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09/12/2022 | FRANCE | N°20MA02898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 20MA02898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon à titre principal, de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des mêmes majorations en

substituant un taux de 15 % à celui de 40 %.

Par un jugement n° 1704268 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa

requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2020, M. D... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon à titre principal, de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des mêmes majorations en

substituant un taux de 15 % à celui de 40 %.

Par un jugement n° 1704268 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2020, M. D... C..., représenté par Me Durand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des mêmes majorations en

substituant un taux de 15 % à celui de 40 % et de prononcer le dégrèvement partiel en résultant, de 16 746 euros ;

4°) en tout état de cause, condamner l'Etat à luipayer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

1°) sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 23C du livre des procédures fiscales ;

2°) sur le bien-fondé du jugement :

- l'administration a omis délibérément certains éléments de preuve qu'il a apportés au cours de la procédure menée dans le cadre de l'article L. 23C du livre des procédures fiscales, violant ainsi son droit à un procès juste et équitable ;

- l'administration fiscale n'a jamais clôturé l'examen de sa situation fiscale personnelle ouvert pour les années 2007 et 2008 et il ne pouvait, en tout état de cause, répondre de comptes bancaires dont il ignorait l'existence ;

- l'administration ne l'a pas tenu informé de la saisine de la commission des infractions fiscales au motif d'un risque de déperdition des preuves, alors qu'aucun élément ne vient étayer ce risque de déperdition ; cela est confirmé par certains éléments factuels comme le fait que les perquisitions opérées à son domicile et à son cabinet ont été effectuées plus d'un an et demi après l'avis de la commission, ou encore par le fait que la justice française n'a demandé la collaboration des autorités judiciaires helvétiques que deux ans après la saisine de la commission ;

- dans le cadre des perquisitions ayant eu lieu à son domicile et à son cabinet, des documents lui appartenant ainsi qu'à son père ont été saisis, conduisant à des erreurs d'analyse, notamment sur le fait que l'appelant aurait perçu des rémunérations non déclarées comme le démontrerait un investissement en Roumanie ;

- l'administration fiscale a pris position sur l'origine de ses avoirs de manière prématurée, comme en atteste un courriel en date du 4 avril 2014, indiquant qu'à la suite de la régularisation de sa situation, aucune remise transactionnelle ne sera possible ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a taxé entre ses mains à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune, les avoirs découverts sur les comptes précités, alors que son père avait conservé la pleine propriété de la moitié des avoirs ainsi que l'usufruit des trois quarts de la part de son épouse décédée, de sorte que la partie des avoirs afférente à la période précédant son décès, en octobre 2011, aurait donc dû être taxée entre ses mains et son décès aurait donc dû conduire l'administration à ne pas appliquer la majoration pour manquements délibérés et à tenir compte des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune dans le calcul du passif, conformément aux dispositions des articles 757 et 784 du code général des impôts qui, même si ces dispositions sont relatives aux droits de mutation à titre gratuit, conduisent à se poser la question de la possibilité de considérer qu'un contribuable a disposé de revenus provenant d'avoirs dont la propriété ne lui avait pas encore été transmise et alors qu'aucun acte de disposition desdits revenus n'a été accompli par le contribuable ;

- l'administration fiscale a, dès lors, été à l'encontre des règles du procès juste et équitable en agissant ainsi, alors même qu'elle a reconnu l'origine familiale des avoirs ; l'appelant n'était pas redevable des impôts pour la période précédant le décès de son père, car il n'avait que la nue-propriété d'une partie des avoirs, eu égard aux règles de dévolution successorale, or, seul l'usufruitier est redevable de l'impôt dans le cas d'un démembrement de propriété ;

