C..., lors des opérations de contrôle, le service vérificateur a dû procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, à partir des encaissements constatés sur son compte bancaire et qualifiés par lui-même de recettes professionnelles.

17. Aux termes du code du travail : " Art. L. 7123-3. - Tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail. Art. L. 7123-4. - La présomption de l'existence d'un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. /Elle n'est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d'action pour l'exécution de son travail de présentation. Art. L. 7123-6. - La rémunération due au mannequin à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de sa présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du mannequin n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement ".

18. Il résulte de ces dispositions que les rémunérations perçues par un mannequin dans l'exercice de sa profession ne constituent des salaires que lorsqu'ils sont liés par contrat à leur donneur d'ouvrage. Par exception à ce principe, même lorsque les parties sont liés par contrat, cette rémunération, même lorsqu'elle est due au mannequin à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de sa présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur, ne constitue pas des salaires, dès lors que la présence physique du mannequin n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement. A défaut de contrat, cette rémunération ne constitue jamais des salaires. La circonstance que les redevances perçues par un mannequin constituent un accessoire indissociable de sa rémunération salariée, et ne caractérisent donc pas l'existence d'une activité professionnelle non salariée, est sans incidence sur la nature des revenus tirés de cette activité, imposables, s'agissant de ces redevances, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

19. En l'espèce, il résulte de l'instruction que pour distinguer les recettes relevant des traitements et salaires, de celles relevant des bénéfices non commerciaux, le vérificateur s'est, dans un premier temps, conformé à la répartition opérée par le client ou l'agence de mannequin employeur puis, pour les recettes dépourvues de tout justificatif et de tout contrat au sens des dispositions précitées du code du travail, il a estimé que ces recettes correspondaient à des redevances issues de l'exploitation du droit à l'image de M. C..., imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Sur les sommes reconstituées, le service a retenu un montant de charges représentant 50 % des recettes hors taxes de chaque exercice.

20. Si pour contester les suppléments d'imposition mis à sa charge, M. C... produit des bulletins de paie émanant d'agences de mannequins, ces productions ne sont toutefois pas, compte tenu des principes rappelés au point 18 ci-dessus, de nature à remettre en cause les constatations faites par le vérificateur en application desdits principes.

21. En outre, M. C... n'a déposé qu'une seule déclaration de revenus sur les trois années en litige, au titre de l'année 2011, pour laquelle il n'a, au demeurant, déclaré que 3 221 euros de salaires nets, alors que l'examen de son compte bancaire a permis d'établir l'existence d'encaissements à hauteur de 41 816 euros.

22. Enfin, aux termes de l'article 102 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 000 euros (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 article 2 VII, les I à VI s'appliquent aux chiffres d'affaires réalisés à compter du 1er janvier 2009) hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros./... Le seuil mentionné au premier alinéa est actualisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondi à la centaine d'euros la plus proche (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 article 3 IX, les I à VII s'appliquent aux chiffres d'affaires réalisés à compter du 1er janvier 2010)./ 2. Les contribuables visés au 1 portent directement sur la déclaration prévue à l'article 170 le montant des recettes annuelles et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année./ 3. Sous réserve des dispositions du 6, les dispositions prévues aux 1 et 2 demeurent applicables pour l'établissement de l'imposition due au titre des deux premières années au cours desquelles la limite définie au 1 est dépassée./...4. Les contribuables visés au 1 doivent tenir et, sur demande du service des impôts, présenter un document donnant le détail journalier de leurs recettes professionnelles./...6. Sont exclus de ce régime : / a. Les contribuables qui exercent plusieurs activités dont le total des revenus, abstraction faite des recettes des offices publics ou ministériels, excède la limite mentionnée au 1 ; ... ".

23. Si M. C... soutient que l'administration fiscale n'ayant pas fait application du régime d'imposition dit du " micro BNC " prévu par les dispositions de l'article 102 ter-1 du code général des impôts, ce seul motif entraîne la décharge des impositions, contributions sociales et pénalités mises à sa charge, il résulte de l'instruction, que l'évaluation d'office du bénéfice non commercial de l'année 2010 a été effectuée à partir des résultats de la vérification de comptabilité engagée au titre des années 2008 et 2009 dont les recettes reconstituées à partir des encaissements bancaires s'élèvent après déduction de la cascade TVA respectivement à 105 868 euros (2008) et 181 711 euros (2009). Ces montants excèdent donc largement le seuil de référence de 32 600 euros pour bénéficier du régime micro-BNC en 2010. Ce dépassement fait par ailleurs échec à l'application de ce régime en ce qui concerne les deux années suivantes. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service vérificateur n'a pas fait application d'office du régime d'imposition prévu par les dispositions précitées de l'article 102 ter 1 du code général des impôts.

24. Compte tenu de ce qui précède, M. C... n'apporte pas la preuve qui lui incombe, que les revenus en cause ne constituent pas des bénéfices non commerciaux et il n'est, par suite, pas fondé à demander la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et contributions sociales supplémentaires mises à sa charge.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

25. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / ...b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; ... ".

26. Il résulte de l'instruction, que M. C... n'a pas déposé ses déclarations de revenus pour les années en litige dans le délai maximum de 30 jours qui lui avait été imparti par les mises en demeure dont il ne conteste pas avoir accusé réception respectivement les 4 novembre 2011, 18 septembre 2012 et 1er juin 2013. Dès lors, c'est à bon droit que le service vérificateur a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010 à 2012 de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, sans que ne soit requis la démonstration du caractère intentionnel des agissements de M. C....

27. Compte tenu de tout ce qui précède, la requête de M. C... doit être rejetée, ensemble ses conclusions formulées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800020 rendu le 5 juin 2020 par le tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2022 :

N°20MA02890 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02890
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Personnes - profits - activités imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : POUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-16;20ma02890 ?
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