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08/11/2022 | FRANCE | N°20MA03752

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20MA03752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au profit de la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire métropolitaine (SOLEAM) les immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération d'aménagement

" Saint-Mauront-Gaillard " sur le territoire de la commune de Marseille et, d'autre part, l'arrêté du 27 novembre 2017 modifiant cet arrêté, ensembl

e la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ces deux arrêtés, et de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au profit de la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire métropolitaine (SOLEAM) les immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération d'aménagement

" Saint-Mauront-Gaillard " sur le territoire de la commune de Marseille et, d'autre part, l'arrêté du 27 novembre 2017 modifiant cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ces deux arrêtés, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1807398 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 septembre 2020 et le

23 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Tavitian, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux des 13 juillet et 27 novembre 2017, ensemble la décision tacite de rejet de son recours gracieux contre ces deux arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, pour ne pas avoir visé la lettre qu'il a adressée au tribunal le 6 juillet 2020 et pour ne pas avoir rouvert l'instruction pour lui permettre de répliquer aux écritures de la SOLEAM dont il n'a pris connaissance que le 1er juillet 2020 ;

- en considérant que les immeubles dont il est propriétaire font l'objet d'une présomption d'insalubrité, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier, commis une erreur de droit et a manqué à son devoir d'impartialité ;

- les premiers juges n'ont pas cherché la nature réelle de l'opération en litige qui n'est pas celle d'une opération d'aménagement, mais celle d'une opération de résorption de l'habitat insalubre, et qui a donné lieu, de la part du bénéficiaire de l'expropriation, à une confusion persistante, de sorte que le périmètre de cette opération est nettement moins important que celui invoqué dans les écritures de celui-ci ;

- l'inclusion de l'aménagement dans l'objet de l'opération de résorption de l'habitat insalubre a permis de contourner l'obstacle lié à la compétence de la communauté urbaine et à la faire dépendre seulement de l'initiative de la commune, et pourrait constituer un détournement de pouvoir ;

- en supprimant la rue Guichard et en la remplaçant par un escalier, la déclaration d'utilité publique méconnaît les dispositions du décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics, faute d'accès pour les personnes à mobilité réduite, alors que l'information suffisante du public au cours de l'enquête publique n'a pas été assurée ;

- la déclaration d'utilité publique méconnaît également les dispositions de l'article

L. 228-2 du code de l'environnement, à défaut de créer une piste cyclable pour la rénovation de la voirie existante ;

- l'expropriation en litige n'était pas nécessaire, ne revêt pas un caractère d'intérêt général mais sert uniquement l'intérêt privé de la SOLEAM et présente des inconvénients qui s'avèrent excessifs, ce que les premiers juges se sont abstenus de vérifier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2021, la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire métropolitaine (SOLEAM), représentée par

Me Beugnot, conclut, à titre principal, au rejet de la requête d'appel, subsidiairement à son rejet compte tenu de l'irrecevabilité de la demande de première instance et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

La société publique locale soutient que :

- les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés ;

- la demande de première instance était tardive pour contester aussi bien l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique du 12 juillet 2016 que l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 11 juillet 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel ne sont pas fondés et en indiquant reprendre à son compte les écritures produites par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal, notamment en ce qui concerne la fin de non-recevoir.

Par ordonnance du 24 août 2022 la clôture d'instruction a été fixée au

26 septembre 2022, à 12 heures.

La SOLEAM a produit un mémoire le 3 octobre 2022, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Par une lettre du 13 octobre 2021, le président de la formation de jugement a demandé à la SOLEAM, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la communication, de manière lisible, de la convention d'aménagement qui lie la SOLEAM à la

commune de Marseille depuis 2006, et de tous ses avenants, ainsi que de la lettre du 24 juin 2016

par laquelle son directeur général a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône l'ouverture de

l'enquête publique et l'engagement de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité

publique.

Ces pièces ont été communiquées à la Cour par la SOLEAM le 17 octobre 2022 et communiqués le même jour à M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de M. C... et de Me Beugnot, représentant la SOLEAM.

Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 25 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 juillet 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la SOLEAM, les travaux d'aménagement de l'opération dite

" Saint-Mauront-Gaillard " sur la commune de Marseille. Cet arrêté a emporté mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Marseille avec ces travaux. Par un recours du 17 mai 2018, M. C..., propriétaire d'immeubles compris dans le périmètre de cette opération, a demandé au préfet le retrait de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2017 portant cessibilité des parcelles dont l'acquisition est nécessaire à cette opération, dont ses immeubles, ainsi que de l'arrêté de cessibilité modificatif du 27 novembre 2017. Par un jugement du

