Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 32 030,55 euros, en remboursement des frais de mission exposés à raison de ses fonctions exercées au centre de coopération policière et douanière (CCPD) de Vintimille, en Italie, et celle de 4 000 euros, en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi pour en avoir été privée, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1804258 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, Mme B..., représentée par Me Fady, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2020 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, cette somme de 32 030,55 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018, avec capitalisation des montants à chaque anniversaire de l'enregistrement de sa demande au tribunal administratif de Nice, et, d'autre part, cette somme de 4 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Nice est entaché d'une erreur de droit dès qu'elle est affectée sur un poste à l'étranger et qu'elle est donc fondée à solliciter le bénéfice des dispositions combinées du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 et de l'arrêté du 22 août 2006 relatifs aux versements d'une allocation journalière au titre des repas et au titre des frais divers ;
- elle verse aux débats les ordres de mission qui prévoient son affectation au CCPD de Vintimille de sorte qu'elle est fondée à soutenir qu'elle était bien en mission au sens de
l'article 1er de ce décret du 3 juillet 2006 ;
- n'ayant perçu qu'une indemnité journalière de 7,63 euros, elle est fondée à solliciter la régularisation de sa situation par le versement d'une somme de 32 030,55 euros ;
- elle est enfin fondée à solliciter le versement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par une ordonnance du 22 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2022, à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, a été enregistré le 25 octobre 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 3 octobre 1997 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;
- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 et l'arrêté du 22 août 2006 pris pour l'application des articles 2-8, 6 et 7 de ce décret ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Fonctionnaire de police en poste à la direction départementale de la police aux frontières de Menton (DDPAF), Mme B... a été affectée, à sa demande et à compter du 1er septembre 2013, au centre de coopération policière et douanière (CCPD) de Vintimille, en Italie, qui a été créé en vertu de l'accord de coopération transfrontalière susvisé en matière policière et douanière passé le 3 octobre 1997 entre les gouvernements français et italien.
Mme B... y exerce, sous l'autorité de sa hiérarchie française, des missions de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance transfrontalière, conjointement avec des fonctionnaires italiens. En raison de cette affectation, Mme B... a demandé au ministre de l'intérieur, sur le fondement du décret susvisé du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat et de l'arrêté du 22 août 2006 pris pour l'application des articles 2-8, 6 et 7 de ce décret, le remboursement des frais de mission qu'elle estime lui être dus ainsi que la réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi pour en avoir été privée. Le ministre de l'intérieur ayant implicitement rejeté sa demande, Mme B... a sollicité du tribunal administratif de Nice la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 32 030,55 euros, au titre de ce remboursement, et de 4 000 euros, en réparation de ce préjudice moral. Mme B... relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel ledit tribunal a refusé de faire droit à cette demande.
2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais de déplacements temporaires des personnels civils à la charge des budgets des services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : / 1° Agent en mission : agent en service, muni d'un ordre de mission pour une durée totale qui ne peut excéder douze mois, qui se déplace, pour l'exécution du service, hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale ; / (...) 6° Résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté ou l'école où il effectue sa scolarité. Lorsqu'il est fait mention de la résidence de l'agent, sans autre précision, cette résidence est sa résidence administrative ; / 7° Résidence familiale : le territoire de la commune sur lequel se situe le domicile de l'agent (...) ". Enfin, l'article 3 de ce décret dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre : / - à la prise en charge de ses frais de transport sur production des justificatifs de paiement auprès du seul ordonnateur ; / - et à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au : / 1° Remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas ; / 2° Remboursement forfaitaire des frais d'hébergement et, pour l'étranger et l'outre-mer, des frais divers, sur production des justificatifs de paiement de l'hébergement auprès du seul ordonnateur. / Toutefois, pour l'étranger et l'outre-mer, dans le cas où l'agent est logé ou nourri gratuitement, les indemnités de mission allouées sont réduites dans la limite d'un pourcentage fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de l'outre-mer. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les missions ouvrant droit, sur leur fondement, à la prise en charge des frais de transport et au versement d'indemnités de mission sont celles qui résultent de déplacements à caractère temporaire.
4. Par ailleurs, si ces mêmes dispositions prévoient qu'un agent peut être muni d'un ordre de mission pour une durée totale de douze mois et bénéficier, notamment, d'une indemnité de mission pour ses déplacements hors de ses résidences administrative et familiale, seuls les frais de déplacement exposés au titre de déplacements temporaires peuvent toutefois être pris en charge. Un agent affecté administrativement, sans limitation de durée, dans un service, situé en France, sur un poste de travail situé à l'étranger ne peut être regardé, lorsqu'il exerce ses fonctions sur ce lieu de travail, comme un agent effectuant des déplacements temporaires au sens du décret du 3 juillet 2006 et ne saurait, dès lors, solliciter une indemnité de mission au titre des repas pris et des frais divers exposés à l'étranger.
5. En l'espèce, il est constant que Mme B..., fonctionnaire de police en résidence administrative à la DDPAF de Menton, a été " mise pour emploi opérationnel ", à sa demande, à compter du 1er septembre 2013, au CCPD de Vintimille. Elle s'y rend chaque jour depuis son domicile situé à La Turbie, dans le département des Alpes-Maritimes, pour y prendre son service. Alors même que l'administration considère que sa résidence administrative reste à Menton et qu'elle lui a établi des ordres de mission mensuels pour exercer ses fonctions à Vintimille, les déplacements quotidiens et permanents qu'elle effectue ainsi ne présentent aucun caractère temporaire dès lors que son affectation au CCPD de Vintimille n'est pas limitée dans le temps. Par suite, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nice, l'appelante ne peut être regardée comme étant investie d'une mission temporaire à l'étranger au sens et pour l'application des dispositions précitées du décret susvisé du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat. En l'absence de toute illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... devaient être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris et par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
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No 20MA03167