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01/12/2022 | FRANCE | N°20MA02997

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 01 décembre 2022, 20MA02997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Must a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800044 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, la SARL Must, représentée Me Liperini, demande à la

Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Must a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800044 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, la SARL Must, représentée Me Liperini, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de TVA et des pénalités litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification qui lui a été notifiée au titre des années 2009 à 2011 ainsi que celle notifiée au titre de l'année 2012 sont insuffisamment motivées ;

- l'administration fiscale a irrégulièrement étendu son contrôle à l'année 2012 alors qu'elle n'était pas visée dans l'avis de vérification dont elle a été destinataire ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire au titre de l'année 2012 ;

- l'avis de mise en recouvrement afférent aux rappels de TVA de l'année 2012 porte sur un montant global supérieur à celui indiqué dans la proposition de rectification notifiée au titre de cette même année, et est dès lors irrégulier ;

- les rappels de TVA en litige sont infondés dès lors que le bateau qu'elle a acquis était bien destiné à la location, et donc à un usage professionnel, et très marginalement à l'usage privé de ses associés ;

- les majorations pour manquement délibéré sont infondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions autres que celles relatives à la demande de remboursement de crédit de TVA sont irrecevables ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Must, qui a pour activité la location d'un bateau de plaisance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et d'un contrôle sur pièces au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2012, à l'issue desquels l'administration a remis en cause la déduction de la TVA que cette société a acquittée pour l'entretien, le fonctionnement et l'emplacement à la Marina Baie des Anges du bateau qu'elle a acquis par voie de crédit-bail. La SARL Must relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 2 février 2021, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la somme de 43 euros au titre des rappels de TVA de l'année 2012 correspondant à l'erreur matérielle relevée en première instance portant sur le calcul des intérêts de retard appliqués à ce rappel de TVA, le montant correspondant à la différence entre la somme indiquée dans l'avis de mise en recouvrement et celle indiquée dans la proposition de rectification afférente. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement et les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification. " Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

4. Les deux propositions de rectification du 21 novembre 2012 notifiées à la SARL Must au titre, d'une part, de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et, d'autre part, des trois premiers trimestres de l'année 2012, mentionnent qu'elles portent sur la taxe sur la valeur ajoutée déduite au cours de ces deux périodes, les montants hors taxes des prestations grevées par la TVA et les montants de TVA déductibles par année, et justifient leur rappel par la circonstance que l'utilisation du navire Sessa à des fins privées correspond à plus de 90 % de son utilisation totale, en référence aux articles 271 du code général des impôts et 206 IV de l'annexe II à ce code. Elles sont dès lors suffisamment motivées, sans que n'ait d'incidence, ainsi qu'il a été dit au point 3, la circonstance à la supposer établie, que ces rappels seraient mal fondés.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ". Aucune disposition législative ou réglementaire ou aucun principe protégeant les droits des contribuables ne fait obstacle à ce que, dès lors qu'il est compétent pour le faire, un même agent des impôts procède à une vérification de comptabilité d'un contribuable dans une hypothèse où une telle vérification est prévue et, parallèlement, à un contrôle des déclarations dont l'examen ne relève pas de la procédure de vérification de comptabilité.

6. D'autre part, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, l'administration est en droit de contrôler les éléments ressortant des déclarations d'un contribuable au titre d'un exercice avec toutes données en sa possession, notamment celles recueillies à la suite d'une vérification de comptabilité ayant porté sur des exercices antérieurs, sans avoir à procéder à une nouvelle vérification de comptabilité de l'exercice en cause.

7. Il résulte de l'instruction que si le vérificateur s'est fondé, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2012, sur les éléments recueillis lors de la vérification de comptabilité conduite en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, les redressements sur cette période résultent des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société au titre des trois premiers trimestres 2012. La SARL Must ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance de la garantie liée à la procédure de vérification de comptabilité prévue par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

8. En troisième lieu, les rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2012 résultant, ainsi qu'il a été dit au point 6, d'un contrôle sur pièces, la SARL Must ne peut davantage utilement se prévaloir de la garantie du débat oral et contradictoire attachée à la procédure de vérification de comptabilité.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 256-1du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis./Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ".