31 juillet 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés de cessibilité et du rejet tacite de son recours gracieux contre ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces de la procédure que, par son premier mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille le 19 février 2020 et dûment communiqué à M. C..., le préfet des Bouches-du-Rhône renvoyait aux écritures de la SOLEAM pour répondre au moyen du requérant tiré du défaut de qualité de la société publique locale et consistant notamment à relever l'absence de production de la convention d'aménagement dont cette société était bénéficiaire. Le premier mémoire en défense de la SOLEAM, enregistré le 30 juin 2020 et communiqué au requérant le même jour, a répondu à ce moyen et était accompagné des pièces appuyant cette réponse. Dans ces conditions, l'absence de réouverture de l'instruction, close trois jours francs avant l'audience du 9 juillet 2020, à rebours d'ailleurs de la demande formée par le conseil de M. C... le 6 juillet 2020, n'a pas permis à celui-ci de répondre utilement au premier mémoire en défense de la SOLEAM, dont la teneur était substantiellement différente de celle du mémoire en défense du préfet des Bouches-du-Rhône, codéfendeur dans cette instance. M. C... est par suite fondé à soutenir qu'en l'absence de réouverture de l'instruction, le tribunal administratif a statué au terme d'une procédure irrégulière. Il y a donc lieu, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité, d'annuler en sa totalité le jugement attaqué et au cas d'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. C... présentées en première instance et en appel.

Sur la légalité des arrêtés de cessibilité des 13 juillet et 27 novembre 2017 :

3. Pour contester la légalité des arrêtés des 13 juillet et 27 novembre 2017 portant déclaration de cessibilité, M. C..., qui n'invoque aucun vice propre de ces arrêtés, excipe, ainsi qu'il est recevable à le faire, de l'illégalité de l'arrêté du 11 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de l'opération dite " Saint-Mauront-Gaillard ", en en critiquant tant la régularité que le bien-fondé.

S'agissant de la légalité externe de la déclaration d'utilité publique :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur au jour de l'arrêté de déclaration d'utilité publique contesté : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement celles du dossier soumis à enquête publique, que si l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté préfectoral du

11 juillet 2017, dénommée " opération d'aménagement Saint-Mauront-Gaillard ", s'inscrit dans le protocole d'éradication de l'habitat indigne signé en 2002 entre l'Etat et la ville qui couvre un périmètre de 2 hectares, compris entre les rues F. Pyat, Auphan, et l'autoroute Nord A7, elle a pour objet propre, sur une partie de ce périmètre comprenant le secteur dit des Bons voisins et une partie du secteur dit de l'Amidonnerie, sur quelque 6 000 m2, la résorption des immeubles et logements dégradés de ce quartier, par la démolition de quarante immeubles, la construction de soixante-six logements, et le relogement des habitants, mais également la réalisation de travaux participant au renouvellement urbain du secteur, par la requalification des voies et réseaux, l'amélioration de la desserte ou l'aménagement d'espaces publics, en lien avec les constructions projetées et l'école publique existante. Les caractéristiques de l'opération ainsi projetée, qui sont les seules à devoir être prises en compte par le préfet puis par le juge pour apprécier son utilité publique, indépendamment des travaux effectivement réalisés sur fondement de la déclaration d'utilité publique, permettent de qualifier ce projet d'opération d'aménagement. La circonstance que celle-ci poursuive également, mais de manière non déterminante, une finalité de résorption de l'habitat insalubre et dégradé, n'est pas de nature à lui ôter le caractère d'opération d'aménagement. Il en va de même des circonstances, d'une part, que, dans une délibération du 10 octobre 2014, d'ailleurs abrogée par délibération du 13 avril 2015, le conseil municipal a fait relever l'opération en litige de la résorption de l'habitat insalubre, d'autre part que, sur son site internet, la SOLEAM persiste à retenir cette dernière qualification et enfin que, dans une délibération, la commission permanente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône en ait fait de même le 25 mars 2016.

6. En deuxième lieu, d'une part, l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit que le titulaire d'une concession d'aménagement conclue en application de ces dispositions, assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution et peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption.

7. Il résulte des pièces du dossier que, en application d'une délibération du conseil municipal de la commune de Marseille du 2 octobre 2006, celle-ci a conclu avec la société Marseille Aménagement une concession d'aménagement, ayant pour objet la réalisation de l'opération dite " de résorption de l'habitat insalubre " Saint-Mauront-Gaillard, et reprise à son compte, par fusion-absorption le 28 novembre 2014, par la société publique locale SOLEAM suivant un avenant n° 8 à la concession, signé le 12 mars 2014. Cette concession d'aménagement, dont la régularité des renouvellements successifs n'est pas utilement discutée par l'appelant et qui a été prolongée, par avenant du 7 juillet 2015, jusqu'au 30 octobre 2020, ne porte pas, compte tenu de ses stipulations dont le contenu n'a pas varié sur ce point depuis sa conclusion et contrairement aux affirmations de M. C..., uniquement sur la résorption de l'habitat insalubre dans le quartier Saint-Mauront-Gaillard, mais aussi sur la construction de quelque centre-trente logements sociaux locatifs neufs sur le site, après relogement des habitants et démolition des immeubles existants, ainsi que sur la requalification des voiries et espaces publics destinés au renouvellement urbain du secteur, en lien avec les constructions projetées. L'article 7.2 de la convention habilite la société concessionnaire à faire l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de cette opération en mettant en œuvre, le cas échéant, une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, après accord de la commune. En outre, en adoptant la délibération du 13 avril 2015 par laquelle son conseil municipal a autorisé son maire à demander au préfet des Bouches-du-Rhône l'ouverture d'une enquête publique relative à l'opération dont la SOLEAM est concessionnaire, la commune de Marseille doit être regardée comme ayant donné son accord à l'engagement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique au bénéfice de cette société, conformément aux stipulations de la concession d'aménagement.

