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15/12/2022 | FRANCE | N°22MA02690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 15 décembre 2022, 22MA02690


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

A... B... F... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2201493 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande

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M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

A... B... F... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2201493 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2201497 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022 sous le n° 22MA02690, A... F... épouse D..., représentée par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2201493 du 13 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond, et ce, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens, visés ci-dessous, invoqués dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

A... F... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

II. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022 sous le n° 22MA02691, A... F... épouse D..., représentée par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201493 du 13 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le même délai et sous la même astreinte ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

A... F... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

III. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022 sous le n° 22MA02692, M. D..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2201497 du 13 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond, et ce, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens, visés ci-dessous, invoqués dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

IV. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022 sous le n° 22MA02693, M. D..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201497 du 13 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le même délai et sous la même astreinte ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les observations de Me Guarnieri, substituant Me Cauchon-Riondet, représentant A... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. A... F... épouse D... et M. D..., ressortissants russes nés respectivement en 1979 et en 1974, déclarent être entrés en France le 2 septembre 2012, en compagnie de leurs enfants, afin de solliciter l'asile. Les intéressés, dont les demandes d'asile ont été rejetées et qui se sont maintenus sur le territoire français selon leurs déclarations, se sont vu délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois, valable jusqu'au 8 mai 2021, en leur qualité de parent d'un enfant malade. M. et A... D... ont, respectivement au cours des mois de juin et de juillet 2021, sollicité à nouveau une autorisation provisoire de séjour en cette même qualité. Par un arrêté du 9 décembre 2021 concernant A... D... et un arrêté du 24 janvier 2022 concernant M. D..., le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, leur a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Par des jugements du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de A... D... et celle de M. D... tendant à l'annulation, respectivement, de l'arrêté du 9 décembre 2021 et de l'arrêté du 24 janvier 2022. Par leurs requêtes visées ci-dessus, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, A... et M. D... demandent à la cour d'annuler ces jugements et d'en prononcer le sursis à exécution.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code ". L'article R. 431-3 du même code dispose que : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ". Selon l'article R. 432-1 de ce code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". En vertu de son article R. 432-2, la décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît, en principe, au terme d'un délai de quatre mois.

3. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation applicable fait naître, en cas de silence gardé par l'administration, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.

4. Les requérants indiquent avoir sollicité, par un courriel du 13 septembre 2021, soit au cours de l'instruction de leurs demandes d'autorisation provisoire de séjour évoquées au point 1, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". En admettant même que ce courriel puisse être regardé comme contenant une demande de titre de séjour présentée par les intéressés sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des énonciations des arrêtés contestés que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entendu se prononcer expressément sur une telle demande, laquelle est seulement susceptible d'avoir fait naître une décision implicite de rejet en application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du même code. Dans ces conditions, les requérants, qui ne contestent pas une telle décision implicite de rejet dans le cadre des présentes instances, ne sauraient utilement soutenir que les décisions expresses de refus de titre de séjour en litige seraient entachées d'un défaut de motivation en droit au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ne peuvent davantage utilement invoquer le moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur demande présentée le 13 septembre 2021 sur le fondement de ces dispositions.

5. En deuxième lieu, les arrêtés contestés comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ils sont, par suite, suffisamment motivés.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de A... et M. D... avant d'édicter les arrêtés contestés.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Selon l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".

8. D'une part, il ne ressort pas des termes des arrêtés contestés que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait, à tort, estimé lié par l'avis, relatif à l'état de santé du fils de A... et M. D... né en 2004, émis le 29 octobre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

9. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Dans son avis émis le 29 octobre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du fils de A... et M. D... né en 2004 nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si les requérants persistent à soutenir que leur enfant né en 2004 bénéficie d'un suivi médical en raison d'une tuberculose latente et qu'il risque d'être contaminé par son frère né en 2002, lequel souffre d'une tuberculose extrêmement résistante, les seuls éléments médicaux produits tant en première instance qu'en appel sont insuffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation de l'administration sur ce point et ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge médicale de leur fils né en 2004 serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces des dossiers que cet enfant, qui était encore mineur à la date des arrêtés contestés, remplissait alors les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, par suite, que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions de l'article 425-10 du même code en refusant de délivrer les autorisations provisoires de séjour sollicitées sur leur fondement par A... et M. D.... Si les requérants invoquent également à cet égard une erreur manifeste d'appréciation, un tel moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté compte tenu de ce qui précède.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Selon l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

12. Si A... et M. D... se prévalent d'une présence en France de neuf années à la date des arrêtés contestés, ils n'y justifient d'aucune attache familiale particulière, hormis leurs quatre enfants dont les trois plus jeunes étaient mineurs à cette date, et n'établissent ni même n'allèguent y avoir tissé des liens sociaux ou amicaux intenses et stables. Il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les intéressés, qui ne justifient pas d'une intégration particulière en France, seraient dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, dans lequel leurs trois premiers enfants sont nés et où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Il n'est par ailleurs pas établi que A... et M. D... se trouveraient, notamment en raison de l'état de santé de leurs fils nés respectivement en 2002 et en 2004, dont le premier était majeur à la date des arrêtés contestés, dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale en dehors du territoire français avec leurs enfants, ni que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité, et ce alors même qu'ils sont scolarisés en France depuis plusieurs années. Dans ces circonstances, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour aux intéressés, porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les décisions de refus de titre de séjour en litige méconnaissent les stipulations citées au point précédent doit être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

13. En sixième lieu, si les requérants se réfèrent aux énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, ils ne détiennent aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation. Par suite, ils ne peuvent utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire pour l'exercice de ce pouvoir.

14. En septième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

15. Les décisions de refus de titre de séjour en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer A... et M. D... de leurs enfants mineurs à la date des arrêtés contestés. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que les enfants mineurs des intéressés, et en particulier leur fille née en France en 2013, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans un autre pays, notamment dans celui dont ils ont la nationalité. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait, en refusant de délivrer un titre de séjour à A... et M. D..., porté atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne saurait être accueilli.

16. En huitième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, A... et M. D... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire français.

17. En neuvième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 et 15, les mesures d'éloignement en litige ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur la situation de A... et M. D....

18. En dixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ".

19. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que A... et M. D... ou leurs enfants, en particulier celui dont la pathologie peut être prise en charge dans leur pays d'origine, seraient exposés à des peines ou à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les dispositions et stipulations citées au point précédent doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône des 9 décembre 2021 et 24 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

21. Le présent arrêt statuant sur les conclusions des requêtes de A... et M. D... tendant à l'annulation des jugements du tribunal administratif de Marseille du 13 juin 2022, les conclusions de leurs requêtes nos 22MA02690 et 22MA02692, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ces deux jugements, sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

22. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées respectivement par A... et M. D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés aux litiges :

23. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans les requêtes nos 22MA02690 et 22MA02692.

Article 2 : Les requêtes nos 22MA02691 et 22MA02693 ainsi que le surplus des conclusions des requêtes nos 22MA02690 et 22MA02692 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à A... B... F... épouse D..., à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Cauchon-Riondet.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

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Nos 22MA02690, 22MA02691, 22MA02692, 22MA02693

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02690
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CAUCHON-RIONDET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-15;22ma02690 ?
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