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15/12/2022 | FRANCE | N°22MA00439

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 15 décembre 2022, 22MA00439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans à compter de l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2110605 du 7 janvier 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande

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Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2022, M. B... , ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans à compter de l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2110605 du 7 janvier 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2022, M. B... , représenté par Me Dridi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans à compter de l'exécution de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation administrative et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, au profit de son conseil, qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros.

Il soutient que sa requête est recevable, dès lors qu'il a intérêt à agir contre l'arrêté attaqué.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- le signataire de cet arrêté ne bénéficie pas d'une délégation de signature régulière ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations préalablement au prononcé de la mesure d'éloignement, en violation du principe du contradictoire et contrairement à ce qu'indique l'arrêté ;

- son droit à être entendu prévu à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;

- la notification de cette mesure d'éloignement a été faite sans l'assistance d'un interprète, en méconnaissance des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en violation du droit à un recours effectif et des droits de la défense ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2, alinéa 1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- elle est entachée d'une " erreur d'appréciation des faits " dès lors qu'il n'a jamais été condamné pour violences conjugales et n'a pas été condamné par la Cour d'appel d'Aix en Provence le 19 août 2021 mais par le tribunal judiciaire de Marseille le 5 juillet 2021 ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le requérant ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnait la circulaire du ministère de l'intérieur du 16 octobre 2017 (INTK170180J) relative à l'éloignement des personnes représentant une menace pour l'ordre public et des sortants de prison ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait, en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 ;

- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation à cet égard, le préfet n'ayant statué sur cette question que dans le dispositif de sa décision ;

- le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 a considéré que la réduction du délai de recours ne s'appliquait que dans l'hypothèse d'une libération imminente ;

- il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations sur cette mesure individuelle négative, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et des principes généraux du droit de l'Union européenne ;

- il n'est pas démontré qu'il aurait tenté de se soustraire à une précédente mesure d'éloignement suite à une interpellation et en tout état de cause, l'infraction concernée n'apparaît pas dans son casier judiciaire ;

- il présente toutes les garanties de représentation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- il justifie avoir sa résidence habituelle en France et y avoir transféré l'ensemble de ses intérêts personnels et familiaux, ce qui fait que cette décision aurait que pour effet de l'empêcher de rejoindre sa famille de façon régulière.

La requête a été communiquée au préfet qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 20 mai 1989, incarcéré au centre pénitentiaire des Baumettes après une mise sous écrou le 3 juillet 2021 et libérable le 3 avril 2022, a fait l'objet le 30 novembre 2021 d'un arrêté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête visant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la méconnaissance du droit à un recours effectif et des droits de la défense à défaut d'avoir pu présenter ses observations ou d'avoir eu recours à un interprète doivent être écartés, par adoption des motifs du tribunal qui n'appellent pas de précision en appel.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. M. B... ne peut utilement invoquer les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont été abrogées à compter du 1er mai 2021 et qui ont été reprises à l'article L. 613-1 du même code. En outre, la décision attaquée, qui vise l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, ainsi que les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, expose avec suffisamment de précision les éléments de la situation personnelle et familiale de M. B... et indique qu'il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire. Le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'était pas tenu de faire figurer l'ensemble des éléments de la situation de M. B... notamment sa situation professionnelle ni, en tout état de cause, de prendre attache avec son conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation afin de recueillir des éléments sur cette situation, a procédé à un examen particulier de celle-ci. Cet arrêté comporte ainsi de façon circonstanciée l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et du défaut d'examen doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., non titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français muni du visa normalement requis conformément à l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Par suite, il se trouvait dans le cas, visé au 1° des dispositions précitées, où le préfet peut édicter une obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, si M. B..., condamné par le tribunal judiciaire de Marseille le 3 juillet 2021 à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits d'acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants, soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors qu'il serait un simple consommateur de stupéfiant et non un dealer, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif de l'entrée irrégulière sur le territoire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet des Bouches-du-Rhône en estimant que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public, doit, en tout état de cause, être écarté. Dès lors, M. B... ne peut se prévaloir de la méconnaissance des dispositions, de la circulaire n° NOR INTK1701890J du 16 octobre 2017 du ministre de l'intérieur, au demeurant dépourvues de caractère réglementaire. Il ne peut davantage se prévaloir de l'erreur commise par le préfet des Bouches-du-Rhône en citant une condamnation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 août 2021 au lieu d'une condamnation prononcée par le Tribunal judiciaire de Marseille du 3 juillet 2021.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... soutient être entré en France en 2008 et y résider continûment depuis. Toutefois, les pièces produites au soutien de cette allégation ne permettent pas d'établir sa résidence habituelle sur le territoire français, notamment avant septembre 2017, et il n'apporte aucun élément sur sa présence en France antérieurement à 2012. Par ailleurs, s'il se prévaut du pacte de civil de solidarité qu'il a conclu le 25 juin 2016 avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier qu'il a été interpellé le 20 janvier 2020 pour des faits de violences commises à l'égard de celle-ci. De plus, les pièces qu'il produit pour démontrer l'existence d'une communauté de vie avec cette dernière sont toutes antérieures au 20 janvier 2020 sachant qu'il a été écroué le 3 juillet 2021, et qu'il ressort des termes du procès-verbal d'audition de l'intéressée que celle-ci a déclaré ce même jour, auprès des services de police, envisager une séparation définitive d'avec M. B.... Ainsi, il ne justifie pas de l'actualité de cette relation, ni d'une communauté de vie antérieure à son incarcération, en se bornant à produire une attestation de l'intéressée, peu circonstanciée, aux termes de laquelle celle-ci se contente de déclarer pouvoir l'héberger à sa levée d'écrou. En outre, si le requérant soutient que certains membres de sa famille, notamment sa sœur et son frère, résident à Marseille, en tout état de cause, il ne l'établit pas. Enfin, en se bornant à fournir l'extrait k-bis édité le 27 mai 2021 de la société Pro Service, dont il est le gérant, et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle notable sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'obligation de quitter le territoire français en litige aurait, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni que cette obligation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

9. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) / f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui indique être entré en France en 2008, n'apporte aucune pièce de présence avant 2012 et a fait l'objet, le 20 janvier 2020, d'une obligation de quitter le territoire français pris par le préfet des Bouches-du-Rhône à laquelle il n'a pas déféré. Il ne justifie donc pas d'une résidence régulière depuis plus de dix ans sur le territoire. Il ne justifie d'aucun mariage avec une ressortissante française. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié.

11. Il ressort de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui ne s'est pas fondé sur une condamnation pour violence conjugale, contrairement à ce que soutient M. B..., était fondé à prononcer une obligation de quitter le territoire à son encontre sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa vie personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

13. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur la circonstance qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement dès lors, tout d'abord, qu'entré en 2008 selon ses dires, il n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ensuite, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes en l'absence de passeport en cours de validité et ne justifiant pas d'un lieu de résidence effectif et enfin, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône justifie de la circonstance qu'il s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement à la suite de son interpellation par les services de police dans le cadre d'une procédure judiciaire pour des faits de violences conjugales, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que son casier judiciaire ne mentionnerait pas de condamnation à ce titre. Si le requérant soutient en outre qu'il présente toutes les garanties de représentation suffisante, il ne l'établit pas. Par suite, c'est à bon droit que le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire.

14. En second lieu, les moyens tirés de l'insuffisance et du défaut de motivation, de la méconnaissance de la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 du conseil constitutionnel et du défaut d'être mis en mesure de présenter ses observations, doivent être écartés, par adoption des motifs du tribunal qui n'appellent pas de précision en appel.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur les circonstances qu'il déclare être entré en France à une date et dans des conditions indéterminées et ne démontre pas y avoir habituellement résidé depuis cette date, qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, qu'il est sans enfant et ne justifie ni d'une communauté de vie depuis au moins un an avec sa concubine avec laquelle il aurait conclu un pacte civile de solidarité, ni être dépourvu d'attaches personnelles ou familiales dans son pays d'origine, qu'il n'a pas exécuté spontanément la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 20 janvier 2020 et que sa présence en France, alors qu'il a été condamné le 19 août 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à une peine d'un an d'emprisonnement pour transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants, constitue une menace pour l'ordre public. Si M. B... soutient que le préfet ne pouvait pas prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'il justifie de sa résidence habituelle en France et y avoir transféré l'ensemble de ses intérêts personnels et familiaux, le moyen doit être écarté eu égard à ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt. En outre, la circonstance que cette décision mentionnerait à tort une condamnation par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 19 août 2021, et non par le tribunal judiciaire le 5 juillet 2021, et retiendrait à tort l'infraction d'offre et cession non autorisées de stupéfiants, alors que ce tribunal l'a relaxé de ce chef d'inculpation, ces seules erreurs de plume sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause, M. B... ayant effectivement fait l'objet d'une condamnation par le tribunal judiciaire de Marseille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à le supposer soulevé, doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à Me Dridi.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

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Nos 22MA00439

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00439
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DRIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-15;22ma00439 ?
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