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01/12/2022 | FRANCE | N°20MA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 01 décembre 2022, 20MA01765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL B... Joseph Gioffredo a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705505 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, et un mémoire complémentaire,

enregistré le 5 octobre 2020, la SARL B... Joseph Gioffredo, représentée par Me Liperini, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL B... Joseph Gioffredo a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705505 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 2020, la SARL B... Joseph Gioffredo, représentée par Me Liperini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 mars 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés en litige, y compris les pénalités et les intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière, l'administration n'ayant pas fait droit à sa demande tendant à la saisine de l'interlocuteur départemental qu'elle lui a adressée par télécopie ;

- les provisions pour risque de non recouvrement de clients douteux, constituées au regard du risque du défaut de paiements des anciens locataires gérants DPA, FRECAM, MNC et Boulangerie de la Liberté, sont justifiées ;

- les avances consenties aux sociétés BDC, DPA et SCI MS, et l'abandon de créances au bénéfice de cette dernière, relèvent d'une gestion normale ;

- le montant de 150 000 euros comptabilisé en charges correspond à la dette fiscale de la société Boulangerie Joseph B... qu'elle a absorbée ;

- la prime exceptionnelle de 150 000 euros accordée par son assemblée générale au titre de l'exercice 2012-2013 est justifiée par la vente du droit au bail de la société B... rue de la Liberté et la parfaite exécution du plan de redressement par voie de continuation dont elle a bénéficié ;

- les pénalités pour manquement délibéré appliquées par l'administration sont infondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre et le 15 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les observations de Me Liperini représentant la SARL B... Joseph Gioffredo ;

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL B... Joseph Gioffredo a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Ladite société relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

I. Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. " Le même article prévoit que les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont opposables à l'administration. Le sixième paragraphe de la rubrique " L'avis de vérification " de cette charte, dans sa version remise au contribuable, prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (...). Vous pouvez les contacter pendant la vérification ". La possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d'imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre.

3. A la suite de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 15 décembre 2014, et de la réponse faite par la société le 17 février 2015, et des réponses à ces observations du 17 avril 2015, celle-ci indique avoir demandé la saisine de l'interlocuteur départemental, par télécopie adressée à l'administration fiscale le 28 décembre 2015, et soutient que l'absence de réponse à cette demande entacherait d'irrégularité la procédure de redressement. Elle produit à cet effet un rapport d'émission du départ d'une télécopie, datée du 28 décembre à 8 h 45, d'une demande de saisine datée du 23 décembre 2015. Toutefois, le ministre conteste expressément avoir été destinataire de cette demande, signée par M. B... à titre personnel alors que l'interlocuteur de l'administration au cours du contrôle a été constamment son conseil, lequel adressait systématiquement un courrier en recommandé avec accusé de réception pour confirmer ses demandes à l'administration fiscale. Dans ces conditions, et eu égard au manque de garantie du procédé informatique utilisé, la SARL B... Joseph Gioffredo n'établit pas avoir demandé la saisine de l'interlocuteur départemental, que l'absence de réponse à sa demande l'aurait privée d'une garantie, et que les impositions devraient être déchargées.

II. Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les provisions :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 5° (...) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements rendent probables (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement porter en déduction et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu'ultérieurement par elle, qu'à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

S'agissant des provisions pour risque de non-recouvrement des redevances de location gérance :

5. Il résulte de l'instruction que la société B... Joseph Gioffredo a comptabilisé, à la clôture de chacun des exercices contrôlés, des provisions correspondant, selon ses écritures, au risque que les sociétés DPA, FRECAM, MNC et Boulangerie La Liberté, locataires gérants des fonds de commerce de boulangerie qu'elle détient à Nice, ne versent pas les redevances prévues par les baux conclus avec celles-ci. Cependant, il ressort des termes de la proposition de rectification du 15 décembre 2014 adressée à la requérante, non contestées par cette dernière, que les provisions litigieuses ont été constituées dès le premier incident de paiement et que la société B... Joseph Gioffredo n'a engagé aucune démarche en vue du recouvrement, ni n'a procédé à la résiliation pourtant prévue dans les conventions conclues avec ces sociétés dont les gérants étaient des relations d'affaires de M. A... B..., ou M. B... lui-même. Il en ressort également qu'aucune de ces sociétés n'a fait l'objet d'une procédure collective, et que, s'agissant en particulier de la société MNC, la société B... Joseph Gioffredo lui a consenti, par un protocole de fin de location-gérance conclu le 9 septembre 2009, l'abandon des créances antérieures au 31 décembre 2008. Si la société B... Joseph Gioffredo soutient que la situation financière dégradée de ces sociétés a motivé la constitution de ces provisions, elle n'en établit pas la réalité, non plus au demeurant que celle des redevances qu'elles n'auraient pas versées et leur montant. Ainsi, en soutenant seulement, et, sans davantage d'explication, que le non-recouvrement judiciaire des dettes était justifiée par la nécessité d'éviter une publicité contraire à ses intérêts ou de conforter son image, la société appelante ne justifie pas de la probabilité d'un risque de non-perception des redevances.

