Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1810817 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2020, M. A..., représenté par Mes Alle et Bichard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 juillet 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne pouvait être regardé comme fiscalement domicilié en France, dès lors qu'il était résident fiscal en Suisse ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'article 1649 A du code général des impôts, dès lors qu'il n'avait pas la qualité de résident fiscal français ;
- il justifie des sommes portées au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société civile immobilière (SCI) C..., de sorte que ces sommes ne pouvaient être imposées en tant que revenus distribués ;
- il ne pouvait appréhender les sommes inscrites au crédit de ce compte courant d'associé, eu égard à l'état de la trésorerie de la SCI C... ;
- c'est à tort que l'administration a regardé les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires comme des revenus d'origine indéterminée ;
- l'administration ne pouvait faire application à l'assiette des prélèvements sociaux du coefficient de 1,25 prévu par l'article 158-7 du code général des impôts ;
- les pénalités sont infondées, dès lorsqu'aucun manquement fiscal ne saurait lui être imputé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Alle, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, M. A... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2011 et 2012, résultant de l'imposition de revenus distribués par la SCI C... et de sommes provenant d'un compte non déclaré, ainsi que de la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt et des pénalités correspondantes.
Sur le domicile fiscal de M. A... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui a déclaré au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle avoir résidé en Suisse, à Montreux, puis à Amondans (département du Doubs), puis à Arles, et n'a pas contesté être domicilié fiscalement en France au cours de cet examen, a spontanément souscrit ses déclarations de revenus au titre des années en litige à l'adresse d'Amondans, et détenait plusieurs comptes bancaires ouverts à cette adresse. En outre, il ressort sans ambiguïté d'une lettre adressée à M. A... par son avocat le 14 février 2011, relative aux dommages et intérêts à faire valoir à l'égard d'une compagnie d'assurances suisse, que le domicile réel de M. A... n'était plus en Suisse à cette date, cette lettre ayant d'ailleurs été expédiée à l'adresse d'Amondans, qui figure sur toutes les lettres adressées par M. A... à son avocat au cours des années 2007 à 2011. Eu égard à ces éléments, M. A... doit être regardé comme ayant eu en France son foyer au cours des années 2011 et 2012, et la seule production d'un " livret pour étrangers " établi par les autorités suisses, d'une attestation de résidence établie par l'office de la population de Montreux en mai 2011, d'avis d'imposition suisses ne mentionnant pas de revenus d'activité et d'un certificat d'assurance relatif à l'année 2012 ne permet pas de considérer M. A... comme n'ayant pas effectivement habité en France au cours des années 2011 et 2012. Au surplus, M. A..., qui n'avait pas au cours des années considérées d'activité professionnelle en Suisse, où il percevait des pensions d'invalidité, et qui était associé de deux sociétés ayant leur siège à Arles, doit également être regardé comme ayant eu en France le centre de ses intérêts économiques au cours des années considérées. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son domicile fiscal n'était pas en France au cours des années 2011 et 2012.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; (...) ".
5. A supposer même que M. A... puisse être considéré comme résident par les autorités suisses, il devrait être regardé comme ayant eu en France son foyer d'habitation permanent au sens des stipulations du a du 2 de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse et comme y ayant été domicilié au cours des années 2011 et 2012 eu égard aux éléments mentionnés au point 3.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la présomption de revenus en raison du défaut de déclaration des comptes ouverts à l'étranger :
6. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ".
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... était domicilié en France au cours des années considérées, contrairement à ce qu'il soutient. Il est constant qu'un compte bancaire ouvert à son nom dans les écritures du Crédit mutuel a été crédité, au cours de l'année 2011, de sommes provenant d'un compte bancaire ouvert au nom de l'intéressé dans les écritures d'un établissement suisse, pour un montant total de 28 188 euros, et que les références de ce dernier compte n'ont pas été déclarées par M. A... en même temps que sa déclaration de revenus. M. A... ne conteste pas le caractère imposable de ces sommes, qui ont dès lors été à bon droit imposées par l'administration.
En ce qui concerne les revenus distribués :
8. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
9. D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article 12 et du 3 de l'article 158 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition.
