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15/12/2022 | FRANCE | N°20MA02782

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 15 décembre 2022, 20MA02782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LDC Finances a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et de désigner un expert ayant pour mission de donner une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers cédés par la société à responsabilité limitée (SARL) La Maison Rose à M. A... et à elle-même.

Par un jugement n

1804157 du 19 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LDC Finances a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et de désigner un expert ayant pour mission de donner une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers cédés par la société à responsabilité limitée (SARL) La Maison Rose à M. A... et à elle-même.

Par un jugement n° 1804157 du 19 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 août 2020 et 19 février 2021, la société LDC Finances, représentée par la société d'avocats Lamartine Conseil, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'imposition en litige et pénalités correspondantes, et de reconstituer les déficits antérieurs ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'expertise ordonnée par le tribunal judiciaire de Gap ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert afin de procéder à une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers en litige ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui n'a pas motivé le refus de désigner un expert, est entaché d'irrégularité ;

- les termes de comparaison initialement retenus par l'administration fiscale pour déterminer la valeur vénale des biens que la SARL La Maison Rose, dont elle est associée, lui a cédés ainsi qu'à M. A... ne sont pas pertinents, dès lors qu'aucun de ces termes de comparaison ne présente des critères de comparabilité suffisante avec les biens en cause et qu'ils portent sur des biens de grand standing ;

- le bien de référence finalement retenu, qui est le duplex situé dans le même immeuble, ne possède pas les mêmes caractéristiques que les biens cédés ;

- ce duplex, vendu habitable, est situé aux deuxième et troisième étages de l'immeuble, bénéficie d'un ensoleillement notable et d'une vue dégagée, comprend un garage et dispose d'une terrasse et de deux balcons, ce qui n'est pas le cas des biens cédés ;

- les décotes de 511 euros par m² et 566 euros par m² retranchées du prix de vente au m² du duplex pour tenir compte des travaux d'aménagement des biens litigieux réalisés après l'acquisition sont insuffisantes et ne sont pas représentatives de l'ampleur des travaux qu'elle a réalisés ;

- elle justifie, par la production d'un rapport d'expertise et d'une estimation réalisée par une agence immobilière, que les prix des biens litigieux étaient parfaitement conformes à la réalité du marché au regard de la nature de ces biens.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 septembre 2020 et 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Weller représentant la société LDC Finances.

Une note en délibéré et des pièces présentées pour la société LDC Finances ont été enregistrées les 9 et 13 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Maison Rose, qui a exercé une activité de marchand de biens immobiliers et dont la société LDC Finances est associée à hauteur de 50 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, faisant application de la procédure de rectification contradictoire, a rehaussé ses bénéfices imposables au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et l'a imposée à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La société LDC Finances a, en conséquence, été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, l'exercice clos en 2012 restant déficitaire. Elle relève appel du jugement du 19 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle elle a été ainsi assujettie et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions de la demande de la société LDC Finances tendant à la décharge des impositions en litige, les premiers juges ont estimé que l'administration établissait que la cession des deux biens appartenant à la SARL La Maison Rose, à hauteur de 110 000 euros chacun, a été consentie à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale de 244 698 euros et de 251 379 euros, valeur vénale déterminée en dernier lieu, par la commission départementale de conciliation des Hautes-Alpes, dans son avis du 3 octobre 2017, suivi par l'administration, sur la base du prix de vente au m² du duplex situé dans le même ensemble immobilier, auquel a été appliquée une réfaction tenant compte du coût des travaux réalisés après leur acquisition. Le tribunal a exposé que les éléments produits par la société LDC Finances, à savoir des documents photographiques non datés, un rapport d'expertise postérieur aux opérations de contrôle et dénué de tout justificatif, un courrier d'une agence immobilière, ne suffisaient pas à établir avec une précision suffisante que les appartements litigieux auraient été surévalués à la date de leur cession. Ces motifs étaient, par eux-mêmes, suffisants pour permettre à la société LDC Finances de comprendre que la mesure d'expertise qu'elle sollicitait ne présentait pas, dans ces conditions, un caractère utile. Par suite, en énonçant, sans autre justification, que les conclusions tendant au prononcé d'une expertise devaient être rejetées, les premiers juges n'ont pas insuffisamment motivé leur jugement. Par ailleurs, la société appelante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-CTX-ADM-10-40-10 qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration. Par suite, la société LDC Finances n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

4. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, et d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, cette intention est présumée.

