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08/11/2022 | FRANCE | N°20MA04485

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20MA04485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, " d'annuler le rapport d'expertise de compétences " en date du 13 octobre 2017 et les décisions du conseil départemental de l'ordre des médecins et, d'autre part, de mettre à la charge dudit conseil " le paiement des dépens de cette procédure " ainsi que le remboursement d'une somme de 140 euros " pour les photocopies et impressions des pièces versées au dossier ".

Par une ordonnance n° 1906566 du 30 septembre 2020, la pr

sidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, " d'annuler le rapport d'expertise de compétences " en date du 13 octobre 2017 et les décisions du conseil départemental de l'ordre des médecins et, d'autre part, de mettre à la charge dudit conseil " le paiement des dépens de cette procédure " ainsi que le remboursement d'une somme de 140 euros " pour les photocopies et impressions des pièces versées au dossier ".

Par une ordonnance n° 1906566 du 30 septembre 2020, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 2 décembre 2020, et régularisée par un mémoire ampliatif le 20 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Maury, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins du 11 décembre 2017 ;

3°) d'allouer, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 500 euros au profit de son conseil, lequel renoncera alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- sur la réformation de l'ordonnance attaquée :

. c'est par une erreur manifeste d'appréciation et d'interprétation de ses écritures de première instance que la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a fait application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle avait explicitement dirigé son recours contre la décision implicite du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

. elle a soulevé devant le tribunal administratif de Marseille des moyens de légalité externe et interne ;

- sur l'illégalité de la décision portant refus d'inscription au tableau de l'ordre :

. cette décision est entachée de vices de forme résultant d'une méconnaissance des règles procédurales encadrant l'instruction, par le conseil départemental, des demandes d'inscription ; constituant une formalité substantielle, l'expertise diligentée à son encontre a été organisée puis conduite dans des conditions irrégulières et portant atteinte à ses droits ; les dispositions du 1 du II et celles du IV de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique ont été méconnues ;

. cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;

. elle est entachée également du vice d'incompétence ;

. elle est enfin entachée d'erreurs de fait.

La requête a été communiquée au Conseil national de l'ordre des médecins qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2022, à 12 heures.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés :

. de l'incompétence du tribunal administratif pour connaître de la demande de première instance de Mme C... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'inscription au tableau de l'ordre des médecins, une telle demande ressortissant à la compétence du Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort ;

. et de l'irrecevabilité de cette demande de première instance, faute pour Mme C... d'avoir, préalablement à l'exercice de son recours contentieux, présenté le double recours administratif préalable obligatoire devant le conseil régional puis le Conseil national de l'ordre des médecins, comme l'exigent les dispositions combinées des articles L. 4112-4, R. 4112-4, R. 4112-5 et R. 4112-5-1 du code de la santé publique.

Des observations en réponse à ces moyens d'ordre public, présentées pour Mme C..., par Me Maury, ont été enregistrées le 6 octobre 2022.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 22 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations tant de Me Maury, représentant Mme C..., que de cette dernière.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel de l'ordonnance du 30 septembre 2020 par laquelle la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande que ce premier juge a regardée comme tendant principalement à l'annulation du " rapport d'expertise de compétences " ainsi que des décisions rendues par le conseil départemental de l'ordre des médecins.