- dès lors que l'appelant n'était pas redevable des impôts pour la période précédant le décès de son père, car il n'avait que la nue-propriété d'une partie des avoirs, eu égard aux règles de dévolution successorale, alors que seul l'usufruitier est redevable de l'impôt dans le cas d'un démembrement de propriété, il y a lieu d'appliquer la circulaire " Cazeneuve " en date du 21 juin 2013 relative à la régularisation spontanée d'avoirs à l'étranger qui dispose que les héritiers régularisant les avoirs reçus par voie de succession ne supportent que l'impôt en principal et les intérêts de retard du chef des donateurs décédés ; c'est à tort que l'administration a considéré que la régularisation de ses avoirs n'est pas spontanée ; elle ne peut s'appuyer sur l'examen de sa situation fiscale personnelle mené pour les années 2007 et 2008, car l'appelant n'a reçu qu'un simple avis d'un tel examen sans que la procédure se soit poursuivie, ce qui ne peut, justifier de son exclusion du bénéfice de cette circulaire ; le tribunal a dénaturé ce moyen en y voyant une demande de modulation de la majoration de 40 %, au lieu du bénéfice de la circulaire " Cazeneuve " ; il a procédé à une régularisation spontanée de sa situation dans les mêmes conditions que l'auraient fait des contribuables qui auraient hérité d'avoirs familiaux et qu'il devrait pouvoir bénéficier du taux de 15 % prévu par la circulaire " Cazeneuve " pour les manquements délibérés ; à cet égard, il résulte de la doctrine fiscale (BOFIP, BOI-CF-INF-10-20-20-20170308) que " le caractère délibéré du manquement résulte de l'ensemble des éléments de fait de nature à établir que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n'ont pu l'être de bonne foi... dès lors qu'il procède de l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits et situations qui motivent les réhaussements " ; la majoration de 40 % est contraire au principe de personnalité des peines ; n'étant pas à l'origine des carences déclaratives initiales, il ne peut être sanctionné pour celles-ci ;

- l'administration fiscale a assis son analyse sur des faits qui auraient dû être revus à la lumière des nouveaux éléments apportés établissant la nature familiale des avoirs, ce qui invalide non seulement les rappels de droits, mais également l'application de la majoration de 40 % ;

- la procédure pénale a été engagée sur la base d'informations erronées.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens formulés par M. C... ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022, par ordonnance du même jour, en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Durand, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce la profession d'avocat, a été imposé à l'impôt sur le

revenu au titre des années 2006 à 2011 conformément à ses déclarations. Il a fait l'objet d'un

examen de situation fiscale personnelle par avis du 19 mars 2010 au titre des années 2007 et

2008, procédure qui n'a pas été menée à son terme.

2. Le 2 septembre 2011, l'administration fiscale a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon, du chef de fraude fiscale, à la suite d'une suspicion de minoration de déclarations de revenus des années 2007 à 2009 et des éléments du patrimoine soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre des années 2008 et 2009, par les époux C.... Dans ce cadre, le bureau et le domicile de M. C... ont fait

l'objet d'une perquisition le 27 mars 2013. La communication à l'administration fiscale, par l'autorité judiciaire, en application des dispositions de l'articles L. 101 du livre des procédures fiscales, d'un ensemble de données informatiques, laissait apparaître, après analyse de leur contenu, que M. D... C... était détenteur de comptes bancaires en Suisse non déclarés auprès de l'administration fiscale française.

3. M. C..., souhaitant régulariser sa situation fiscale, a remis à l'administration fiscale le 10 avril 2015 des déclarations rectificatives qui ont porté sur l'impôt sur le revenu pour les années 2006 à 2013 ainsi que sur l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2007 à 2014, en faisant état des avoirs détenus sur trois comptes bancaires ouverts à l'étranger et non déclarés à l'administration fiscale française, le premier, ouvert le 17 décembre 2004 et clos le 15 janvier 2009 auprès de la banque HSBC en Suisse (compte n° 1426230), le deuxième ouvert le 20 mai 2008 et clos le 15 décembre 2011 auprès d'une agence suisse du Crédit agricole (compte n° 0759800) et, le troisième, ouvert le 18 octobre 2011 auprès de la banque Gonet aux Bahamas (compte n° 079274).

4. Consécutivement à ces déclarations, la 16ème brigade de contrôle des revenus de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a notifié à M. C..., par deux courriers en date du 1er août 2016, des rehaussements à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune et des amendes pour non-déclaration de comptes à l'étranger prévues par l'article 1736-IV du code général des impôts. Les conséquences en matière de droits de succession ont été tirées par le service vérificateur, sur la base de la première déclaration de succession rectificative déposée le 10 avril 2015, puis sur la base de la seconde déclaration déposée le 17 avril 2018 à la suite de la constatation d'une erreur. Ces déclarations ont généré des droits d'enregistrements.

