Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 3 octobre 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a opposé la prescription quadriennale, pour la période se rapportant aux années 2001 à 2011, à la créance qu'elle détient sur l'Etat au titre de la reconstitution de sa carrière à la suite de la prise en compte du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique du 26 décembre 2018 contre cette décision, et d'enjoindre à l'Etat de lui verser l'intégralité des sommes résultant de la reconstitution de sa carrière, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans la délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par ordonnance n° 1901794 du 10 février 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2021, Mme B... C..., représentée par Me Gernez, demande à la Cour :
1°) d'annuler, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance du tribunal administratif de Nice du 10 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du 26 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui verser les rappels de rémunération résultant de la reconstitution de sa carrière, à compter de l'année 2000, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud ne pouvait opposer à sa créance la prescription quadriennale dès lors que :
- l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), qui est un avantage en terme de carrière, ne constitue pas un élément de rémunération de l'agent susceptible d'être prescrit ;
- le point de départ de la prescription quadriennale ne peut être antérieur à la publication, le 15 avril 2016, de la directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016 déterminant la liste des circonscriptions de sécurité publique (CSP) bénéficiant de l'ASA, au nombre desquelles figurent les CSP dans lesquelles il a exercé ses fonctions au cours de la période en litige, ni avant que sa situation administrative a été reconstituée au regard de ses droits à l'ASA par arrêté du ministre de l'intérieur ;
- elle était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 avant la publication de la directive du ministère de l'intérieur du 9 mars 2016 et l'entrée en vigueur de l'arrêté ministériel du 3 décembre 2015, dont l'intervention tardive résulte de fautes de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- la décision du Conseil d'Etat n°438596 du 25 mai 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., fonctionnaire de la police nationale, a été affectée à la préfecture de police de Paris le 1er août 1991. Elle a ensuite été affectée dans le ressort de la circonscription de sécurité publique (CSP) de Cagnes-sur-Mer du 1er août 2000 au 21 juillet 2015, date à compter de laquelle elle a été affectée à la direction départementale de la sécurité publique des
Alpes-Maritimes. Par un arrêté du 25 avril 2018, le ministre de l'intérieur a révisé sa situation administrative afin de tenir compte de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) prévu par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991, au titre de ses différentes affectations. Par une décision du 3 octobre 2018, notifiée le 5 novembre 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a considéré qu'en l'absence de cause interruptive de la prescription quadriennale, les créances de rappels de salaires, nées avant le 1er janvier 2012, dont se prévaut Mme C..., étaient prescrites. Le 26 décembre 2018, Mme C... a formé un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Elle relève appel de l'ordonnance du 10 février 2021 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui reverser l'intégralité des sommes résultant de la reconstitution de sa carrière.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique, dispose que : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Selon l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. Les années de services ouvrant droit à l'avantage mentionné à l'alinéa précédent sont prises en compte à partir du 1er janvier 1995 pour les fonctionnaires mentionnés au 3° de l'article 1er et, pour les fonctionnaires mentionnés aux 1° et 2° du même article, à partir du 1er janvier 2000. (...) ".
3. La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ayant, par voie d'exception, constaté l'illégalité de cet arrêté par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant. Par ailleurs, une directive du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, publiée le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, a permis la prise en compte de la situation des fonctionnaires de police au titre de la période antérieure à celle prévue par cet arrêté.
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi :
" La prescription est interrompue par : (...) / (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance / (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".
5. En premier lieu, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Contrairement à ce que soutient la requérante, les conséquences du bénéfice de l'ASA après reconstitution de carrière, correspondent à des éléments de rémunération dès lors qu'ils lui ouvrent droit, par l'acquisition d'une ancienneté plus importante, à un traitement supérieur à celui effectivement perçu. En l'espèce, la décision contestée du 3 octobre 2018 ne porte que sur les rappels de salaires, lesquels constituent des créances. En conséquence, le fait générateur de cette créance est bien constitué par le service accompli par Mme C... effectué à compter du
1er janvier 1995. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, d'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 que le fait générateur de la créance dont se prévaut Mme C... est constitué par le service qu'elle a effectué pendant les années continues effectuées au sein de son service d'affectation éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté. Les droits sur lesquels cette créance est fondée ont donc été acquis à compter de l'année 1995. Le délai de la prescription quadriennale a en conséquence, en application des dispositions précitées au point 4, commencé à courir, pour les créances nées en 1995, à compter du 1er janvier 1996, celles nées en 1996, à compter du 1er janvier 1997 et ainsi de suite. D'une part, il est constant que la directive du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, qui peut être regardée comme une communication écrite au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, a eu pour seul effet d'interrompre le délai de la prescription quadriennale et non d'en constituer le point de départ. D'autre part, l'intervention de l'arrêté individuel du 25 avril 2018, par lequel l'administration a reconstitué la carrière de
Mme C... au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté, est sans aucune incidence sur le point de départ de la prescription quadriennale. Il s'ensuit que c'est par une exacte application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 que l'administration a opposé la prescription quadriennale à la créance détenue par Mme C... sur l'Etat au titre de la période antérieure au 1er janvier 2012.
7. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté du 17 janvier 2001 définissant les circonscriptions de sécurité publique ait été jugé illégal par le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'est pas de nature à faire regarder l'intéressée comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance. Il appartenait à Mme C..., si elle s'y croyait fondée, de solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, en se prévalant de son affectation à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée. Dès lors, Mme C... ne saurait utilement prétendre avoir ignoré l'existence de sa créance, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, avant la publication de l'arrêté du
3 décembre 2015 et de la directive du 9 mars 2016.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2018, ensemble la décision prise sur son recours hiérarchique du 26 décembre 2018, et au versement des rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2012.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
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N° 21MA02444