Sur la régularité de l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) ". Selon l'article L. 4112-4 du même code : " Les décisions du conseil départemental rendues sur les demandes d'inscription au tableau peuvent être frappées d'appel devant le conseil régional, par le médecin (...) demandeur, s'il s'agit d'un refus d'inscription (...). A l'expiration du délai imparti pour statuer au conseil départemental, le silence gardé par celui-ci constitue une décision implicite de rejet susceptible de recours. / Les décisions du conseil régional en matière d'inscription au tableau sont notifiées sans délai par le conseil régional au médecin (...) qui en est l'objet, au conseil départemental et au Conseil national de l'ordre. / Le délai d'appel, tant devant le conseil régional que devant le Conseil national, est de trente jours à compter, soit de la notification de la décision expresse frappée d'appel, soit du jour où est acquise la décision implicite de rejet du conseil départemental. (...) ". L'article R. 4112-4 dudit code précise que : " Les décisions d'inscription ou de refus d'inscription sont notifiées à l'intéressé dans la semaine qui suit la décision du conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ces décisions sont également notifiées sans délai et dans la même forme au Conseil national et au directeur général de l'agence régionale de santé. / La notification mentionne que le recours contre ces décisions doit être porté devant le conseil régional ou interrégional dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental qui s'est prononcé sur la demande d'inscription, dans un délai de trente jours. Elle indique en outre que le recours n'a pas d'effet suspensif. (...) ". Aux termes de l'article R. 4112-5 de ce code : " L'appel porté devant le conseil régional ou interrégional n'est pas suspensif. / (...) Le conseil statue dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. / Les notifications de la décision du conseil, prévues au deuxième alinéa de l'article L. 4112-4, sont faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elles mentionnent que le recours doit être porté devant le Conseil national de l'ordre dans un délai de trente jours. (...) ". Selon l'article R. 4112-5-1 dudit code : " Le recours devant le Conseil national n'a pas d'effet suspensif / (...) La décision est notifiée selon les modalités fixées par l'article R. 4112-4 ainsi qu'au conseil régional ou interrégional. / La notification mentionne que la décision est susceptible de recours devant le Conseil d'Etat dans le délai de deux mois (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que la décision d'un conseil départemental de l'ordre des médecins refusant d'inscrire un médecin au tableau de l'ordre doit, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, faire l'objet d'un recours administratif devant le conseil régional puis, au besoin, devant le Conseil national. L'institution par ces dispositions d'un double recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser aux instances ordinales compétentes pour en connaître le soin d'arrêter une position définitive. Il s'ensuit que la décision prise à la suite de chacun de ces recours se substitue nécessairement à la décision précédente et que seule la décision du Conseil national est susceptible d'être déférée au juge de la légalité. A ce stade, un recours pour excès de pouvoir contre une décision portant refus d'inscription d'un médecin au tableau de l'ordre relève de la seule compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de son irrégularité invoqué par Mme C... et analysé ci-dessus, il y a lieu, d'une part, d'annuler l'ordonnance du 30 septembre 2020 par laquelle la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille s'est reconnue compétente pour rejeter la demande de cette dernière, laquelle devait être regardée comme tendant à l'annulation de la décision implicite qui serait née du silence gardé par le conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur sur sa demande tendant à l'" annulation " du rapport établi suite à l'expertise diligentée sur le fondement des dispositions du II de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique et des " décisions basées sur ce rapport ", et, d'autre part, de statuer immédiatement sur cette demande, par la voie de l'évocation.

4. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...) ". Mais, l'article R. 351-4 du même code dispose que : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. "

5. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 11 décembre 2017, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins a, après avoir fait diligenter une expertise sur le fondement des dispositions du II de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique, refusé d'inscrire Mme C..., médecin généraliste, au tableau qu'il est chargé de tenir à jour. Par un courrier du 28 mars 2019, reçu le 3 avril suivant, Mme C... a demandé au conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur " l'annulation " tant du rapport établi consécutivement à cette expertise que des " décisions basées sur ce rapport ". A supposer que ce courrier puisse être regardé comme le premier recours administratif préalable obligatoire requis par les dispositions précitées au point 2 et que le silence gardé par le conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur ait fait naître une décision implicite portant rejet de ce recours, il reste que, préalablement à l'introduction d'un recours contentieux devant le Conseil d'Etat, Mme C... aurait dû obligatoirement former un second recours préalable contre cette décision de refus du conseil régional devant le Conseil national de l'ordre des médecins. Or, Mme C... n'a ni établi, ni même allégué devant le tribunal administratif de Marseille avoir présenté ce second recours administratif préalable obligatoire. Sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite présentée directement devant le tribunal administratif de Marseille était ainsi et en tout état de cause manifestement irrecevable. Par suite, et alors qu'au demeurant, l'appelante ne justifie pas davantage devant la Cour avoir présenté ce second recours administratif préalable obligatoire, cette demande de première instance doit être rejetée comme telle, sans qu'il soit besoin de la transmettre au Conseil d'Etat.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1906566 de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Antoine Maury et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

2

No 20MA04485

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04485
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Compétence à l'intérieur de la juridiction administrative - Compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort - Décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale.

Professions - charges et offices - Accès aux professions - Médecins - Inscription au tableau.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MAURY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-08;20ma04485 ?
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