Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les Roures a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le maire d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux portant sur la réalisation d'un terrain de tennis sur une parcelle cadastrée section AC n° 375.
Par un jugement n° 1703682, 1710233 du 24 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19MA03598 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de la société Les Roures tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 et a annulé cet arrêté.
Par une décision n° 448969 du 13 avril 2022, rectifiée par ordonnance n° 448969 du 9 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi de la ministre de la transition écologique, annulé cet arrêt du 19 novembre 2020 en tant qu'il annule l'arrêté du 23 mars 2017 du maire de la commune d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat et renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure.
Procédure devant la Cour :
Par une intervention et des mémoires enregistrés le 28 juin 2022, le 20 juillet 2022 et le 22 août 2022, la commune d'Eygalières, représentée par Me Légier, demande que la Cour rejette la requête de la société Les Roures par les mêmes motifs que ceux exposés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Les Roures ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistré le 1er juillet 2022 et le 27 juillet 2022, la société Les Roures demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 du maire d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté du 23 mars 2017 a été pris en l'absence de procédure contradictoire préalable et alors que le maire ne se trouvait pas en situation d'urgence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Légier, représentant la commune d'Eygalières.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 mars 2017, le maire d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat, a mis en demeure la société Les Roures d'interrompre immédiatement les travaux de construction d'un terrain de tennis en cours sur la parcelle cadastrée AC 375. Par un jugement du 24 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Les Roures tendant à l'annulation de cet arrêté, ainsi que sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 20 février 2017. Par un arrêt n° 19MA03598 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté la demande de la société Les Roures dirigée contre l'arrêté du 23 mars 2017 et a annulé celui-ci. Par une décision n° 448969 du 13 avril 2022, rectifiée par ordonnance n° 448969 du 9 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi de la ministre de la transition écologique, annulé cet arrêt du 19 novembre 2020 en tant qu'il annule l'arrêté du 23 mars 2017 du maire de la commune d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat et renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure.
Sur l'intervention de la commune d'Eygalières :
2. La commune d'Eygalières a intérêt au maintien du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant de l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux (...) ". Aux termes de l'article L. 480-1 de ce code : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétente ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les L. 610-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". Aux termes de l'article L. 610-1 du même code : " En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire peut légalement ordonner l'interruption de travaux qui ne seraient pas conformes au document local d'urbanisme.
4. Pour mettre en demeure la société Les Roures, par l'arrêté attaqué du 23 mars 2017, d'interrompre immédiatement les travaux d'aménagement litigieux le maire d'Eygalières s'est fondé sur la circonstance que ces travaux n'étaient pas au nombre de ceux qu'autorise l'article ND1 du règlement du plan d'occupation des sols communal. Cependant, le plan d'occupation des sols n'était plus en vigueur à la date de cet arrêté du 23 mars 2017 dès lors que, par délibération du 20 février 2017, le conseil municipal d'Eygalières avait approuvé le plan local d'urbanisme, exécutoire le 22 février suivant. Dès lors, le maire ne pouvait légalement fonder cet arrêté sur les dispositions du plan d'occupation des sols abrogées.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. L'administration demande que le motif tiré de la méconnaissance des articles N1 et N2 du plan local d'urbanisme (PLU) soit substitué au motif initial sur lequel est fondé l'arrêté attaqué. Aux termes de l'article N1 du PLU : " Occupations du sol interdites : Sont interdites : Pour tous les secteurs : a) Tout aménagement, toute construction ou installation nouvelle, toute extension d'un bâti existant, toute installation classée ou non et établissement de toute nature, autres que ceux visés à l'article N 2 ci-dessous. Pour les secteurs affectés par un risque feu de forêt F1 : a) Interdiction générale de toute occupation du sol augmentant le niveau de risque ". Aux termes de l'article N2 du PLU : " occupations du sol soumises à des conditions particulières : Sont autorisées : Pour tous les secteurs : a) les abris légers non pérennes et démontables, relatifs aux activités de pastoralisme. Le respect de l'équilibre des paysages devra être observé (ne pas remettre en cause la vue, la lisibilité, l'harmonie ou l'esprit des lieux) ; b) les affouillements et exhaussements du sol liés à l'activité forestière, agricole et pastorale, ou aux ouvrages de défense contre l'incendie, à condition