5. Par deux réclamations préalables en date des 21 et 27 avril 2017, M. C... a contesté l'application de la majoration pour manquements délibérés par le service vérificateur sur les rappels de droits à l'impôt sur le revenu de 2006 à 2011 et à l'impôt de solidarité sur la fortune de 2007 à 2014. Ces demandes ont fait l'objet de deux décisions explicites de rejet en date du 13 septembre 2017. Par la suite, l'intéressé a contesté, par deux réclamations distinctes en date du 9 mai 2019, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu notifiées par le service au titre des années 2006 à 2011, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt de solidarité sur la fortune notifiées au titre des années 2007 à 2011 et la majoration pour manquements délibérés appliquée à l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2012 à 2014. Ces deux réclamations ont également été rejetées par deux décisions explicites de rejet du 24 février 2020.

6. M. C... relève appel du jugement n° 1704268 du 16 mars 2020, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant principalement à la décharge des majorations pour manquement délibéré qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcée la réduction des mêmes majorations en substituant un taux de 15 % à celui de 40 % appliqué.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Le tribunal administratif de Toulon a répondu à l'intégralité des moyens invoqués devant lui par M. C..., de manière motivé en fait et en droit. Il n'avait pas lieu de répondre à un moyen relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 23C du livre des procédures fiscales formulé pour la première fois devant la cour. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait entaché d'irrégularité son jugement par insuffisance ou défaut de motivation ou pour défaut de réponse à un moyen opérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les

omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à

retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de

nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une

majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré... ". Aux termes de l'article L.195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, la preuve de la mauvaise foi... incombe à l'administration ".

9. Aux termes de l'article L.23C du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie./ Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ".

10. Il résulte de l'instruction que, consécutivement aux déclarations rectificatives faite par M. C... le 10 avril 2015 qui ont porté sur l'impôt sur le revenu pour les années 2006 à 2013 ainsi que sur l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2007 à 2014, la 16ème brigade de contrôle des revenus de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a demandé à l'intéressé, en application de l'article L.23C du livre des procédures fiscales, par courrier du 4 novembre 2016, de justifier de l'origine de l'ensemble des avoirs sur chacun des comptes possédés à l'étranger. Les réponses du contribuable étant incomplètes, une mise en demeure de justifier de l'origine de ses avoirs lui a été adressée par courrier du 7 février 2017. Les réponses apportées par M. C... ont permis de déterminer l'origine des avoirs détenus sur ces comptes par courrier du 29 mai 2018. Les conséquences en matière de droits de succession ont été tirées par le service vérificateur, sur la base de la première déclaration de succession rectificative déposée le 10 avril 2015, puis sur la base de la seconde déclaration déposée le 17 avril 2018 à la suite de la constatation d'une erreur. Ces déclarations ont généré des droits d'enregistrements. M. C... ne démontre pas utilement quels éléments apportés selon lui dans le cadre de la procédure de l'article L.23C du livre des procédures fiscales, auraient été omis par le service vérificateur. Enfin, doit être écarté comme inopérant le moyen, à le supposer invoqué, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne sont pas invocablesdevant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et des obligations à caractère civil. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'ainsi, aurait été méconnu son droit à un procès juste et équitable au demeurant étranger à la procédure prévue par ces dispositions et inopérant sur la régularité de l'application des majorations pour manquement délibéré qu'il conteste. Le moyen formulé à ce titre doit, par suite, être écarté.

11. Aux termes de l'article L.12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt./ A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal./ Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification./... ". Aux termes de l'article L.49 du même livre, dans sa rédaction en vigueur : " Quand elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou à une vérification de comptabilité, l'administration des impôts doit en porter les résultats à la connaissance du contribuable, même en l'absence de rectification ".

12. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par M. C... qui invoque d'ailleurs le fait de n'avoir été destinataire d'aucune proposition de rectification, que la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle engagée à son encontre n'a pas été menée par le service jusqu'à son terme. Dès lors que les majorations pour manquement délibéré à lui notifiées et seules contestées dans le cadre de la présente instance, l'ont été consécutivement, non pas à cet examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle qui n'a pas été mené jusqu'à son terme, mais des déclarations fiscales rectificatives qu'il a déposées le 10 avril 2015 et de la communication de renseignements à l'administration fiscale, par l'autorité judiciaire, en application des dispositions de l'articles L. 101 du livre des procédures fiscales, est inopérant et doit, par suite, être écarté, le moyen tiré de la durée excessive selon l'appelant, de ladite procédure, par méconnaissance des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, cette durée excessive n'étant, au surplus, pas établie. Est, par conséquent, également inopérant et doit être écarté, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du même livre, l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. C... n'étant, au demeurant, pas été mené jusqu'à son terme.

13. Aux termes de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur le 2 septembre 2011 : " Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales./ La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires./ Toutefois, la commission examine l'affaire sans que le contribuable soit avisé de la saisine ni informé de son avis lorsque le ministre chargé du budget fait valoir qu'existent des présomptions caractérisées qu'une infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves résulte :/ 1° Soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en œuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ;/... ".

14. Il résulte de l'instruction que le 2 septembre 2011, l'administration fiscale a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon, du chef de fraude fiscale, à la suite d'une suspicion de minoration de déclarations de revenus des années 2007 à 2009 et des éléments du patrimoine soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre des années 2008 et 2009, par les époux C.... La communication à l'administration fiscale, par l'autorité judiciaire, en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, d'un ensemble de données informatiques, laissait apparaître, après analyse de leur contenu, que M. D... C... était détenteur de comptes bancaires en Suisse non déclarés auprès de l'administration fiscale française. Compte tenu de ces éléments, un risque de déperdition des preuves étant établi, l'appelant ne peut valablement soutenir que l'administration fiscale était tenue de l'informer de la saisine de la commission des infractions fiscales, eu égard à la présomption de fraude fiscale qui pesait sur lui. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté.

15. Le délai écoulé entre d'une part, la saisine de la commission et, d'autre part, les opérations de perquisition et la demande de collaboration avec les autorités suisses, est sans incidence sur le droit de l'administration de ne pas informer l'appelant de la saisine de la commission des infractions fiscales. Dès lors, le moyen formulé à ce titre est inopérant et doit, par suite, être écarté.

16. Est sans incidence sur l'application des majorations pour manquement délibéré contestées, la prétendue confusion ou erreur d'analyse des objets saisis au domicile et au cabinet de l'appelant lors d'une perquisition effectuée le 27 mars 2013, laquelle confusion ou erreur d'analyse n'est, au demeurant pas utilement démontrée. Par suite, le moyen formulé à ce titre doit être écarté.

17. Ayant accepté purement et simplement la succession de son défunt père, l'appelant a aussi accepté son patrimoine dans son universalité, indépendamment des éventuels démembrements dont celui-ci aurait fait l'objet avant son décès en 2011. En outre, l'appelant ne démontre pas remplir les conditions de fond pour pouvoir bénéficier d'une modulation du passif, une telle demande étant, en tout état de cause irrecevable, faute d'avoir été formulées dans le délai de cinq mois prévu à l'alinéa 3 de l'article 786 du code civil. En outre, il ne résulte pas de l'instruction et M. C... ne démontre pas utilement, qu'il n'a pas été tenu compte des éléments portés à la connaissance de l'administration fiscale pour le calcul du montant des rappels de droits, notamment par l'abandon des droits de mutation à titre gratuit prévus à l'article 755 du code général des impôts par un courrier du 29 mai 2018. Enfin, et en tout état de cause, la démonstration de l'origine des avoirs n'a pu avoir de conséquences sur le montant des rappels de droits dus à l'impôt de solidarité sur la fortune et à l'impôt sur le revenu qui obéissent à des règles propres, ni sur l'application des manquements délibérés, qui viennent sanctionner une défaillance déclarative. Dès lors, les moyens formulés à ce titre doivent, par suite, être écartés.

18. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 757 relatif aux droits de mutations à titre gratuit et 784 relatif à l'obligation de déclaration des donations à l'administration fiscale du code général des impôts, ne sont pas assortis de suffisamment de précision et de clarté pour permettre à la cour de se prononcer sur leur bien-fondé. Ils doivent, par suite, être écartés.