S'agissant des provisions pour risque de non-recouvrement des avances non-rémunérées :

6. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de consentir une avance sans intérêts au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt.

7. Il résulte de l'instruction que la société B... Joseph Gioffredo a consenti à la société B... Développement des avances sans intérêts et a constitué, de 2008 à 2012, des provisions pour tenir compte de la perte probable devant résulter du non-remboursement de ces avances, lesquelles ont été remises en cause par l'administration fiscale qui a considéré que ces avances sans intérêts ne correspondaient pas à une gestion commerciale normale. Si la société B... Joseph Gioffredo soutient qu'il s'agissait de soutenir l'activité de cette société sœur et sa montée en puissance, il n'est pas contesté qu'elle n'a aucun lien capitalistique avec celle-ci. En outre, elle ne démontre pas la réalité de la faiblesse des capitaux propres et de la trésorerie de cette société qui auraient justifié ce soutien financier, ni, a fortiori, la nécessité de soutenir l'activité de cette société pour préserver son propre fonctionnement. Il en est de même pour les avances sans intérêts consenties à la société DPA, alors que la requérante ne démontre pas le risque de procédure collective auquel cette société aurait été exposée et qu'en tout état de cause, ces avances ont été consenties alors que le contrat de location-gérance avec cette société avait été résilié. Enfin, si la société B... Joseph Gioffredo soutient que les avances à la société BDC ont été consenties afin de permettre la clôture de la liquidation de cette société, elle n'explique pas davantage l'intérêt de cette clôture pour son activité et, au demeurant, ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation, et n'apporte aucune explication permettant de justifier l'avance consentie à la SCI MS et, par suite, les provisions correspondantes.

En ce qui concerne les charges comptabilisées :

S'agissant de la charge comptabilisée en raison d'un litige fiscal :

8. Aux termes de l'article 213 du code général des impôts : " L'impôt sur les sociétés, la contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC, la contribution exceptionnelle mentionnée à l'article 235 ter ZAA, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés sur les montants distribués mentionnée à l'article 235 ter ZCA et l'impôt sur le revenu ne sont pas admis dans les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la société B... Joseph Gioffredo a comptabilisé, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, une charge de 150 000 euros qui résulte, selon ses écritures, de rehaussements mis à la charge de la société Boulangerie Joseph B..., qu'elle a absorbée en 2003, à la suite d'un contrôle fiscal de ses exercices 1993 à 1995. Si la requérante soutient que cette dette fiscale était certaine dans son principe et dans son montant au cours de cette exercice, elle ne conteste pas qu'il s'agit de suppléments d'impôt sur les sociétés, lesquels ne sont, en tout état de cause, pas déductibles de ses résultats, en vertu des dispositions précitées de l'article 213 du code général des impôts.

S'agissant de la prime exceptionnelle versée à M. A... B... :

10. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

11. Il ressort de la proposition de rectification du 15 décembre 2014 notifiée à la société B... Joseph Gioffredo que la société a comptabilisé à la clôture de l'exercice 2013, soit le 30 septembre 2013, une écriture d'opération diverse de 150 000 euros correspondant à une prime versée à M. A... B..., qui a été reprise le 1er octobre 2013, soit dès l'ouverture de l'exercice suivant, au titre également d'une écriture d'opération diverse. Si, afin de justifier cette écriture, la société requérante produit un procès-verbal d'une assemblée générale du 31 juillet 2013 décidant de l'attribution de cette prime, celui-ci est dépourvu de date certaine, et l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que cette écriture n'avait pour objectif que de diminuer le résultat imposable de la société requérante et que, compte tenu de sa situation financière dégradée, l'intérêt pour celle-ci de consentir une prime d'un tel montant, qui n'a d'ailleurs pas effectivement été versée, n'est pas établi. La requérante soutient au demeurant dans sa requête que M. B... a sollicité lors de l'assemblée générale qu'elle constate son renoncement au versement de cette prime, lequel était prévu en janvier 2014. En soutenant seulement, sans davantage d'explications, qu'il est de tradition de n'enregistrer les charges à payer qu'à la clôture de l'exercice et de les extourner au début de l'exercice suivant en tant que charge d'inventaire, la société ne démontre ni le caractère déductible de cette prime, ni qu'elle relève d'une gestion commerciale normale.

III. Sur les pénalités pour manquement délibéré :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

13. La société B... Joseph Gioffredo reprend, en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que les pénalités sont injustifiées, dès lors que les rehaussements de son résultat, décidés par l'administration ne sont pas fondés. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 20 du jugement attaqué.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société B... Joseph Gioffredo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la société B... Joseph Gioffredo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SARL B... Joseph Gioffredo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

2

N° 20MA01765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01765
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Procédure.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Rémunération des dirigeants.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP DELPLANCKE - LAGACHE - MARTY - POZZO DI BORGO - ROMETTI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;20ma01765 ?
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