10. Si l'avis de mise en recouvrement émis le 17 mai 2013 porte sur un montant dû, intérêts et majorations comprises, de 2 225 euros alors que la proposition de rectification du 21 novembre 2012 afférente à cette année mentionne un montant de 2 182 euros, l'administration fait valoir sans être contredite que cette différence de 43 euros résulte d'une erreur dans le calcul des intérêts. Cette erreur ne peut être regardée comme ayant été de nature à induire la SARL Must en erreur en la privant de contester utilement ces intérêts, et moins encore le montant des impositions et des majorations en litige. Au demeurant, l'administration, en considération de cette erreur et ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent jugement, en a prononcé le dégrèvement. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

11. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention./ (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ". Aux termes du 1 du I de l'article 271 de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. " Il résulte tant de ces dispositions que des principes rappelés par la Cour de justice des communautés européennes, notamment dans l'arrêt Lennartz qu'elle a rendu le 11 juillet 1991 dans l'affaire 97/90, que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être exercé que dans la mesure où les biens et services dont le prix a été grevé par cette taxe sont utilisés pour les besoins d'opérations imposables, et ne peut l'être lorsque leur acquisition n'a pas été réalisée par un assujetti en tant que tel en vue de les affecter aux besoins d'une activité économique mais à des fins privées.

12. La SARL Must soutient qu'elle a acquis le bateau de plaisance dont elle a déduit les dépenses d'acquisition, d'entretien et de fonctionnement au cours de la période en litige afin d'exercer une activité de location. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle ne dispose d'aucun moyen humain et matériel pour se livrer à une telle exploitation, et n'a engagé aucun frais de publicité durant la période en litige. Si elle soutient l'avoir confiée à la société ... dont le siège est à Mandelieu-la-Napoule, le gérant de cette société, en réponse à un droit de communication exercé par l'administration fiscale, a simplement confirmé que ce bateau était proposé à la location mais qu'aucun contrat n'avait été conclu avec sa société et que le fait qu'il soit amarré à Marina Baie des Anges ne facilitait pas sa location. Ainsi, la simple copie d'une page internet de cette société produite à l'instance n'établit pas que le modèle Sessa Marine C 38 proposé sur le site internet de cette société est celui que la SARL Must a acquis en 2009. Par ailleurs, le bateau acquis par la société n'a fait l'objet d'aucune location en 2009 et 2012 alors qu'il n'est pas contesté qu'il a quitté sa place dans ce port durant 24 jours consécutifs entre le 30 juillet et le 29 septembre 2009, comme cela résulte du droit de communication exercé par l'administration fiscale auprès de la capitainerie de la Marina Baie des Anges. Enfin, et comme l'a également relevé le tribunal dans son jugement attaqué, si le bateau a été loué 12 jours en 2010 et 19 jours en 2011, il l'a été au même client. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que le bateau acquis par la SARL Must ne l'a pas été en vue d'exercer une activité économique et, par suite, qu'elle était fondée à procéder aux rappels litigieux.

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

14. En relevant, dans les propositions de rectification notifiées à la SARL Must, que celle-ci n'avait pas de réelle activité économique et que son existence n'a pour but que de mettre un bateau à la disposition de ses actionnaires en lui permettant de se faire rembourser la TVA déduite à tort par le Trésor, l'administration fiscale a suffisamment établi, outre que la TVA acquittée par la société ne pouvait être déduite, l'intention d'en éluder le règlement.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Must n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin de décharge à hauteur de la somme de 43 euros.

Article 2 : Le surplus de la requête de la SARL Must est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Must et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

2

N° 20MA02997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02997
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Conditions de la déduction.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : GUENEAU JEAN-PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;20ma02997 ?
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