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15/12/2022 | FRANCE | N°20MA02548

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 15 décembre 2022, 20MA02548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le maire de Cannes a refusé de leur délivrer le permis de construire qu'ils sollicitaient ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 15 septembre 2017.

Par un jugement n° 1705228 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2020

, M. C... et Mme B..., représentés par Me Gascard, demandent au tribunal :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le maire de Cannes a refusé de leur délivrer le permis de construire qu'ils sollicitaient ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 15 septembre 2017.

Par un jugement n° 1705228 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2020, M. C... et Mme B..., représentés par Me Gascard, demandent au tribunal :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le maire de Cannes a refusé de leur délivrer le permis de construire qu'ils sollicitaient ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 15 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cannes de réexaminer leur demande de permis de construire;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la motivation des premiers juges est imprécise s'agissant du risque incendie et insuffisante s'agissant de la rupture d'égalité invoquée ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence ;

- l'analyse ayant donné lieu à l'avis défavorable du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est erronée et la commune ne peut fonder un refus de permis de construire sur le simple avis défavorable du SDIS, le projet ne causant aucune atteinte à la salubrité publique ou à la sécurité publique ;

- le projet est conforme aux prescriptions du plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) ;

- les propriétaires d'une parcelle voisine ont obtenu un permis de construire pour une maison d'habitation de 105 m carrés alors que l'accès à leur parcelle est identique à celui qui est en litige et qui a motivé le refus de permis de construire ;

- par un arrêté du 1er août 2011, le maire de Cannes accordé un permis de construire sur les parcelles AL 152 et AL 155 pour une maison de 168 m carrés ; les services du SDIS, sur la base du même PPRIF et pour la même zone géographique, qui n'a subi depuis aucune modification, avaient donné leur aval au projet ;

- en 2013, ils ont été autorisés à agrandir leur résidence principale située sur le lieu du projet en cause sur les parcelles cadastrées section AL numéros 540, 670, 671, 672 et 675 ; le SDIS n'avait formulé aucune opposition au projet ; le projet en cause est similaire puisqu'il prévoit l'agrandissement de l'existant ;

- la commune a donc commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2022, la commune de Cannes, représentée par Me Paloux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un courrier du 23 novembre 2022, la Cour a indiqué aux parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de prononcer d'office, sur le fondement de l'article L. 911-1 du même code, une injonction de délivrance du permis de construire.

Des observations présentées pour la commune de Cannes ont été enregistrées le 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Paloux pour la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme B... ont déposé le 15 mai 2017 une demande de permis de construire en vue de l'extension d'une construction à usage d'habitation et de la création d'une piscine, sur des parcelles cadastrées section AL n° 152 et 155, sises 34 impasse des peupliers, à Cannes La Bocca. Par un arrêté du 18 juillet 2017, le maire de Cannes a refusé de leur délivrer le permis de construire sollicité. M. C... et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants soutiennent, d'une part, que la motivation du jugement attaqué est imprécise s'agissant de l'évaluation du risque incendie et qu'elle n'analyse pas les pièces produites, les premiers juges ont retenu que le terrain d'assiette était en zone de danger modéré au risque de feux de forêt et était desservie par une voie d'accès ne présentant pas les caractéristiques suffisantes pour assurer l'accès des véhicules de secours en raison de la présence notamment d'un pont de chemin de fer ne permettant pas le passage des véhicules hauts sans que cela ne soit valablement contesté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

3. Si les requérants soutiennent, d'autre part, que le jugement ne répond au moyen tiré de la rupture d'égalité, il ressort de la requête de première instance qu'un tel moyen n'avait pas été soulevé en ces termes. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sur la rupture d'égalité ne peut qu'être écarté.

