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01/12/2022 | FRANCE | N°20MA03455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 01 décembre 2022, 20MA03455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SISEM a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1810000 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2020, la société par actions sim

plifiée (SAS) JBLAM, anciennement dénommée société anonyme (SA) SISEM, représentée par Me Fayolle, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SISEM a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1810000 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2020, la société par actions simplifiée (SAS) JBLAM, anciennement dénommée société anonyme (SA) SISEM, représentée par Me Fayolle, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2018 de l'administration fiscale rejetant sa réclamation ;

3°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande de communication de la demande adressée aux autorités fiscales de Grande-Bretagne ;

- elle n'était pas tenue d'effectuer une déclaration d'échanges des biens s'agissant de ses livraisons intracommunautaires, conformément aux dispositions de l'article 289 C du code général des impôts;

- en tout état de cause, les dispositions des 2° et 5° de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts autorisent le contribuable à pouvoir bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, même en l'absence de document administratif unique déposé auprès du service des douanes ;

- elle prouve, pour les factures en litige, la sortie du territoire et partant, la réalité des livraisons à l'étranger ;

- certaines factures portent le cachet des services des douanes (sigle " WFS MRS OL ") ou le cachet de la société France Handling, qui œuvre conjointement avec la société @phoum003CAACEVA sur le site aéroportuaire, avec la mention " Aéroport de Marseille " ;

- elle justifie d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté à la clôture de l'exercice 2012, reporté en 2013, d'un montant de hauteur de 2 653 euros ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les factures libellées " Peinture Douvier " et " Maçonnerie Mage " étaient fictives ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant des pénalités au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales;

- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-INF-30-20.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SA SISEM, qui a pour activité la vente de turbines et de pièces de turbines pour des centrales électriques, l'administration l'a assujettie notamment à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015, selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales s'agissant des rappels pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2014 et selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre s'agissant des autres rappels. La SAS JBLAM, anciennement dénommée SA SISEM, relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Si la SAS JBLAM fait valoir que l'administration fiscale a manqué de transparence et a manqué à son devoir de loyauté dans le cadre du débat oral et contradictoire en refusant de lui communiquer la demande d'assistance administrative effectuée auprès des autorités fiscales britanniques, l'administration n'est toutefois pas tenue de lui communiquer une telle demande, qui n'a pas servi à fonder les rectifications.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux livraisons intracommunautaires :

4. Aux termes du I de l'article 262 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.

6. Au cours des opérations de contrôle, le service vérificateur a relevé que l'activité de vente de turbines et de pièces de turbines pour des centrales électriques à des clients étrangers, notamment situés en Grande-Bretagne, représentait une grande partie de l'activité de la SA SISEM et que son chiffre d'affaires était constitué principalement de livraisons intracommunautaires et d'exportations. Le service, après avoir demandé à la société de justifier des sorties de territoire et des destinations de ces livraisons et exportations, les pièces n'étant pas présentes en comptabilité, a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 262 ter du code général des impôts s'agissant des ventes pour lesquelles aucun justificatif ne permettait de démontrer la sortie du territoire français des biens, s'agissant d'opérations afférentes aux clients A... et B..., situés en Grande-Bretagne.

