Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Vision d'Avenir a demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer le versement d'intérêts moratoires et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert ayant pour mission de donner une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers cédés par la SARL La Maison Rose à M. A... et à la société LDC Finances.
Par un jugement n° 1804127 du 19 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 avril 2020, 23 novembre 2020 et 19 février 2021, l'EURL Vision d'Avenir, représentée par la société d'avocats Lamartine Conseil, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge ou la réduction des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'expertise ordonnée par le tribunal judiciaire de Gap ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert afin de procéder à une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers en litige ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement, qui n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de motivation des pénalités infligées sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, est entaché d'irrégularité ;
- le jugement est insuffisamment motivé concernant les rehaussements notifiés en application de l'article 109 et du c. de l'article 111 du code général des impôts ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- elle n'est pas acquéreur des biens cédés par la société à responsabilité limitée (SARL) La Maison Rose, dont elle est associée à 50 % ; étant tiers aux cessions desdits biens, elle ne peut être regardée comme ayant perçu un avantage occulte ;
- les cessions ne sont pas intervenues à des prix significativement inférieurs à la valeur vénale des biens en cause ;
- le terme de comparaison retenu par l'administration fiscale n'est pas pertinent dès lors que les biens que la société a vendus à ses associés n'étaient pas achevés et ont été cédés hors d'eau et hors d'air ;
- il convient d'une part, de prendre en compte le coût réel des travaux nécessaires à la réhabilitation complète des biens, justifiés par la production de factures et d'autre part, d'appliquer un correctif de 15 % aux valeurs vénales pour tenir compte de la valeur ajoutée apportée aux biens à la suite de leur rénovation ;
- elle justifie que les prix des biens litigieux étaient parfaitement conformes à la réalité du marché au regard de la nature de ces biens ;
- l'administration fiscale ne démontre pas que les cessions n'ont pas été réalisées dans l'intérêt de la société cédante, qui a rencontré des difficultés de financement du projet initial ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juillet 2020 et 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2021.
Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté, après clôture de l'instruction, un mémoire enregistré le 23 février 2021 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Weller représentant l'EURL Vision d'Avenir.
Une note en délibéré et des pièces présentées pour l'EURL Vision d'Avenir ont été enregistrées les 9 et 13 décembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL La Maison Rose, qui exerçait une activité de marchand de biens immobiliers et dont l'EURL Vision d'Avenir est associée à hauteur de 50 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, faisant application de la procédure de rectification contradictoire, a rehaussé ses bénéfices imposables au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et l'a imposée à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. L'EURL Vision d'Avenir a, en conséquence, été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ces mêmes exercices. Elle relève appel du jugement du 19 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été ainsi assujettie et des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
3. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, et d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, cette intention est présumée.
4. Il résulte de l'instruction que la SARL La Maison Rose a acquis, par acte notarié du 27 juillet 2011, une maison à usage d'habitation au prix de 250 000 euros située 31, rue du Centre, hameau de Chantemerle à Saint-Chaffrey (05330). Après avoir effectué des travaux de réhabilitation de la maison d'habitation et créé trois lots distincts au sein de celle-ci, elle a revendu chacun des lots à trois acquéreurs différents. Elle a cédé le 21 décembre 2012, le premier étage d'une superficie de 53 m² à M. A..., son gérant, pour un prix de 110 000 euros, le 30 janvier 2013, le rez-de-chaussée d'une superficie de 51 m² à la société LDC Finances pour un prix de 110 000 euros, et le 14 février 2013, les deuxième et troisième étages, correspondant à un duplex d'une superficie de 97 m² ayant fait l'objet d'une rénovation, à des particuliers pour un prix de 515 000 euros. Au cours des opérations de vérification dont la SARL La Maison Rose a fait l'objet, le service vérificateur a considéré qu'en cédant le rez-de-chaussée et le premier étage à leur prix de revient au bénéfice de personnes qui lui étaient liées, la société avait commis un acte anormal de gestion. Dans le cadre de la procédure de rectification en matière de droits d'enregistrement, la commission départementale de conciliation des Hautes-Alpes a, dans son avis du 3 octobre 2017, déterminé la valeur vénale des biens litigieux en tenant compte, non pas du prix de marché médian établi à 6 767 euros le m² selon les termes de comparaison retenus par l'administration, mais du prix de vente au m² du duplex soit 5 309 euros, auquel a été appliquée une réfaction tenant compte du coût des travaux, établissant l'écart de prix correspondant à la minoration du prix de vente de ces lots à 141 379 euros au titre de l'exercice clos en 2012 s'agissant de la vente du premier étage à M. A... et à 134 698 euros au titre de l'exercice clos en 2013, s'agissant de la vente du rez-de-chaussée à la société LDC Finances. L'administration fiscale a accepté de tenir compte de ces nouveaux montants de bénéfices rectifiés dans le cadre de cette procédure distincte.
5. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 5 septembre 2014 adressée à l'EURL Vision d'Avenir, dont M. A... est seul associé et gérant, que l'administration a considéré que les rehaussements des résultats imposables de la SARL La Maison Rose, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, constituaient une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au profit de l'EURL, à proportion de ses droits dans la SARL, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Toutefois, ainsi qu'elle le soutient, l'EURL Vision d'Avenir n'est pas l'acquéreur des biens cédés par la SARL La Maison Rose. Ainsi, et alors même que le prix de la cession des biens en litige est significativement inférieur à leur valeur vénale, l'administration n'apporte pas la preuve d'un avantage occulte accordé par la SARL La Maison Rose à la société requérante, qui est soumise à un régime des sociétés de capitaux. Par suite, l'EURL Vision d'Avenir est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rehaussé son bénéfice imposable au titre des exercices en litige.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se statuer sur les autres moyens de la requête, que l'EURL Vision d'Avenir est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EURL Vision d'Avenir et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 février 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : L'EURL Vision d'Avenir est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à l'EURL Vision d'Avenir une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Vision d'Avenir et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.
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N° 20MA01657