Sur le bienfondé du jugement :

4. Aux termes de l'article I.4 du plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) : " Un point d'eau normalisé (...) est constitué : / soit par un poteau d'incendie de 100 mm assurant un débit de 60m3/h sous pression résiduelle de 1 bar / soit par un réservoir public ou géré par une association syndicale de propriétaire (ASL) de 120 m3 ou auto aliment é fournissant 120 m3 en 2 heures accessible aux services incendies / soit par une solution technique combinant un poteau de débit supérieur à 30 m3/j et un ou des réservoirs interconnectés complétant à 120 m² disponibles en 2 h la quantité d'eau par le poteau. Le poteau d'incendie et le raccord d'alimentation des réservoirs doivent se situer à proximité. (...) Dans tous les cas, le point d'eau normalisé au titre du PPRIF est réceptionné par le SDIS afin de vérifier ses accessibilité et manœuvrabilité / (...) une voie défendue est une section de voie, à double issues, présentant une largeur de bande de roulement supérieure ou égale à 5 mètres, comprise entre deux points d'eau normalisés distants de 300 mètres maximum (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

6. Pour refuser de délivrer à M. C... et Mme B... le permis de construire qu'ils avaient sollicité, le maire de Cannes a relevé que le projet d'extension de la construction existante méconnaît les dispositions de l'article I.4 de la zone B1 du règlement du PPRIF et qu'il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation et de ses caractéristiques, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

7. Il ressort de la demande de permis de construire que le projet en litige vise d'une part, à agrandir une construction existante qualifiée d'habitation présentant initialement une surface de 31,40 mètres carrés et, d'autre part, à réaliser une piscine de 4 mètres par 6 mètres.

8. En premier lieu, l'article I.4 du PPRIF relatif au glossaire ne comporte aucune règle opposable au permis de construire sollicité. Le maire ne pouvait, sur ces dispositions, refuser la demande de permis de construire en litige.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet sera desservi par une voie au-dessus de laquelle passe un pont supportant une voie de chemin de fer dont la hauteur ne permet pas le passage des véhicules présentant une hauteur importante tels que certains véhicules de secours ou de lutte contre l'incendie. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a d'ailleurs émis un avis défavorable au projet pour cette raison. Toutefois, le terrain d'assiette qui comporte déjà une villa de 140 mètres carrés et une maisonnette de 31 mètres carrés se situe en zone bleu B1 du PPRIF, exposée à un risque modéré. Le projet ne porte que sur la réalisation d'une extension de 16 m carrés de la petite construction, sans création de nouveau logement en plus de la piscine. Il bénéficie déjà de moyens de défense comme une borne incendie située à 180 mètres environ des limites parcellaires et la création de la piscine assurera également une réserve d'eau supplémentaire utile à une éventuelle défense contre l'incendie. Le secteur est, en outre, constitué d'une zone résidentielle composée de parcelles qui sont presque toutes déjà bâties de villas et d'un lotissement desservi par la même voie passant sous le pont SNCF. Il n'est pas établi ni même allégué que la hauteur disponible sous le pont rendrait impossible le passage de tout véhicule de lutte contre l'incendie. Enfin, le projet qui n'emporte pas la création de logement supplémentaire n'exposera pas davantage de personnes à ce risque incendie modéré. Par suite, le maire ne pouvait s'opposer au projet sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 15 septembre 2017.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire de Cannes de délivrer le permis de construire la piscine sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder, dans le même délai, au réexamen de la demande s'agissant de l'extension du bâtiment de 16 mètres carrés.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

13. Les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Cannes à l'encontre de M C... et de Mme B..., qui ne sont pas les parties perdantes, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Cannes, au profit de M. C... et Mme B..., la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1 : Le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. C... et Mme B... sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Cannes de délivrer à M. C... et Mme B... un permis de construire relatif au projet de piscine dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint au maire de Cannes de procéder au réexamen de la demande de permis de construire de M. C... et Mme B... relatif au projet d'extension du bâtiment existant dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt.

Article 5 : La commune de Cannes versera à M. C... et Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à M. C... et Mme B....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

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No 20MA02548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02548
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-15;20ma02548 ?
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