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16/12/2022 | FRANCE | N°19MA03623

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 19MA03623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement le centre hospitalier de Bastia et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à payer à Mme G... une somme globale de 151 669, 39 euros et à M. E... une somme de 10 000 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge médicale dont Mme G... a fait l'objet à la suite de l'accident dont elle a été victime le 30 juillet 2012.

La caisse primaire d'assurance mala

die (CPAM) du Rhône, agissant pour le compte de la CPAM de l'Isère, a demandé la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement le centre hospitalier de Bastia et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à payer à Mme G... une somme globale de 151 669, 39 euros et à M. E... une somme de 10 000 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge médicale dont Mme G... a fait l'objet à la suite de l'accident dont elle a été victime le 30 juillet 2012.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône, agissant pour le compte de la CPAM de l'Isère, a demandé la condamnation du centre hospitalier de Bastia à lui verser une somme de 177 558,21 euros ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.

J... un jugement n° 1700665 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a solidairement condamné le centre hospitalier de Bastia et la SHAM à verser à Mme G... une somme de 92 140,12 euros, sous déduction de la provision versée, a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser à la CPAM du Rhône une somme de 177 567, 21 euros au titre des débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge du centre hospitalier de Bastia les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au profit de Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

J... une requête et des mémoires enregistrés les 1er août, 2 septembre et 25 novembre 2019, le centre hospitalier de Bastia et la SHAM, représentés J... Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées J... Mme G..., M. E... et la CPAM du Rhône devant le tribunal.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- une nouvelle expertise est nécessaire ;

- le fait d'avoir différé de plusieurs heures l'ablation du plâtre de Mme G... n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement de soins ;

- en toute hypothèse, les complications subies J... Mme G... ne trouvent pas leur cause directe dans cette faute et l'infection qui en aurait résulté ;

- les premiers juges ont fait une évaluation exagérée des préjudices subis J... Mme G... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent ;

- la demande incidente présentée J... Mme G... et M. E... est infondée.

J... un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2019, la CPAM du Rhône, agissant pour le compte de la CPAM de l'Isère, représentée J... Me Rognerud, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés J... le centre hospitalier de Bastia et la SHAM ne sont pas fondés.

J... des mémoires en défense enregistrés les 28 octobre et 18 novembre 2019, Mme G... et M. E..., représentés J... Me Lavocat, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM ;

2°) J... la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 en tant, d'une part, qu'il a limité l'indemnité que le centre hospitalier de Bastia et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à Mme G... à la somme de 92 140,12 euros et de porter le montant de cette indemnité à la somme de 166 499,39 euros et, d'autre part, en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. E..., dont le préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de la somme de 10 000 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM les dépens et une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à payer à Mme G....

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés J... le centre hospitalier de Bastia et la SHAM ne sont pas fondés ;

- Mme G... a droit à l'indemnisation de ses dépenses de santé futures, de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément ;

- elle a droit à une meilleure indemnisation de l'assistance pour tierce personne, des frais d'assistance à expertise, des pertes de gains professionnels actuels, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire ;

- elle a également subi, du fait du défaut d'information, un préjudice d'impréparation qui doit être indemnisé J... l'allocation d'une somme de 15 000 euros ;

- M. E... a droit à la réparation de son préjudice moral.

Les parties ont été informées le 29 mars 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés de :

- l'irrecevabilite´ de la demande de Mme G... tendant a` l'indemnisation d'un pre´judice d'impre´paration de`s lors que, si la personne qui a demande´ en premie`re instance la re´paration des conse´quences dommageables d'un fait qu'elle impute a` une administration est recevable a` de´tailler ces conse´quences devant le juge d'appel, en invoquant le cas e´che´ant des chefs de pre´judice dont elle n'avait pas fait e´tat devant les premiers juges, elle n'est pas recevable a` invoquer des chefs de pre´judice ne se rattachant pas au me^me fait ge´ne´rateur ou a` majorer ses pre´tentions en appel en l'absence d'aggravation du dommage ou de re´ve´lation de celui-ci dans toute son ampleur poste´rieurement au jugement qu'elle attaque ;

- et de l'irrecevabilité des conclusions présentées J... M. E... J... la voie de l'appel incident tendant à la réformation du jugement, d'une part, en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire, dès lors que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui dont le centre hospitalier et la SHAM ont saisi la cour et ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux, et, d'autre part, en ce qu'il a limité l'indemnisation de Mme G..., dès lors que M. E... ne présente pas de qualité pour agir à l'encontre de cette partie du jugement qui ne concerne que Mme G....

