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18/11/2022 | FRANCE | N°20MA03389

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 18 novembre 2022, 20MA03389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) de la commune de Marseille et la décision de rejet de son recours gracieux du 13 septembre 2018.

Par un jugement n° 1809187 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistr

és les 8 septembre 2020, 14 mars 2022 et 21 avril 2022 Mme B..., représentée par Me Burtez-Dou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) de la commune de Marseille et la décision de rejet de son recours gracieux du 13 septembre 2018.

Par un jugement n° 1809187 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8 septembre 2020, 14 mars 2022 et 21 avril 2022 Mme B..., représentée par Me Burtez-Doucède, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 et la décision du 13 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte, de procéder dans un délai de quinze jours, à la modification du classement de sa parcelle dans un zonage constructible du PPRIF en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les modalités de la concertation n'ont pas été conformes à ce qui avait été décidé en 2011 et la concertation n'a pu avoir lieu effectivement pendant sept ans ;

- l'arrêté contesté ne pouvait se fonder sur un arrêté portant prescription du plan adopté en 2011 et devenu obsolète ;

- le classement de sa parcelle en zone rouge est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le rapport du commissaire enquêteur relève le manque de fiabilité des données utilisées et les erreurs de zonage auxquelles elles ont abouti ;

- ce classement est entaché d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres parcelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de Mme B....

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Claveau, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 mars 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt (PPRIF) sur le territoire de la commune de Marseille. L'élaboration de ce plan a donné lieu à une phase de consultation du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017, puis à un arrêté du 9 octobre 2017 portant ouverture et organisation d'une enquête publique, réalisée du 30 octobre au 30 novembre 2017, et au terme de laquelle la commission d'enquête a rendu, le 8 janvier 2018, un avis favorable assorti d'une réserve et accompagné de recommandations. Le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 22 mai 2018, approuvé le PPRIF, lequel classe en zone rouge la parcelle cadastrée section 908 OP 131, appartenant à Mme B... et située au 206 chemin de la Nerthe dans le 16ème arrondissement à Marseille. Mme B... relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 mai 2018 et de la décision du 13 septembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la concertation avec le public :

2. Aux termes de l'article L. 562-3 du code de l'environnement : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. (...) ". Aux termes de l'article R. 562-2 du code précité dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté fixant les modalités de la concertation : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte. Il désigne le service déconcentré de l'Etat qui sera chargé d'instruire le projet. / Cet arrêté définit également les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet. / Cet arrêté définit également les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet. / Il est notifié aux maires des communes ainsi qu'aux présidents des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l'élaboration des documents d'urbanisme dont le territoire est inclus, en tout ou partie, dans le périmètre du projet de plan. / Il est, en outre, affiché pendant un mois dans les mairies de ces communes et aux sièges de ces établissements publics et publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département. Mention de cet affichage est insérée dans un journal diffusé dans le département. ". Selon le dernier alinéa de cet article R. 562-2 dans sa rédaction issue du 2° de l'article 1er du I du décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 relatif à la procédure d'élaboration, de révision et de modification des plans de prévention des risques naturels prévisibles, publié au Journal officiel de la République française du 30 juin 2011 : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé dans les trois ans qui suivent l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration. Ce délai est prorogeable une fois, dans la limite de dix-huit mois, par arrêté motivé du préfet si les circonstances l'exigent, notamment pour prendre en compte la complexité du plan ou l'ampleur et la durée des consultations. ". L'article 2 de ce décret prévoit cependant que : " Les dispositions du I de l'article 1er sont applicables aux plans de prévention des risques naturels prévisibles dont l'établissement est prescrit par un arrêté pris postérieurement au dernier jour du premier mois suivant la publication du présent décret. ". La concertation à destination du public prévue par ces dispositions doit porter sur la nature et les options essentielles du projet et se dérouler avant que celui-ci ne soit arrêté. Il incombe, par ailleurs, à l'autorité administrative de veiller au bon déroulement de la consultation dans le respect des modalités qu'elle a elle-même fixées.

3. Il résulte de ces dernières dispositions qu'à la date du 30 mars 2011 à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'élaboration du plan en litige le dernier alinéa de l'article R. 562-2 du code de l'environnement, qui prévoit un délai de trois ans à compter de sa prescription pour approuver un plan de prévention des risques naturels prévisibles, n'était pas applicable. Seules étaient alors en vigueur les dispositions précitées de l'article R. 562-2 du code de l'environnement qui ne prévoyaient aucun délai pour l'approbation d'un tel plan. Par ailleurs, la seule circonstance qu'un délai notable de sept ans se soit écoulé entre l'arrêté prescrivant le plan et son approbation n'a pas eu pour effet, en l'absence de disposition légale ou règlementaire le prévoyant, de frapper de caducité l'arrêté du 30 mars 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône. Ce délai est, dès lors, sans incidence sur la régularité de la procédure d'élaboration du PPRIF de la commune de Marseille et par suite, sur la légalité de l'arrêté en litige. Ainsi, Mme B... ne peut utilement soutenir que le préfet était tenu de prescrire, à nouveau, le lancement de la procédure d'élaboration du PPRIF et ne pouvait se fonder sur un arrêté du 30 mars 2011 devenu obsolète.