10. En l'espèce, l'administration fiscale a constaté l'existence de sommes comptabilisées au cours des années 2011 et 2012 au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans les écritures de la SCI C... pour des montants totaux respectifs de 76 630 et 370 380 euros. Elle a considéré ces sommes comme étant des revenus distribués appréhendés par M. A..., et les a imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
11. Si le requérant soutient qu'une partie des sommes portées au crédit de son compte courant d'associé correspond au règlement, pour le compte de la SCI C..., de travaux et d'achats de matériaux, la seule production de photographies de travaux, d'extraits comptables édités en 2016, et d'un extrait du bilan de la SCI au 31 décembre 2012 ne permet pas de justifier de la prise en charge par M. A... des dépenses correspondantes alors que les droits de communication exercés par l'administration fiscale ont permis de remettre en cause les factures produites. De même, M. A... ne justifie pas de la réalité des apports enregistrés dans la comptabilité de la SCI C... par la seule production des extraits comptables. Ainsi, alors que le requérant ne démontre pas, par la seule production du bilan simplifié de l'exercice clos en 2012, dont la plupart des mentions sont d'ailleurs occultées, que la situation de trésorerie de la société rendait tout prélèvement financièrement impossible, c'est à bon droit que l'administration a regardé les sommes inscrites au compte courant ouvert au nom de M. A... dans les écritures de la SCI C... comme des revenus distribués imposables entre ses mains.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
12. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Il appartient à M. A..., régulièrement taxé d'office à raison de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du même livre, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.
13. En premier lieu, l'administration ayant prononcé, au cours de l'instance devant le tribunal administratif, le dégrèvement des suppléments d'impôt résultant de la taxation du crédit correspondant à un chèque de 5 000 euros encaissé le 4 décembre 2012, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il justifie du caractère non imposable de cette somme.
14. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'une partie des crédits en cause correspond à l'encaissement d'indemnités perçues à la suite de l'accident dont il a été victime en Suisse, dont la majeure partie a été perçue en espèces, les nombreuses pièces qu'il verse aux débats quant aux conséquences indemnitaires de cet accident, dont notamment une quittance datée du 29 décembre 2011, relative à l'encaissement d'une somme de 245 000 CHF en espèces, à l'en-tête de l'avocat du requérant, et signée de la seule main de M. A..., ne permettent pas de justifier de l'encaissement de sommes correspondant à des indemnités. De même, la seule production de la copie de chèques de 846,91 et de 383,28 euros ne permet pas de démontrer qu'une partie des sommes portées au crédit du compte bancaire de M. A... correspondrait au produit de la vente de mobilier, et le requérant ne justifie pas que la somme de 212,29 euros portée au crédit de son compte bancaire le 24 février 2011 correspondrait au remboursement de cotisations d'assurance. Par ailleurs, si M. A... fait valoir qu'une partie des crédits correspondrait à des remboursements du compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la SCI C..., la seule production d'extraits d'écritures comptables édités en 2016, et dont la plupart des mentions ont d'ailleurs été occultées, ne permet pas de justifier de l'origine et de la nature des sommes en cause. Enfin, M. A... n'établit pas que les sommes versées par son père, avec lequel il entretenait des relations d'affaires dès lors que l'intéressé est également associé de la SCI C..., correspondraient à des prêts à caractère familial.
En ce qui concerne les prélèvements sociaux :
15. Il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas fait application du coefficient de 1,25 prévu par le 7 de l'article 158 du code général des impôts. Par conséquent, doit être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que l'administration aurait appliqué à tort ce coefficient à l'assiette des prélèvements sociaux.
Sur les pénalités :
16. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que l'administration a fait application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts.
17. D'autre part, aux termes de l'article 1758 du même code : " En cas d'application des dispositions prévues au troisième alinéa de l'article 1649 A, (...), le montant des droits est assorti d'une majoration de 40 % (...) ". L'administration ayant régulièrement imposé M. A... au titre des revenus de l'année 2011 sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts, comme il a été dit au point 7, il n'est pas fondé à demander la décharge des pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1758 du code général des impôts.
18. Enfin, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration fait état des nombreux crédits de sommes importantes inscrits sur le compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans les écritures de la SCI C..., dont il avait nécessairement connaissance, et dont il n'a pas justifié, et des sommes figurant au crédit des comptes bancaires du requérant au titre des deux années en litige, sans qu'aucune justification sérieuse de l'origine et de la nature de ces sommes n'ait été apportée, et du montant particulièrement important des revenus ainsi taxés d'office. Par suite, elle justifie le caractère délibéré de l'insuffisance de déclaration et donc l'application de la majoration pour manquement délibéré.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ne peuvent être accueillies ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.
2
N° 20MA03589