J... un arrêt avant dire droit du 3 juin 2021, la cour a décidé, avant de statuer sur les conclusions de la requête du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM, de faire procéder à un complément d'expertise.

Le rapport d'expertise a été déposé au greffe de la cour le 13 avril 2022.

J... un mémoire enregistré le 10 juin 2022, le centre hospitalier de Bastia et la SHAM persistent dans leurs conclusions.

Ils ajoutent que :

- l'infection diagnostiquée le 18 août 2012, prise en charge conformément aux règles de l'art et n'ayant pas occasionné d'aggravation des lésions dues à la fracture initiale, ne révèle aucune faute médicale ;

- les périodes d'hospitalisation et les soins afférents à cette infection ne sauraient donc être mis à la charge du centre hospitalier ;

- aucune responsabilité au titre du manquement du devoir d'information ne saurait être retenue.

J... deux mémoires enregistrés les 23 août 2022 et 7 octobre 2022, Mme G... et M. E... demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM ;

2°) J... la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 en tant, d'une part, qu'il a limité l'indemnité que le centre hospitalier de Bastia et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à Mme G... à la somme de 92 140,12 euros et de porter le montant de cette indemnité à la somme de 154 005,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM les dépens et une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir les mêmes moyens que ceux développés dans leurs deux mémoires précédents et précisent que Mme G... a droit à l'indemnisation de ses dépenses de santé actuelles et futures, de l'assistance pour tierce personne, des frais d'assistance à expertise, des pertes de gains professionnels actuels, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire et permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice d'impréparation à hauteur d'une somme totale de 154 005, 23 euros.

J... une ordonnance du 29 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Vu :

- l'ordonnance du 3 août 2017, J... laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier et la SHAM à verser à Mme G... une provision d'un montant de 5 800 euros ;

- les ordonnances du 9 janvier 2018 et du 8 octobre 2018 J... lesquelles le président du tribunal administratif de Bastia a taxé et liquidé les frais des expertises du docteur C..., respectivement aux sommes de 1 050 euros et de 840 euros ;

- l'ordonnance du 9 mai 2022, J... laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de M. D..., expert, et de Mme I..., sapiteure, à la somme de 1 000 euros chacun.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Bastia et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) relèvent appel du jugement du 29 mai 2019 en tant que le tribunal administratif de Bastia les a solidairement condamnés à verser à Mme G... une somme de 92 140,12 euros, sous déduction de la provision de 5 800 euros versée en exécution de l'ordonnance du 3 août 2017 du juge des référés du même tribunal, a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser à la CPAM du Rhône une somme de 177 567,21 euros au titre des débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et a mis à la charge du centre hospitalier de Bastia les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au profit de Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. J... la voie de l'appel incident, Mme G... et M. E... demandent une meilleure indemnisation des préjudices subis J... Mme G....

2. Faute de pouvoir apprécier la ou les causes du syndrome des loges dont a été victime Mme G... lors de son hospitalisation au centre hospitalier de Bastia le 30 juillet 2012 suite à une fracture fermée du quart inférieur de la jambe gauche, ainsi que l'origine de l'infection bactérienne développée et son lien avec la prise en charge du syndrome des loges, la cour a estimé ne pas disposer des éléments d'information nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause sur l'indemnisation J... le centre hospitalier de Bastia et la SHAM des préjudices subis J... Mme G.... J... un arrêt du 3 juin 2021, un supplément d'instruction a donc été ordonné aux fins de faire procéder à un complément d'expertise sur ces points. Le rapport de l'expertise complémentaire a été déposé le 13 avril 2022 au greffe de la cour.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bastia :