4. Mme B... ne peut utilement soutenir que les modalités de la concertation n'ont pas été respectées par rapport à ce qui a été défini par l'arrêté du 30 mars 2011, la concertation n'ayant pu avoir lieu effectivement pendant sept ans dès lors que cet arrêté n'a prévu aucun délai pour l'approbation du plan en litige. En outre, il n'établit pas en quoi les objectifs et motifs définis par cet arrêté ne seraient plus les mêmes en 2017.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation quant au classement de la parcelle cadastrée section 908 OP n° 131 en zone rouge :

5. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) / VII. ' Des décrets en Conseil d'Etat définissent en tant que de besoin les modalités de qualification des aléas et des risques, les règles générales d'interdiction, de limitation et d'encadrement des constructions, de prescription de travaux de réduction de la vulnérabilité, ainsi que d'information des populations, dans les zones exposées aux risques définies par les plans de prévention des risques naturels prévisibles. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels prévisibles constituent des documents qui, élaborés à l'initiative de l'Etat, ont pour objet de définir, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, des contraintes d'urbanisme importantes.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée 908 OP n° 131, appartenant à Mme B..., située au 206 chemin de la Nerthe dans le 16ème arrondissement de Marseille, est classé en zone UM1 " maîtrise forte de l'urbanisation " dans le plan local d'urbanisme. Toutefois, si elle est entourée d'une zone urbanisée constituée d'un habitat groupé dense à très dense à l'ouest et d'une construction appartenant à un ensemble d'habitat groupé dense à l'est, cette parcelle n'est elle-même pas bâtie. La carte brute d'aléa du PPRIF montre qu'une partie centrale de la parcelle se situe en zone d'aléa faible, tandis que le sud de la parcelle est en zone d'aléa moyen. Toutefois, il ressort d'une photographie produite par le préfet des Bouches-du-Rhône en première instance, que la parcelle de la requérante est dans la continuité d'un massif boisé lequel est exposé à un aléa " fort " selon la carte d'aléa du PPRIF en cause. La carte de l'historique des feux sur le secteur indique que deux feux différents se sont approchés de la zone, au nord-est et à l'ouest, en 2001 et 2004, un autre feu ayant parcouru le massif à l'ouest. En outre, la parcelle cadastrée 908 OP n° 131 se situe au sommet du versant du vallon boisé. Ainsi, le feu est susceptible de se propager dans le vallon et de monter le versant avec une vitesse accélérée par la pente montante.

8. En second lieu, la circonstance que le rapport de la commission d'enquête aurait relevé que le classement de certaines parcelles ne correspondait à la réalité, que dans certains cas, l'adéquation entre enjeux et défendabilité n'était pas toujours vraie, que la lecture de la grille de croisement n'est pas toujours adaptée à traiter des cas particuliers et que certaines parcelles devaient être classées en zone bleue n'est pas de nature à établir un manque de fiabilité des données utilisées ainsi que de la visite de terrain, pas plus que des erreurs de zonage dont il n'est pas démontré qu'elles concerneraient la parcelle de Mme B....

9. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8 et au regard du tableau de croisement du PPRIF en cause, le seul fait que l'aléa de la parcelle en litige qui n'est pas bâtie soit classée en aléa " fort " suffit à retenir un classement en zone rouge, sans qu'y fasse obstacle son caractère défendable résultant de ce que le terrain de Mme B... serait parfaitement desservi, que la voie ferait plus de trois mètres et que la distance à l'hydrant le plus proche ne serait que de 75 m au lieu des 80 m exigés. De même, l'appelante ne peut utilement se prévaloir d'une facture de travaux effectués sur la route. Il s'ensuit que le classement en zone rouge de la parcelle cadastrée 908 OP n° 131 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le moyen tiré de la rupture d'égalité :

10. Il est de la nature des plans de prévention des risques naturels de distinguer et de délimiter, en fonction des degrés d'exposition à ces risques, des zones à l'intérieur desquelles s'appliquent des contraintes d'urbanisme importantes et des zones ne nécessitant pas l'application de telles contraintes. Dès lors que le classement en zone rouge de la parcelle appartenant à Mme B... ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée, comme il a été dit aux points 7 à 9, l'intéressée ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant la loi. En tout état de cause, sa parcelle du fait de son caractère non bâti n'est pas placée dans la même situation que les parcelles voisines situées au sud en zone urbanisée et classées en zone B1.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 mai 2018 et de la décision du 13 septembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2022.

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N° 20MA03389

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03389
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. - Divers régimes protecteurs de l`environnement. - Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-18;20ma03389 ?
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