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10/11/2022 | FRANCE | N°21MA00900

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21MA00900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 avril 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 30 novembre 2017, d'enjoindre au département du Var de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge du département du Var une somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.r>
Par un jugement n° 1801836 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de To...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 avril 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 30 novembre 2017, d'enjoindre au département du Var de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge du département du Var une somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.

Par un jugement n° 1801836 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2021 et le 17 janvier 2022,

M. C..., représenté par Me Dragone, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 17 avril 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 30 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au département du Var de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a rejeté sa requête dans des conditions qui sont de nature à remettre en cause son impartialité ;

- l'avis rendu par la commission de réforme est irrégulier, en raison de l'incompétence du signataire des actes de la commission ;

- la composition de la commission de réforme est irrégulière, eu égard aux dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ;

- les éléments médicaux de son dossier ne lui ayant pas été communiqués, le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- les observations présentées n'ont pas été prises en compte et ont méconnu les dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2014 ;

- les courriers rejetant sa demande de protection fonctionnelle et l'informant de l'engagement d'une procédure disciplinaire, suivis de la notification par huissier d'un arrêté de suspension de fonctions, ne peuvent être considérés comme un évènement prévisible et habituel et sont à l'origine d'un choc émotionnel ;

- le lien direct, exclusif et certain entre son affection et le service est établi ; la préexistence d'une pathologie ne saurait justifier le refus d'imputabilité au service de l'accident du 30 novembre 2017 ;

- sa situation d'isolement et de souffrance psychologique qui caractérise une situation de harcèlement moral et des conditions de travail dégradées sont imputables au département du Var qui n'a pris aucune mesure de prévention des risques professionnels.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 novembre 2021 et 24 mars 2022, le département du Var, représenté par Me Laridan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Dragone, représentant M. C..., et de Me Ratouit, substituant Me Laridan, représentant le département du Var.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., agent de maîtrise principal au sein du département du Var, relève appel du jugement en date du 7 janvier 2021, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 avril 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il estime avoir été victime le 30 novembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires alors applicable : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme ". L'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dispose : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ". Le dossier mentionné par les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, à la communication duquel le fonctionnaire a droit avant la réunion de la commission de réforme, doit contenir le rapport du médecin agréé qui a examiné le fonctionnaire. Si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales du dossier d'un fonctionnaire avant la réunion de la commission de réforme, elles impliquent que ce dernier ait été informé de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces.

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été informé, par un courrier du 28 février 2018, de la réunion de la commission de réforme du 22 mars 2018, de la possibilité de prendre connaissance de son dossier sur rendez-vous auprès du secrétariat de la commission, de prendre connaissance de la partie médicale de son dossier, de se faire assister par un médecin ou une personne de son choix et d'adresser au secrétariat toutes observations et pièces médicales utiles. Suite à sa demande en date du 14 mars 2018, M. C... a obtenu le même jour la communication de son dossier dont les pièces ont été remises à son épouse, mandatée à cet effet. Il ressort également des pièces du dossier que le rapport médical du médecin coordonnateur du travail, daté du 20 mars 2018 et sur la base duquel la commission de réforme a été amenée à se prononcer, n'a été remis à son secrétariat que le 21 mars 2018, soit la veille de la réunion de la commission et que son existence n'a pas été portée à la connaissance du requérant avant la séance de la commission. Ce rapport, s'il est succinct et reprend des éléments de l'enquête administrative communiquée le 14 mars 2018, précise que M. C... " n'était pas sur son poste le 30/11/2017 (congés de maladie) et n'a pu être victime d'un accident du travail déclaré ce jour ". Ces observations ont été reprises en intégralité par la commission de réforme et ont, dès lors, été déterminantes dans l'avis défavorable rendu par celle-ci. Il suit de là que le requérant, qui avait demandé à accéder à l'intégralité des pièces médicales de son dossier et qui n'a pas été informé de la possibilité d'obtenir la consultation de cette pièce avant la réunion de la commission, est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, qui a eu une influence sur le sens de la décision prise et l'a privé d'une garantie. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué et alors qu'aucun autre moyen n'est, par ailleurs, de nature à justifier l'annulation de la décision du 17 avril 2018, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le département du Var reconnaisse l'imputabilité au service de l'accident litigieux, mais seulement que l'autorité administrative prenne une nouvelle décision selon une procédure régulière, après consultation de la commission de réforme conformément aux dispositions précitées du décret du 14 mars 1986 et de l'arrêté du 4 août 2004. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au département du Var d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le département du Var demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du département du Var une somme de 1 000 euros à verser à M. C... sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1801836 du 7 janvier 2021, ainsi que la décision du 17 avril 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 30 novembre 2017, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au département du Var de réexaminer la demande de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le département du Var versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au département du Var.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Taormina, président assesseur,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

N° 21MA009002

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00900
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités médicaux - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : DRAGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-10;21ma00900 ?
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