La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2022 | FRANCE | N°20MA03201

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 novembre 2022, 20MA03201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle le directeur de la police municipale de la commune de Vitrolles l'a affecté provisoirement au centre de supervision urbain de la commune et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808298 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a mis à sa charg

e la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Vitro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle le directeur de la police municipale de la commune de Vitrolles l'a affecté provisoirement au centre de supervision urbain de la commune et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808298 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Vitrolles et non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 août 2020, le 5 janvier 2021 et le

23 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Belkhodja, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle le directeur de la police municipale de la commune de Vitrolles l'a affecté provisoirement au centre de supervision urbain de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vitrolles la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, la mesure attaquée constitue une sanction déguisée, compte tenu de la nature du service d'affectation, des effets de la décision sur son armement, de la date du prononcé de la mesure par rapport aux faits qui la justifient, de son contexte d'intervention et de la perte de responsabilités et de rémunération qui en découle pour lui ;

- cette même mesure est discriminatoire ;

- en décidant du désarmement du requérant, l'auteur de la mesure en litige a excédé sa compétence ;

- la décision litigieuse est irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente à l'égard des brigadiers de police municipale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2020, la commune de Vitrolles, représentée par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en soutenant, à titre principal, que la demande de première instance est irrecevable car dirigée contre une mesure d'ordre intérieur, et à titre subsidiaire, qu'elle n'est pas fondée.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2022, à 12 heures, par ordonnance du 9 septembre 2022 et reportée au 5 octobre 2022 à 12 heures, par ordonnance du

27 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-54 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Boustani, substituant Me Belkhodja, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., brigadier-chef principal, affecté au service mobile de proximité n° 2 de la police municipale de la commune de Vitrolles, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle le directeur de la police municipale de la commune l'a affecté provisoirement au centre de supervision urbain communal. Par un jugement du 29 juin 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande, en considérant que cette décision devait s'analyser comme une simple mesure d'ordre intérieur.

Sur l'état du droit applicable :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

3. Par ailleurs, un changement d'affectation prononcé d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

Sur la qualification de la mesure en litige :

4. En premier lieu, et d'une part, il ressort de l'ensemble des éléments de l'instance, et spécialement des énonciations mêmes de la décision en litige, que pour prononcer à titre provisoire le changement d'affectation de M. A..., le directeur de la police municipale s'est fondé sur le motif tiré de la nécessité de mettre fin à des tensions apparues en juin 2018 entre l'intéressé et ses supérieurs hiérarchiques directs qui lui reprochaient certains de ses comportements. Les attestations de collègues de M. A..., affectés dans le même service mobile de proximité, selon lesquelles ils n'ont jamais rencontré de difficultés relationnelles avec celui-ci, eu égard à leur contenu, ni les rapports établis par l'intéressé lui-même, ne sont de nature à remettre utilement en cause le motif de la mesure en litige, corroboré par les rapports de son chef de service des 3 et 14 août 2018, ni l'intérêt du service qui, ainsi, la justifie. Il en va de même d'autres attestations de collègues produites par l'appelant, qui livrent une version légèrement différente des propos tenus par M. A... à l'endroit de sa hiérarchie en juin 2018 et à l'origine du premier des deux rapports de sa hiérarchie au sujet de son comportement.

La réalité de ces tensions entre M. A... et sa hiérarchie directe au jour de la décision en litige n'étant pas efficacement contestée, la circonstance, avancée par l'intéressé lui-même dans ses écritures, que l'un de ses supérieurs aurait relevé la persistance de son comportement dans sa nouvelle affectation est sans incidence sur la pertinence du motif de son changement d'affectation, lequel ne présente par ailleurs aucun caractère précipité, contrairement à ce que soutient l'appelant.

5. Contrairement à ce qu'affirme en outre M. A..., la mesure en litige, bien que prise moins d'un mois avant l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre pour des manquements à ses obligations de réserve et d'obéissance, n'a pas été prononcée dans l'attente d'une sanction disciplinaire, mais se borne à préciser que le directeur de la police municipale demeure dans l'attente d'un rapport de l'intéressé sur des faits survenus quelques jours auparavant et qu'il a demandé des rapports d'information à l'ensemble des agents du service concernés par les tensions existantes.

6. D'autre part, la circonstance, à la supposer avérée, que le service du centre de supervision urbain soit mal considéré par les agents de police municipale, au motif que n'y seraient nommés que des agents physiquement inaptes ou des agents qui ne relèvent pas de la police municipale, alors que le requérant admet lui-même qu'y sont également affectés provisoirement des policiers physiquement aptes, ne peut suffire à conférer à l'affectation provisoire de M. A... dans ce service, motivée par l'intérêt du service, et conforme à la fois au statut des agents de police municipale fixé par le décret du 17 novembre 2006, et à la fiche de poste de l'intéressé, signée par lui le 17 janvier 2016, un caractère dévalorisant et humiliant.

Le choix de ce service par la mesure litigieuse comme nouvelle affectation de M. A..., en lieu et place des quatre autres services relevant de la direction de la police municipale, qui relève du pouvoir d'organisation du service de l'autorité compétente, n'est pas davantage de nature à révéler une intention de sanctionner l'intéressé.

7. La décision en litige n'a ni pour objet, ni pour effet, en l'absence de dispositions contraires, d'emporter le désarmement de M. A.... Le fait que, le même jour que ce changement d'affectation, le directeur de la police municipale ait par courriel décidé du désarmement de M. A... est par lui-même sans incidence sur la nature et l'objet de la mesure contestée.

8. Enfin, il ne ressort ni d'un rapport établi le 5 avril 2018 par M. A..., dont il soutient qu'il aurait été " mal reçu " par sa hiérarchie, ni des autres pièces du dossier, dont une attestation d'une collègue de service de celui-ci, datée du 23 septembre 2018, que la mesure litigieuse, prise pour des motifs relevant de l'intérêt du service, aurait été dictée par une volonté de représailles de sa hiérarchie.

9. Il suit de là que, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le changement d'affectation de M. A... décidé le 14 août 2018 ne constitue pas une sanction déguisée.

10. En deuxième lieu, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 7, la mesure en litige n'emporte pas par elle-même désarmement de M. A..., celui-ci ne peut utilement soutenir que, du fait de son désarmement, il n'a pu être retenu sur les listes de renfort de nuit ouvrant droit à une rémunération supplémentaire, à la différence de certains de ses collègues, au mois de novembre 2018, et que son changement d'affectation serait constitutif à son égard d'une discrimination.

11. En troisième lieu, le simple fait que la nouvelle affectation de M. A... au centre de supervision urbain, qui ne porte atteinte à aucune de ses prérogatives, et qui ne se traduit pas par une perte même sensible de responsabilités, modifie les tâches qu'il a à accomplir, ne peut suffire à lui conférer intérêt à agir contre la mesure en litige.

12. C'est donc à bon droit que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal a considéré que la décision qu'il conteste revêt le caractère d'une simple mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du 14 août 2018 prononçant son changement d'affectation. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Vitrolles relatives aux frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vitrolles en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Vitrolles.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

N° 20MA032012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03201
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BELKHODJA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-22;20ma03201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award