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01/12/2022 | FRANCE | N°21MA02614

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 01 décembre 2022, 21MA02614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Sénégal ou vers tout pays dans lequel elle sera légalement admissible.

Par un jugement n° 2105178 du 14 juin 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Sénégal ou vers tout pays dans lequel elle sera légalement admissible.

Par un jugement n° 2105178 du 14 juin 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le motif d'annulation est erroné dès lors que l'entretien de Mme D... s'est déroulé par visioconférence et non par voie téléphonique ;

- les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée à Mme D... le 18 octobre 2021 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante ivoirienne née en 1987, est arrivée à l'aéroport de Marseille-Provence le 8 juin 2021 en provenance de Dakar (Sénégal). Placée en zone d'attente, elle a présenté une demande d'entrée en France au titre de l'asile. Par une décision du 9 juin 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande et ordonné son réacheminement vers le Sénégal ou vers tout pays dans lequel elle sera légalement admissible. Par un jugement du 14 juin 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision de refus d'entrée en France au titre de l'asile et a enjoint au ministre de l'intérieur de mettre immédiatement fin au maintien en zone d'attente de l'intéressée. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur l'acquiescement aux faits :

2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque ces dispositions sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.

3. La présente requête a été communiquée à Mme D... qui a été mise en demeure de produire un mémoire en défense. Cette mise en demeure étant restée sans effet, l'intéressée doit être réputée avoir acquiescé aux faits ainsi exposés dans la requête en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée :

4. Aux termes de l'article L. 352-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V (...) ". Selon l'article L. 531-21 du même code : " Les modalités d'organisation de l'entretien sont définies par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. / Les modalités de transcription de l'entretien personnel, les cas dans lesquels il fait l'objet d'un enregistrement sonore ou est suivi d'un recueil de commentaires, ainsi que les cas et les conditions dans lesquels il peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur sont fixés par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 531-16 du même code, auquel renvoie son article R. 351-3, dispose que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : (...) / 2° Lorsqu'il est retenu dans un lieu privatif de liberté (...) ".

5. Pour annuler la décision litigieuse portant refus d'entrée en France, la première juge, après avoir relevé que l'entretien personnel de Mme D... avec un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'est déroulé par voie téléphonique, et non par un moyen de communication audiovisuelle au sens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent, a estimé que le vice de procédure ainsi relevé a été de nature à priver l'intéressée d'une garantie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des mentions de l'avis émis le 9 juin 2021 par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que, ainsi que le soutient le ministre en appel, Mme D... a bénéficié, alors qu'elle se trouvait dans la zone d'attente de l'aéroport de Marseille-Provence, d'un entretien personnel qui s'est déroulé par visioconférence et en langue française. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a retenu le motif énoncé ci-dessus pour annuler sa décision du 9 juin 2021.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par Mme D....

Sur les autres moyens invoqués par Mme D... :

7. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme C... A..., adjointe à la cheffe du département de l'accès à la procédure d'asile, qui avait reçu délégation pour ce faire par un arrêté du 24 août 2020 régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 4 septembre suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision litigieuse doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 351-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande (...) ".

9. Il ressort du procès-verbal établi le 8 juin 2021 par les services de la police aux frontières que Mme D... a été informée, à la suite du dépôt de sa demande d'asile à l'aéroport de Marseille-Provence, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens mis à sa disposition pour l'aider à présenter sa demande. L'intéressée, qui ne conteste pas qu'elle comprend la langue française, a notamment été informée, à cette occasion, de la possibilité de se faire assister au cours de la procédure d'asile par un avocat ou une association humanitaire habilitée à assister juridiquement les étrangers en zone d'attente, ainsi que de la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Par suite, le moyen tiré non-respect des exigences d'information résultant des dispositions citées au point précédent doit être écarté.

10. En troisième lieu, si Mme D... soutient qu'elle n'a pu exercer son droit à être assistée par un tiers lors de son entretien personnel, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est vu remettre, le 8 juin 2021, un document dressant la liste des associations habilitées à accompagner les demandeurs d'asile lors de leur entretien personnel avec un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, et alors que l'intéressée relève elle-même que la liste de ces associations était affichée dans les locaux de la zone d'attente de l'aéroport de Marseille-Provence, ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 531-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'entretien personnel fait l'objet d'un enregistrement sonore. / L'intéressé est informé dès le début de l'entretien du déroulement de l'opération d'enregistrement sonore, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité (...) ". Le dernier alinéa de l'article R. 531-16 du même code dispose que : " L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité ".

12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que l'entretien personnel de Mme D... a été réalisé par visioconférence et que l'intéressée a déclaré, au début de cet entretien, qu'elle était seule dans le local dans lequel celui-ci s'est déroulé. Si la requérante soutient que le respect des règles de confidentialité n'était pas assuré en l'absence d'insonorisation du local en cause, ainsi que de la présence d'autres demandeurs d'asile dans le couloir attenant, elle ne produit aucun commencement de justification permettant de corroborer ses allégations sur ce point. Par suite, ce moyen ne saurait être accueilli.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : (...) / 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ".

14. Il résulte de ces dispositions que la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national peut être rejetée lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

15. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des déclarations de Mme D... consignées dans le compte-rendu de son entretien personnel, que si l'intéressée a indiqué avoir été victime d'un mariage forcé dans son pays d'origine qu'elle aurait fui pour cette raison, elle n'a pas été en mesure de faire état d'éléments circonstanciés, notamment en ce qui concerne la date et la durée de ce mariage imposé, et qu'elle a tenu des propos particulièrement évasifs et parfois incohérents au cours de cet entretien. Les attestations et autres éléments produits en première instance par l'intéressée sont insuffisamment circonstanciés pour corroborer ses allégations relatives aux risques de persécution qu'elle prétend encourir en raison de son appartenance au groupe social des femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la demande de Mme D... a pu à bon droit être regardée comme étant manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. Par suite, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande présentée par Mme D... comme manifestement infondée en application des dispositions du 3° de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 33 de la Convention de Genève de 1951 : " Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".

17. Mme D... n'établissant l'existence d'aucune menace actuelle et personnelle la concernant ainsi qu'il a été dit au point 15, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision contestée, en tant qu'elle ordonne son réacheminement vers le Sénégal, pays dont elle provenait lors de son arrivée en France, ou, le cas échéant, vers tout pays dans lequel elle serait légalement admissible, méconnaîtrait les stipulations citées au point précédent.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 9 juin 2021. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement, à l'exception de son article 1er admettant Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 14 juin 2021 est annulé, à l'exception de son article 1er admettant Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille, à l'exception de ses conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

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N° 21MA02614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02614
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BAZIN-CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;21ma02614 ?
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