7. La société requérante fait valoir, à juste titre, que la preuve de l'expédition des biens en cause peut être apportée par tous moyens et que la circonstance qu'elle n'aurait pas déposé de déclarations d'échanges de biens conformément à l'article 289 C du code général des impôts, selon les modalités prévues aux articles 96 J à M de l'annexe III au même code, est sans incidence sur la possibilité pour elle de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions de l'article 262 ter de ce code. Toutefois elle ne justifie pas de cette expédition par les pièces produites qui sont constituées des factures en cause, d'une attestation de la société A... du 18 juillet 2016 retraçant l'ensemble des livraisons qu'elle aurait effectuées à destination de cette cliente, des bons de livraison correspondant à ces factures sur lesquels aucun tampon de l'acquéreur n'est apposé, des justificatifs d'envois de biens entre Glasgow et Dubaï mentionnant des colis de dimensions différentes, mais pas les biens expédiés, et des factures émises par la société A... lorsqu'elle expédie les biens en cause vers les Emirats Arabes Unis à destination de sa propre cliente, la société Oilfield Supply Centre. Ces éléments ne permettent pas d'apporter la preuve d'une expédition des biens de France vers Glasgow, nonobstant la circonstance que les références des produits et le numéro de bon de commande seraient identiques sur la facture fournie par la SA SISEM et sur les factures établies par la société A... à l'attention de sa cliente, alors au demeurant que les numéros de ces dernières factures sont manuscrites sur le justificatif d'envoi entre Glasgow et Dubaï. La circonstance que certains bons de livraison et factures seraient revêtus du cachet de la filiale française ou de la société France Handling, qui œuvre conjointement avec la société de transport CEVA sur le site aéroportuaire, à la supposer établie dès lors que les cachets en cause sont quasi-illisibles, ne suffit pas à établir l'expédition des biens en cause à destination de Glasgow, de même que le cachet de la compagnie Worldwide Flight Services (" WFS MRS OL " ou " WFS MRS CI ") non daté. Compte tenu des éléments ainsi rappelés, la société appelante ne peut utilement faire valoir que l'administration fiscale se serait fondée sur des informations obtenues en cours de contrôle qui seraient erronées ou incomplètes de la société CEVA pour lui refuser le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va de même de la circonstance selon laquelle elle aurait produit des justificatifs de sortie du territoire d'une commande passée par la société A... le 7 janvier 2013, livraison qui n'aurait de ce fait pas fait l'objet de rectifications, dès lors qu'il résulte de ces pièces qu'elles comportent précisément un justificatif d'exportation vers les Emirats Arabes Unis établi par la société CEVA Logistics, en mentionnant expressément la société requérante comme expéditeur et la société Oilfield Supply Centre comme destinataire. De même, la société appelante ne saurait utilement soutenir que l'administration fiscale n'ayant identifié aucun de ses clients en France ayant déduit de la taxe sur la valeur ajoutée, cela signifierait, au regard des marchandises qu'elle commercialise, que celles-ci ont été expédiées hors de France. Enfin, s'agissant de son client B..., la société appelante ne justifie, pas plus en appel qu'en première instance, de l'expédition des biens en cause en Grande-Bretagne en se bornant à fournir son relevé de compte justifiant du règlement du 11 juillet 2014 de la facture du 2 juillet 2013 d'un montant de 15 000 euros. S'agissant de la facture du 4 mai 2014, elle reconnaît elle-même qu'elle ne peut pas justifier de la sortie du territoire du bien livré, la facture correspondant à une facture d'acompte. La circonstance que l'administration fiscale a abandonné, au cours des opérations de contrôle, certaines des rectifications afférentes à cette société est sans incidence, dès lors que cet abandon fait suite à la réponse d'assistance administrative formulée auprès des autorités fiscales de Grande-Bretagne, postérieurement à la proposition de rectification, qui a identifié certaines des livraisons afférentes à cette société comme ayant bien été effectuées à destination de la Grande-Bretagne. Par suite, en l'absence d'élément de preuve permettant d'établir le caractère effectif de la livraison des biens en litige en Grande-Bretagne, l'administration était en droit de remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts de fiscale appliquée par la SA SISEM à ces opérations.

En ce qui concerne le crédit de taxe sur la valeur ajoutée :

8. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de contrôle, le service vérificateur a constaté dans la comptabilité de la SA SISEM, à l'ouverture de l'exercice clos le 31 décembre 2013, soit le 1er janvier 2013, un report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 652 euros. Ce montant figurait effectivement sur la déclaration annuelle CA12 déposée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que sur la déclaration annuelle CA12 déposée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. La comptabilité afférente aux exercices antérieurs à l'exercice clos en 2013 n'étant pas présente au cabinet comptable de la société, lieu du déroulement des opérations de vérification, la société n'a pas pu justifier de l'origine de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée. La société fournit, à l'instance, des documents comptables, dont un extrait du grand livre général sur lequel figurent, au 31 décembre 2012, les comptes 445660 " TVA déductible sur biens et services ", qui présente un solde débiteur à la clôture de l'exercice, 445662 " TVA intra ", 445710 " TVA collectée 19,6 % " et 445711 " TVA collectée 7 % ". Toutefois, ce dernier compte n'est pas produit en intégralité et ne permet pas de justifier du montant de la taxe collectée, et par suite du crédit de taxe sur la valeur ajoutée revendiqué au titre de la période en litige. En outre, la société se borne à se référer à ses écritures comptables sans les appuyer des pièces justificatives. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis à sa charge un rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 2 652 euros.

En ce qui concerne les factures fictives :

9. Si la société SA SISEM persiste à soutenir, comme en première instance, que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les factures libellées " Peinture Douvier " et " Maçonnerie Mage " étaient fictives, il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ont été abandonnés dans le cadre de la réponse du 6 octobre 2016 aux observations que la société a présentées.

Sur les pénalités :

10. La société appelante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que l'administration fiscale a insuffisamment motivé les pénalités en litige au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales et de ce qu'elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base référencée BOI-CF-INF-30-20 publiée le 12 septembre 2012. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif respectivement aux points 9 et 10 du jugement attaqué.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que la SAS JBLAM, anciennement dénommée SA SISEM, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D ÉC I D E :

Article 1er : La requête de la SAS JBLAM est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée JBLAM, anciennement dénommée société anonyme SISEM, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

2

N° 20MA03455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03455
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : FAYOLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;20ma03455 ?
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