En ce qui concerne la faute médicale :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée J... le président du tribunal administratif de Bastia, et du complément d'expertise sollicité avant dire droit J... la cour, que Mme G... a été prise en charge le 30 juillet 2012 pour une fracture fermée du quart inférieur de la jambe gauche J... le centre hospitalier de Bastia où a été réalisée le 31 juillet 2012 une ostéosynthèse J... vis et plaque sur le péroné et le tibia, suivie de la mise en place d'une contention. Celle-ci a développé dans les suites post-opératoires un syndrome des loges avec des lésions nécrosantes qui ont nécessité le 3 août 2012 une intervention chirurgicale pour une aponévrotomie, avant un retour à son domicile le 13 août 2012. Le 16 août 2012, une évolution cutanée défavorable était constatée à l'occasion d'un suivi médical de ses plaies et du changement de son pansement, requérant une reprise chirurgicale effectuée le 18 août 2012 au centre hospitalier sud de Grenoble pour procéder au lavage de la cicatrice externe et à l'évacuation d'un liquide purulent. L'ablation du matériel d'ostéosynthèse, suivi de la pose d'un fixateur externe et d'une greffe de lambeau a été réalisée le 12 septembre 2012. Le fixateur externe a ensuite été enlevé le 11 janvier 2013, puis une ténotomie percutanée des tendons fléchisseurs des orteils a été enfin réalisée en mai et juin 2013.

5. S'il est relevé que l'immobilisation du membre inférieur gauche de Mme G... dans une botte en résine circulaire a été réalisée conformément aux données acquises de la science médicale et était nécessaire pour éviter une mauvaise position de la cheville, les experts soulignent que la contention non fendue, associée à l'œdème et à l'inflammation qui se forment habituellement après une prise en charge chirurgicale J... ostéosynthèse d'une fracture de la jambe, est à l'origine de l'apparition du syndrome des loges du cou-de-pied qui aurait nécessité, dans les heures qui ont suivi la survenue des premiers symptômes constatés dans la matinée du 1er août 2012, une ouverture de l'immobilisation en résine et une intervention d'aponévrotomie. Or, l'ouverture de la contention qui aurait dû se faire dans les six heures suivant l'apparition du syndrome hyperalgique, n'a été réalisée que le lendemain et l'opération d'aponévrotomie de décharge n'a été pratiquée que le 3 août 2012 au matin. Dans ces conditions, la réalisation tardive de l'ouverture de la botte en résine ainsi que du geste de décompression des loges musculaires, qui ont entraîné une infection ainsi que des séquelles orthopédiques et cutanées importantes, sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Bastia. Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le centre hospitalier n'a pas commis de faute.

En ce qui concerne le défaut d'information :

6. Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise complémentaire du docteur D..., qu'aucune information préalable n'a été donnée à Mme G... sur les risques de syndrome des loges, de nécrose cutanée et d'infection attachés à la réalisation d'une ostéosynthèse. Si ces éléments auraient dû être portés à la connaissance de l'intéressée conformément à l'article L. 1111-2 du code de la santé publique précité, il résulte de l'instruction que, compte tenu du caractère indispensable de l'intervention et de l'absence d'alternative thérapeutique, Mme G... aurait, suite à sa fracture à la jambe, consenti à l'intervention de chirurgie osseuse en question même si elle avait disposé d'informations plus complètes. Dès lors, Mme G... n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre de sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. En revanche, et contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier de Bastia et la SHAM, elle est en droit d'obtenir réparation des troubles qu'elle a subis du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de se préparer psychologiquement aux risques dont elle a été victime et qui se sont produits.

En ce qui concerne la perte de chance :

8. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise J... l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

9. Il résulte du rapport d'expertise complémentaire que l'ouverture tardive de la botte en résine, à l'origine du syndrome des loges contracté postérieurement à l'intervention du 31 juillet 2012, et le retard à procéder à l'intervention d'aponévrotomie, ont entraîné une perte de chance pour Mme G... d'éviter les complications qui sont survenues de l'ordre de 100 %. Il y a lieu, J... suite, de retenir un taux de perte de chance de 100 %, au demeurant non contesté J... le centre hospitalier de Bastia et la SHAM.

