Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du maire de Nice du 25 juillet 2017 accordant à l'entreprise Côte d'Azur Bâtiment un permis de démolir un balcon sur un immeuble situé au 15 rue de la préfecture et 7 rue Saint Vincent, ainsi que la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1705725 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 octobre 2020 et le 7 mars 2022, M. B..., représenté par Me Dersy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 août 2020 ;
2°) d'annuler ces décisions du maire de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
- le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent n'avait pas qualité au sens de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer la demande de permis de démolir ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article US.0 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la ville de Nice ;
- la réfection de la toiture de l'immeuble ne nécessite pas la démolition de ce balcon.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2021, la commune de Nice, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen, nouveau en appel, tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme est irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2021, le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent, représenté par Me Bourdier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Lacroix, représentant la commune de Nice.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent a engagé à partir de 2011 les travaux de réfection de la toiture en tuiles de cet immeuble. Par une ordonnance du 17 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice l'a autorisé à procéder à ses frais avancés à la dépose du balcon sud attenant à l'appartement construit en attique sur le toit de cet immeuble, dès l'obtention par lui d'un permis de démolir, et a condamné M. B..., propriétaire de cet appartement, à donner accès aux entreprises mandatées par le syndicat des copropriétaires pour la réalisation des travaux de reprise de la toiture. Par un arrêté du 25 juillet 2017, le maire de Nice a accordé à l'entreprise mandatée par le syndicat un permis de démolir ce balcon. Par arrêté du 31 mai 2018, le maire de Nice a transféré ce permis de démolir au syndicat. M. B... relève appel du jugement du 10 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... a soulevé dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Nice le 22 juin 2020 le moyen tiré de ce que le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent n'avait pas qualité au sens de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer la demande de permis de démolir et que le maire de Nice aurait dû refuser ce permis dès lors qu'il avait connaissance de l'existence d'une fraude sur la qualité du pétitionnaire. Le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Il a donc entaché son jugement d'une irrégularité qui entraîne l'annulation de ce dernier.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2017 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : " (...) Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. ". Aux termes de l'article 18 de la même loi : " I. Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous : (...) -d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; (...) ".
5. Il résulte des articles R. 423-1, R. 431-4 et R. 431-5 du code de l'urbanisme que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il en résulte également qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, mais également, sur le fondement des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 citées au point 4, par le syndic, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire.
6. La demande de permis de démolir en litige a été présentée par l'entreprise Côte d'Azur Bâtiment. Dès lors que cette société avait rempli et signé le formulaire de cette demande, qui intègre l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, le maire de Nice devait la regarder comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il est constant que cette entreprise a été mandatée par le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent. La circonstance que la commune ait été informée de ce que M. B... contestait la compétence du syndic pour intervenir sur son balcon est dépourvue d'incidence sur la qualité du mandataire du syndic pour déposer la demande de permis de démolir et ne peut être utilement invoquée pour contester l'autorisation délivrée. Par conséquent, le moyen tiré de l'existence d'une fraude du pétitionnaire et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, qui relève de la légalité interne du permis, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, M. B... soutient que la réparation des désordres affectant la toiture de l'immeuble ne nécessite pas la démolition du balcon sud de son appartement mais seulement la dépose des éléments de structure corrodés et leur remplacement. Comme le rappelle le dernier alinéa de l'article A. 424-8 du code de l'urbanisme, le permis est cependant délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme. Le moyen invoqué par le requérant est donc sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " I. Un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine. Sur le périmètre qu'il recouvre, il tient lieu de plan local d'urbanisme (...) III.- Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l'indication des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d'immeubles : / 1°Dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ; / 2° Dont la démolition ou la modification peut être imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées (...) ". Aux termes de l'article R. 313-17 du même code : " A compter de la publication de l'acte qui crée le secteur sauvegardé, l'architecte des Bâtiments de France assure la surveillance générale du secteur sauvegardé en vue de préserver son caractère historique ou esthétique. Il veille à la cohérence du projet de plan de sauvegarde et de mise en valeur avec cet objectif. ". Aux termes de l'article R. 423-54 de ce code, applicable notamment à l'instruction des demandes de permis de démolir : " Lorsque le projet est situé dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité, l'autorité compétente recueille l'accord de l'architecte des Bâtiments de France ".