19. Concernant les bases sur lesquelles la procédure pénale a été engagée, le moyen formulé à ce titre doit être écarté à défaut d'être assorti de la précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, la circonstance, à la supposer établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que la procédure pénale aurait été engagée sur la base d'informations erronées concernant l'origine des avoirs détenus par M. C... sur ses comptes en Suisse, est sans influence sur les redressements et majorations pour manquements délibérés appliqués à partir des déclarations rectificatives déposées par M. C..., et la procédure pénale ayant été engagée après avis conforme de la commission des infractions fiscales, en se fondant sur des éléments ayant trait à la détention de comptes à l'étranger non déclarés.

20. S'agissant du caractère délibéré des manquements de M. C..., l'administration fiscale a fondé sa décision d'appliquer la majoration de 40 % sur un motif lié à la défaillance déclarative du contribuable qui a omis de déclarer ses comptes à l'étranger, en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, et alors que par ailleurs, l'appelant a persisté dans sa défaillance déclarative en omettant de déclarer ses avoirs détenus à l'étranger sur ses déclarations d'ensemble des revenus pour les années 2014 et 2015, ainsi que pour l'impôt de solidarité sur la fortune 2016. L'appelant ne peut soutenir qu'il ne pouvait déclarer des comptes dont il ignorait l'existence, alors qu'il en était personnellement titulaire, comme cela résulte des déclarations de comptes ouverts hors de France déposées par l'appelant le 9 mars 2015 qui indiquent qu'il était titulaire d'un compte au sein de la HSBC Private bank de Genève, sous le profil 41055 JC clos le 15 janvier 2009. Un formulaire d'ouverture du compte ouvert le 17 décembre 2004 auprès de la banque HSBC en Suisse, produit à l'appui du dossier de demande de régularisation de M. C..., porte à quatre reprises une signature à son nom. De même, un courrier de la banque HSBC du 7 janvier 2014 confirme que M. C... est titulaire du compte intitulé 41055 JC. Il résulte d'une deuxième déclaration, l'existence d'un compte au sein du Crédit agricole private banking à Genève, clos le 14 décembre 2011. De même, un courrier du 25 juillet 2014 de l'agence suisse du Crédit agricole auprès duquel a été ouvert le 20 mai 2008 un compte n° 0759800 au nom de M. C... atteste que l'intéressé est bien le bénéficiaire économique des avoirs présents sur ce compte. Il résulte d'une troisième déclaration, l'existence d'un compte ouvert le 18 octobre 2011 au sein de la Gonet Bank and Trust limited aux Bahamas, lequel est toujours actif comme en atteste l'étude des relevés de compte. Par ailleurs, à l'appui de son dossier de régularisation, l'appelant a fourni un document de la banque Gonet le désignant comme bénéficiaire économique d'un compte n° 079274, sans qu'un doute soit possible sur son identité, puisque son adresse, sa date de naissance et sa signature sont apposées sur le document. Il s'agit d'un formulaire d'ouverture de ce compte. M. C... ne produit aucun document probant au soutien de son affirmation selon laquelle, son père, feu Félix C..., décédé le 2 octobre 2011, aurait été le véritable et seul titulaire des deux premiers comptes ainsi recensés ou aurait imité sa signature. Par suite, il n'est fondé à soutenir, ce moyen étant, au demeurant inopérant pour les motifs exposés point 11, ni que l'administration se serait fondée sur des éléments issus de l'examen de sa situation fiscale personnelle, ni, comme l'ont exactement considéré les premiers juges, qu'il aurait ignoré de 2006 à 2011 l'existence des trois comptes, et la circonstance que M. C... a indiqué par une mention expresse portée sur sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune déposée au titre de l'année 2014 l'existence d'avoirs détenus à l'étranger ne permet pas de retenir que l'intéressé, à la date de souscription de ses déclarations initiales, n'aurait pas eu l'intention de dissimuler ces avoirs. Il résulte de ce qui précède, que c'est donc de façon délibérée que M. C... s'est abstenu de déclarer, au titre des années 2006 à 2009, les revenus du compte ouvert auprès de la banque HSBC en Suisse, au titre des années 2008 à 2011, ceux du compte ouvert auprès d'une agence suisse du Crédit agricole et, au titre de l'année 2011, ceux du compte ouvert auprès de la banque Gonet aux Bahamas. Celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que ce n'est pas de manière délibéré qu'il a manqué à ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt de solidarité sur la fortune et d'avoirs possédés à l'étranger, alors au surplus que, comme il a été rappelé points 2 et 3, il n'a cherché à régulariser sa situation fiscale le 10 avril 2015, que postérieurement à la réception d'un avis d'examen de situation fiscale personnelle et à l'engagement de poursuites pénales, ce qui ôte à sa démarche tout caractère spontané, peu important que ces procédures n'aient pas été menées à leur terme.

21. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. C..., qui s'est abstenu de faire connaître à l'administration fiscale l'existence de comptes bancaires ouverts à son nom et lui appartenant et de déclarer les revenus de ces comptes, doit être regardé comme le véritable auteur des infractions sanctionnées par les majorations pour manquement délibéré. Il n'est en conséquence, pas davantage devant la cour qu'en première instance, fondé à soutenir

qu'il ne serait pas le redevable légal d'impositions qui auraient été dues par son père et, en conséquence, des majorations qui les ont assorties ou que le principe de personnalité des peines s'opposerait à ce qu'il soit sanctionné à raison d'agissements commis par son père.

22. Compte tenu de tout ce qui précède, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant établi, en se fondant sur des éléments de fait existant à la date de souscription par M. C... de ses déclarations initiales, compte tenu de l'importance des sommes que le contribuable a omis de déclarer, du caractère répété de ces omissions et de l'origine des sommes éludées qui figuraient sur des comptes bancaires non déclarés ouverts à l'étranger, la mauvaise foi du contribuable et lui a appliqué à bon droit la majoration au taux de 40 %, que le juge de l'impôt n'a pas le pouvoir de moduler.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

23. Concernant l'application de l'article 1729 du code général des impôts et compte tenu des éléments relevés point 19 caractérisant sa mauvaise foi, M. C... n'invoque aucune doctrine utile de l'administration fiscale de nature à rendre infondée l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont il a fait l'objet.

24. Selon un communiqué du 21 juin 2013 du ministre délégué chargé du budget relatif aux contribuables n'ayant pas déclaré les avoirs qu'ils détiennent à l'étranger (comptes bancaires, contrats d'assurance-vie, biens ou droits en trust) et qui pourront, moyennant des pénalités allégées, régulariser leur situation auprès des services fiscaux : " 1. Sont concernés par le dispositif les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l'étranger, qui se font connaître auprès de l'administration fiscale et qui rectifient spontanément leur situation fiscale passée en acquittant l'ensemble des impositions éludées et non prescrites dans les conditions de droit commun ainsi que les pénalités et amendes correspondantes. 2. Seules les déclarations et rectifications spontanées effectuées par des contribuables personnes physiques auprès de l'administration fiscale sont concernées. Ainsi, sont exclus du dispositif les contribuables dont la démarche ne serait pas véritablement spontanée, c'est-à-dire ceux qui font l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle, de contrôles relatifs aux droits d'enregistrement, ou d'une procédure engagée par l'administration ou les autorités judiciaires portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l'étranger... ". Le point 9 du même communiqué admet de réduire de 40 % à 15 % les majorations pour manquement délibéré infligées aux contribuables dont la situation répond aux conditions prévues en ses points 1 et 2.

25. Ainsi qu'il a été dit aux points 2, 3 et 20, M. C..., qui s'est abstenu de déclarer à l'administration les trois comptes ouverts à son nom à l'étranger, n'en a révélé l'existence que

postérieurement à l'engagement d'un examen de sa situation fiscale personnelle et de

procédures pénales à son encontre. Par suite, il n'est pas fondé à invoquer, en application du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le communiqué du 21 juin 2013 qui concerne les seuls contribuables qui ont spontanément entendu régulariser leur situation fiscale.

26. Il résulte de ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2022.

N°20MA02898 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02898
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Personnes physiques imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PWC SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-09;20ma02898 ?
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