Sur les préjudices de Mme G... :

10. Il est constant que l'état de santé de Mme G... doit être regardé comme consolidé à la date du 18 septembre 2014.

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

11. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme G... est en droit d'obtenir réparation des troubles qu'elle a subis du fait qu'elle n'a pas pu se préparer psychologiquement aux risques liés à l'intervention d'ostéosynthèse qu'elle a subie et qui se sont produits. La requérante n'établit en revanche pas que le défaut d'information sur ces risques l'aurait empêchée, ainsi qu'elle l'affirme, de solliciter le report de l'intervention pour être hospitalisée dans un autre établissement hospitalier. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'impréparation subi J... l'intéressée en lui allouant à ce titre une indemnité de 3 500 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

13. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation des dépenses de santé actuelles en allouant la somme de 130 euros, demandée en première instance J... Mme G... au vu des conclusions du rapport d'expertise, correspondant à deux séances d'ostéopathie du 13 mars 2018 et du 20 avril 2018.

14. Il résulte de l'instruction que le docteur H..., titulaire notamment d'un diplôme en matière de réparation juridique du dommage corporel et d'aptitude à l'expertise, a, ainsi qu'il ressort des mentions des rapports d'expertise judiciaire, assisté Mme G... lors de ces opérations d'expertise. Cette assistance, eu égard en particulier à la spécialité de ce professionnel, ayant ainsi été utile à l'intéressée, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM le paiement des frais supportés J... Mme G... à ce titre à hauteur de la somme de 4 200 euros dont ils justifient au vu des factures produites.

15. Mme G... demande à bénéficier d'une indemnisation de 8 409, 38 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne. Le rapport d'expertise conclut à ce titre à la nécessité d'une telle assistance à hauteur de trois heures J... jour du 13 août 2012 au 18 août 2012, de deux heures J... jour du 26 janvier 2013 au 23 mai 2013, de deux heures J... jour du 25 mai 2013 au 12 juin 2013, d'une heure J... jour du 14 juin 2013 au 14 août 2013, de quatre heures J... semaine du 15 août 2013 au 2 septembre 2013 et de deux heures J... semaine du 3 septembre 2013 au 3 décembre 2013. En tenant compte de la valeur moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés,

il sera fait une juste appréciation du préjudice qui a résulté pour Mme G... du besoin d'une aide non spécialisée J... une tierce personne en l'indemnisant selon un taux horaire de 13 euros. Mme G... n'apporte aucun élément de nature à justifier que le coût de cette assistance devrait être déterminé à un taux supérieur, estimé selon elle à 21,65 euros au vu d'un tableau des tarifs des associations ADMR du Rhône, au demeurant établi postérieurement à la date du 1er janvier 2016. Dans ces conditions, le préjudice subi J... Mme G... résultant de l'assistance J... tierce personne doit être évalué à la somme de 2 893,62 euros, déduction faite du crédit d'impôt accordé en 2012 et 2013 au titre de l'emploi d'un salarié à domicile.

16. Le CHU de Bastia et la SHAM ne contestent pas, J... ailleurs, l'évaluation des préjudices faite J... le tribunal au titre de la perte de gains professionnels actuels, à hauteur de la somme de 17 070,12 euros, de sorte qu'il y a lieu de retenir le montant pertinemment fixé à ce titre.

S'agissant des préjudices permanents :

17. Mme G... demande la prise en charge du renouvellement de deux paires de semelles orthopédiques et de deux paires de bas de contention tous les ans, comme indiqué dans le rapport d'expertise. Elle produit une feuille de soins de son podologue datée du 16 mars 2018, justifiant que le coût d'une paire de semelles orthopédiques s'élève à 130 euros, ainsi qu'une facture du 15 janvier 2018 portant sur la délivrance d'une paire de bas de contention, d'un montant total de 70,06 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que le montant restant à la charge de l'assurée, tenant compte des sommes prises en charge J... sa mutuelle complémentaire, est de 35 euros pour l'achat de deux paires de bas de contention, et qu'il est de 180, 12 euros pour l'achat de deux paires de semelles orthopédiques. Les frais futurs d'appareillage pris en charge partiellement J... la CPAM s'élèvent à la somme totale de 2 178,45 euros. Compte tenu de l'âge de Mme G..., de soixante ans, à la date du premier renouvellement de ces appareillages en 2023 et du coefficient correspondant issu du barème de capitalisation publié J... la Gazette du Palais de 2020, soit 27,025, le coût total du renouvellement de l'appareillage doit être fixé à la somme de 5 813,62 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