9. Aux termes de l'article US.0 du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) de la ville de Nice relatif aux occupations du sol protégées : " On distingue dans l'ensemble du secteur sauvegardé les immeubles " protégés " et les immeubles " à conserver " (...) Les immeubles protégés au titre des monuments historiques ainsi que ceux à conserver doivent être maintenus et, en tant que de besoin, restaurés ou améliorés. / Ces mesures s'étendent aux éléments d'architecture et de décoration extérieurs et intérieurs tels que : escaliers, rampes, balcons, limons, encorbellements, lambris, vantaux de porte, cheminées, motifs sculptés, peintures, gypseries et tous éléments appartenant à ces immeubles par nature ou par destination, à l'exception des éléments ou parties de construction repérés par la lettre E ou M sur le plan du PSMV et dans le règlement ". L'article US.11, relatif à l'aspect extérieur indique " servitudes d'architecture concernant les immeubles existants et à construire (...) B Toitures / Le site et la topographie de la commune de Nice permettent d'avoir des vues directes et dominantes sur les toitures du secteur sauvegardé, c'est pourquoi elles doivent être traitées avec un soin particulier (...) B.8 Surélévations - adjonctions / Toute surélévation d'un immeuble est formellement interdite, sauf indication contraire notée " M " au plan, de même que toute adjonction extérieure ayant pour résultat de transformer le volume ou l'aspect de l'immeuble. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble situé 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent est situé dans le secteur sauvegardé de la ville de Nice, dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) a été approuvé par décret du 17 décembre 1993, modifié par décret du 22 octobre 1997. Il est repéré au plan comme un immeuble ou partie d'immeuble à conserver, dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits. L'inventaire du patrimoine bâti annexé au plan souligne l'intérêt particulier que présente cet immeuble très bien tenu, construit au XVIIIème siècle et revêtu d'une toiture en tuiles et énumère les éléments qui justifient cette appréciation, notamment les portails en pierre, des escaliers et des fenêtres.
11. Par arrêté du 1er août 2013, le maire de Nice ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée pour le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent en vue du confortement de l'appartement en attique appartenant à M. B.... Il est constant que cet appartement et le balcon sud en litige ont été adjoints largement après la construction de l'immeuble qui comportait initialement quatre étages et des combles, ce type d'appartements en belvédère étant apparu à partir de la fin du XIXème siècle. Ainsi que le confirment les photographies jointes au dossier de déclaration, ce balcon repose sur une structure métallique prenant appui sur la toiture en pente de l'immeuble. Il ne fait pas partie des éléments mentionnés par l'inventaire cité au point précédent. Comme l'appartement qu'il complète, par sa technique de construction et son aspect qui dépare la toiture, cet aménagement n'est pas au nombre des éléments d'architecture et de décoration extérieurs et intérieurs et des autres éléments appartenant à l'immeuble par nature ou par destination dont l'article U.0 du PSMV de Nice impose le maintien et, en tant que de besoin, la restauration ou l'amélioration, sa démolition étant, à l'inverse, susceptible de contribuer à la restauration ou à l'amélioration de l'immeuble. Dans ces conditions, l'architecte des Bâtiments de France ayant d'ailleurs émis un avis favorable le 22 juin 2017, la maire de Nice n'a pas méconnu l'article U.0 du PSMV en accordant le permis de démolir attaqué.
12. M. B... ne peut sur ce point utilement se prévaloir des prescriptions dont l'architecte des Bâtiments de France a assorti l'avis favorable émis en 2013 à la déclaration de travaux citée au point précédent, limitant la consistance de ces travaux au confortement à l'exclusion de toute démolition, changement de volumétrie et nouvel appui sur la toiture dès lors, d'une part, que cet avis portait sur un projet différent, d'autre part, qu'il est en tout état de cause sans incidence sur l'application du PSMV de Nice.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Nice du 25 juillet 2017 et de la décision du 26 octobre 2017 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nice, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Nice et du syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent présentées sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 août 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Nice et du syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture / 7 rue saint-Vincent et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.
N° 20MA03834 2