qu'ils soient correctement intégrés dans le paysage ; c) les travaux de mise en valeur, d'adaptation, de requalification sur les bâtiments ou les éléments qui font l'objet d'une protection au titre de l'article L 123-1-5 III 2° (L. 151-19 nouveau) du code de l'urbanisme, localisés sur les documents graphiques et identifiés en annexe 1 du présent règlement, dès lors qu'ils sont conçus dans le sens d'une préservation des caractéristiques esthétiques ou historiques desdits bâtiments (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la partie sud de la parcelle cadastrée AC 375, sur laquelle les travaux litigieux ont été mis en œuvre, a été classée en secteur Npnr du PLU communal, qui correspond aux espaces compris dans les paysages remarquables de la directive de protection et de mise en valeur des paysages des Alpilles (DPA). La société Les Roures ne conteste pas que les travaux d'aménagement d'un terrain de tennis ne sont pas au nombre des travaux autorisés sous conditions par 1'article N2 du règlement du PLU mais invoque par voie d'exception l'illégalité de ce classement. La DPA comporte une orientation n° 2 consistant à protéger l'aspect naturel du massif des Alpilles et les espaces ouverts emblématiques des piémonts. Si les terrains en litige sont proches du centre de la commune d'Eygalières, ils ne sont pas bâtis pour l'essentiel et à l'état naturel. Ils s'intègrent dans les espaces ouverts des piémonts des Alpilles. Dans ces conditions, ainsi d'ailleurs que l'a jugé la Cour par son arrêt n° 19MA03598 du 19 novembre 2020 devenu définitif sur ce point, le classement en zone naturelle Npnr de la partie sud de la parcelle cadastrée AC 375 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que le maire d'Eygalières aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur les dispositions du règlement du PLU. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Par dérogation à cet article, l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) ".
9. Il résulte des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme et de celles citées au point 8 que la décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils ne sont pas menés en conformité avec une autorisation de construire, qui est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations, sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles. La situation d'urgence permettant à l'administration de se dispenser de cette procédure contradictoire s'apprécie tant au regard des conséquences dommageables des travaux litigieux que de la nécessité de les interrompre rapidement en raison de la brièveté de leur exécution.
10. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 9 novembre 2016, le maire d'Eygalières a informé la société Les Roures de l'impossibilité de réaliser l'aménagement d'un court de tennis sur sa parcelle au regard du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols et de l'orientation n° 2 de la DPA. Par courrier du 7 décembre 2016, la société Les Roures a contesté cette appréciation et a fait savoir qu'elle estimait que les travaux étaient dispensés de toute autorisation d'urbanisme. Le 21 mars 2017, le directeur général des services de la commune d'Eygalières a dressé procès-verbal à l'encontre de la société requérante. Il est constant que la procédure contradictoire exigée par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été mise en œuvre après l'établissement de ce procès-verbal et préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué du 23 mars 2017. Toutefois, eu égard à leur importance, tenant notamment à la surface au sol occupée, et à leur nature, les travaux réalisés par la société requérante emportent des conséquences dommageables pour le secteur Npnr dans lequel ils se situent. Par ailleurs, le procès-verbal du 21 mars 2017, qui fait foi jusqu'à la preuve contraire et auquel plusieurs photographies sont annexées, mentionne que " le chantier d'aménagement d'un court de tennis est en pleine activité : - une couche de surface a été réalisée - un sol formant une sous couche a été réalisé - des poteaux sont en cours d'implantation - des employés au nombre de trois s'affairent sur le chantier - une bétonnière est installée ainsi qu'un engin de chantier ". Si la société Les Roures soutient que ces travaux n'avaient pas été interrompus depuis le courrier précité du 9 novembre 2016, leur état d'avancement laissait présumer, à la date du procès-verbal établi le 21 mars 2017, leur achèvement à très court terme. En présence dès lors de l'existence d'une situation d'urgence, le non-respect de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas entaché d'illégalité l'arrêté du 23 mars 2017.
11. En troisième lieu, la circonstance que d'autres courts de tennis ont été construits sur les parcelles avoisinantes ne permet pas d'établir le détournement de pouvoir allégué.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Roures n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Les Roures demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la commune d'Eygalières est admise.
Article 2 : Les conclusions de la requête de la société Les Roures dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 du maire d'Eygalières, agissant au nom de l'Etat sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Les Roures, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune d'Eygalières.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tarascon.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
N° 22MA01174 2