18. Il résulte de l'instruction que Mme G... a subi un déficit fonctionnel temporaire total au titre des périodes du 30 juillet 2012 au 13 août 2012, du 18 août 2012 au 25 janvier 2013, ainsi que le 24 mai 2013 et le 13 juin 2013, un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 75 % du 14 août 2012 au 17 août 2012, un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 60 % du 26 janvier 2013 au 23 mai 2013, un déficit fonctionnel partiel de 50 % du 25 mai 2013 au 12 juin 2013 et un déficit fonctionnel partiel de 20 % du 14 juin 2013 au 17 septembre 2014. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 4 700 euros sur la base de 400 euros J... mois de déficit total.

19. Les souffrances éprouvées J... Mme G... ont été estimées J... le rapport d'expertise à 5 sur une échelle de 7, compte tenu des interventions chirurgicales et des souffrances ischémiques initiale et psychologique subies. Il y a ainsi lieu de ramener la somme de 20 000 euros allouée J... les premiers juges au titre de ce poste de préjudice à Mme G... à 16 500 euros.

20. Il ressort du rapport d'expertise que l'expert judiciaire a fixé à 4 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique temporaire subi J... l'intéressée en raison de la nécessité pour elle de se déplacer en fauteuil roulant et de l'aspect inesthétique de sa jambe. Eu égard à ces désagréments physiques, il y a lieu de faire une juste appréciation de ce chef de préjudice et d'accorder à Mme G... la somme de 1 500 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

21. L'expert a évalué le déficit fonctionnel permanent à 18 % eu égard aux raideurs articulaires et séquellaires au niveau de la cheville gauche, à la pseudarthrose résiduelle du péroné et aux douleurs permanentes résiduelles. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante ni excessive de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 30 000 euros.

22. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme G... ne peut plus, du fait de la raideur séquellaire de sa cheville gauche, pratiquer certaines activités sportives tels que la course à pied, la randonnée longue distance et le ski. Mme G... produit en appel plusieurs photographies ainsi que des attestations de proches justifiant la pratique de ces activités. Compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de la consolidation de son état de santé et du taux d'infirmité qui lui a été reconnu, il y a lieu d'accorder la somme de 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

23. Il résulte du rapport d'expertise diligenté J... le tribunal administratif que le préjudice esthétique permanent de Mme G... est évalué après consolidation à 3 sur une échelle allant de 1 à 7, en raison des importantes cicatrices présentes sur sa jambe gauche. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des indemnités auxquelles peut prétendre Mme G... en réparation de ses préjudices s'élève à la somme de 93 307,36 euros, sous déduction de la provision de 5 800 euros qui lui a été allouée J... le juge des référés du tribunal administratif de Bastia.

Sur les intérêts au taux légal :

25. Les intimés sont fondés à demander pour la première fois en appel que la somme de 93 307,36 euros mise à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM porte intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017, date d'enregistrement au tribunal administratif de Bastia de leur requête introductive d'instance.

Sur les frais liés au litige :

26. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise du docteur C..., taxés et liquidés à la somme totale de 1 890 euros J... ordonnances du président du tribunal administratif de Bastia du 9 janvier 2018 et du 8 octobre 2018, à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM.

27. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit J... la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros pour M. D..., expert, et de 1 000 euros, pour Mme I..., sapiteure, J... une ordonnance du 9 mai 2022 de la présidente de la cour, à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM.

28. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM le versement à Mme G... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

29. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM du Rhône, agissant pour le compte de la CPAM de l'Isère, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Bastia et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à Mme G... J... le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 est portée à 93 307,36 euros, sous déduction de la provision de 5 800 euros qui lui a été allouée J... ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 3 août 2017. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017.

Article 2 : Le jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise de M. C..., taxés à la somme totale de 1 890 euros, et de M. D..., expert, et de Mme I..., sapiteur, taxés à la somme de 1 000 euros chacun, sont mis définitivement à la charge solidaire du centre hospitalier de Bastia et de la SHAM.

Article 4 : Le centre hospitalier de Bastia et la SHAM verseront solidairement une somme de 1 500 euros à Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Bastia, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à Mme B... G..., à M. A... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Taormina, président assesseur,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public J... mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2022.

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N° 19MA03623

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