5. Il résulte de l'instruction que la SARL La Maison Rose a acquis, par acte notarié du 27 juillet 2011, une maison à usage d'habitation au prix de 250 000 euros située 31, rue du Centre, hameau de Chantemerle à Saint-Chaffrey (05330). Après avoir effectué des travaux de réhabilitation de la maison d'habitation et créé trois lots distincts au sein de celle-ci, elle a revendu chacun des lots à trois acquéreurs différents. Elle a cédé le 21 décembre 2012, le premier étage d'une superficie de 53 m² à M. A..., son gérant, pour un prix de 110 000 euros, le 30 janvier 2013, le rez-de-chaussée d'une superficie de 51 m² à la société LDC Finances pour un prix de 110 000 euros, et le 14 février 2013, les deuxième et troisième étages, correspondant à un duplex d'une superficie de 97 m² ayant fait l'objet d'une rénovation, à des particuliers pour un prix de 515 000 euros. Au cours des opérations de vérification dont la SARL La Maison Rose a fait l'objet, le service vérificateur a considéré qu'en cédant le rez-de-chaussée et le premier étage à leur prix de revient au bénéfice de personnes qui lui étaient liées, la société avait commis un acte anormal de gestion. Dans le cadre de la procédure de rectification en matière de droits d'enregistrement, la commission départementale de conciliation des Hautes-Alpes a, dans son avis du 3 octobre 2017, déterminé la valeur vénale des biens litigieux en tenant compte, non pas du prix de marché médian établi à 6 767 euros le m² selon les termes de comparaison retenus par l'administration, mais du prix de vente au m² du duplex soit 5 309 euros, auquel a été appliquée une réfaction tenant compte du coût des travaux, établissant l'écart de prix correspondant à la minoration du prix de vente de ces lots à 141 379 euros au titre de l'exercice clos en 2012 s'agissant de la vente du premier étage à M. A... et à 134 698 euros au titre de l'exercice clos en 2013, s'agissant de la vente du rez-de-chaussée à la société LDC Finances. L'administration fiscale a accepté de tenir compte de ces nouveaux montants de bénéfices rectifiés dans le cadre de cette procédure distincte.

6. D'une part, la société LDC Finances ne saurait utilement contester les termes de comparaison initialement retenus par le service vérificateur pour déterminer la valeur vénale des biens cédés par la SARL La Maison Rose dès lors que, comme il a été dit précédemment, la valeur vénale de ces deux appartements a été déterminée en dernier lieu par la commission départementale de conciliation des Hautes-Alpes, dans son avis du 3 octobre 2017, sur la base du prix de vente au m² du duplex situé dans le même ensemble immobilier soit 5 309 euros, avis que l'administration fiscale a suivi.

7. D'autre part, la société appelante soutient que le terme de comparaison finalement retenu, le duplex créé dans la maison, n'est pas pertinent dès lors qu'il présente des caractéristiques différentes des biens cédés, notamment sa superficie, qu'il dispose d'un garage fermé, qu'il bénéficie d'un meilleur ensoleillement, d'une vue dégagée sur le domaine skiable de Serre-Chevalier, alors que les biens litigieux ont été cédés hors d'eau et hors d'air donc non habitables. Toutefois, le duplex reste un bien de comparaison similaire dès lors qu'il se situe dans le même immeuble bénéficiant ainsi de la même situation géographique. La circonstance qu'il soit d'une superficie supérieure ne s'oppose pas à ce qu'il soit pris en compte pour l'évaluation de la valeur vénale des biens en cause. En outre, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a tenu compte, pour la détermination du prix au m², des travaux d'aménagement intérieur auxquels ont procédé les acquéreurs, dont le montant a été déterminé en concertation avec M. A... au cours du débat oral et contradictoire, soit 511 euros par m² s'agissant du rez-de-chaussée et 566 euros par m² s'agissant du premier étage. Par ailleurs, si la société se prévaut d'un rapport d'un expert près la cour d'appel de Grenoble, établi le 15 décembre 2014, ce rapport, qui fait état sans aucune précision ni justificatifs des " valeurs de ventes d'appartements qui oscillent entre 6 500 euros et 7 500 euros/ m² " à Saint-Chaffray et à La Salle les Alpes, ne suffit pas à établir que les appartements litigieux auraient été surévalués à la date de leur cession. De même, le courrier établi par une agence immobilière le 12 août 2012, soit avant l'achèvement des travaux, estimant la valeur du bien à 2 800 euros le m², n'est pas suffisant pour utilement contester le terme de comparaison, précis, finalement retenu par l'administration. Par suite, l'administration fiscale démontre que la SARL La Maison Rose a cédé les biens en litige à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale.

8. Pour apporter la preuve de ce que la vente en cause, portant sur un élément de stock de la SARL La Maison Rose qui exerçait l'activité de marchand de biens, est constitutive d'une libéralité, l'administration fiscale relève outre l'écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale la circonstance que la société LDC Finances est associée à hauteur de 50 % de la SARL et qu'au demeurant, son gérant et associé majoritaire, M. B..., était co-gérant de fait de la SARL, ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et de l'acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit.

9. La société LDC Finances ne conteste pas cette présomption de libéralité. Ainsi, l'administration établit l'intention pour la SARL La Maison Rose d'octroyer, et pour la société LDC Finances, de recevoir une libéralité du fait de la vente par la SARL, à son associée, d'un élément de son actif circulant à un prix significativement minoré. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de la société requérante, le montant de la libéralité dont elle a bénéficié à raison de cette minoration du prix d'acquisition du bien litigieux.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée qui ne revêtirait pas de caractère utile ni de surseoir à statuer, que la société LDC Finances, par les moyens qu'elle invoque, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société LDC Finances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société LDC Finances et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

2

N° 20MA02782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02782
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP BEAM

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-15;20ma02782 ?
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