8. Il suit de là que la SOLEAM, qui n'agissait pas pour d'autres fins que celles définies par la convention d'aménagement par laquelle la commune de Marseille lui avait délégué ses pouvoirs, pouvait non seulement être légalement bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique en litige, mais encore, ainsi que l'a fait son directeur général par lettre adressée au préfet des Bouches-du-Rhône le 24 juin 2016, sur le fondement de la délibération précitée du 13 avril 2015, solliciter l'engagement d'une procédure de déclaration d'utilité publique pour l'acquisition des terrains nécessaires à la mise en œuvre de cette convention.

9. D'autre part, les actes, déclaration d'utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une opération d'aménagement, ne sont pas des actes pris pour l'application de la délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société la mise en œuvre de cette opération, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale. Il s'ensuit que M. C... ne peut utilement critiquer la légalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Marseille du 2 octobre 2006 décidant de la conclusion de la convention d'aménagement qui la lie à la SOLEAM à la date de la déclaration d'utilité publique contestée.

10. Certes, en troisième lieu, par la délibération du 13 avril 2015, le conseil municipal de la commune de Marseille a considéré que l'opération Saint-Mauront-Gaillard ne relevait pas tant de la résorption de l'habitat insalubre, compte tenu du faible nombre d'immeubles, compris dans son périmètre, présentant un caractère insalubre, que de l'aménagement, et a en conséquence renoncé à demander à la communauté urbaine Marseille-Provence-Méditerranée de solliciter l'engagement d'une procédure de déclaration d'utilité publique portant sur cette opération, et autorisé son maire à présenter lui-même et au nom de la commune cette demande. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que par délibération du 20 novembre 2015, le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille-Provence-Méditerranée a approuvé le transfert par la commune de Marseille de l'opération d'aménagement " Saint-Mauront-Gaillard ", portée par la SOLEAM, et que par avenant du 28 avril 2016, la communauté urbaine, devenue métropole depuis le 1er janvier 2016, s'est substituée à la commune de Marseille pour l'exécution de la concession d'aménagement. Mais dans la mesure où ni ce transfert, ni cet avenant n'ont eu pour objet ou pour effet de rendre caducs les actes du précédent concédant et du concessionnaire accomplis pour la mise en œuvre de l'opération d'aménagement en litige, la compétence en matière d'aménagement de la communauté urbaine, devenue métropole, découlant des dispositions du c) du 3° de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, n'impliquait ni qu'elle sollicite elle-même l'engagement de la procédure de déclaration d'utilité publique, ni qu'elle donne à nouveau un accord à la demande d'engagement d'une procédure d'expropriation présentée par la SOLEAM en application de la concession d'aménagement. Ainsi M. C... n'est pas fondé à prétendre que seule la communauté urbaine, devenue métropole, était compétente pour solliciter l'engagement de la procédure de déclaration d'utilité publique relative au projet en litige.

11. En quatrième lieu, l'insuffisance ou l'imprécision de l'arrêté du 11 juillet 2017, liée selon l'appelant, à l'absence de mention de l'ensemble des délibérations démontrant la qualité de la SOLEAM pour bénéficier de l'expropriation, est sans incidence sur sa régularité.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de

la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département

où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ;

4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses". L'article R. 112-5 du même code dispose pour sa part que : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi, l'expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser.".

13. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, en présentant l'opération " Saint-Mauront-Gaillard " comme une opération d'aménagement, le dossier soumis à l'enquête publique n'est entaché d'aucune erreur ou imprécision, et n'a pas entretenu la confusion sur la nature réelle de l'opération, de nature à nuire à l'information du public, contrairement à ce que soutient le requérant, malgré la présence au dossier de la délibération du conseil municipal du

10 octobre 2014, abrogée par celle du 13 avril 2015 et retenant la qualification de résorption de l'habitat insalubre. Le dossier d'enquête publique ne différait donc pas non plus de cette délibération du 13 avril 2015 valant accord donné à la demande de la SOLEAM tendant à l'ouverture de l'enquête publique.

14. D'autre part, aucune des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité, notamment celles des articles R. 112-4 et R. 112-5 de ce code, citées au point 12, et relatives à la composition du dossier d'enquête publique, n'impose que figure à ce dossier, lorsque l'opération d'aménagement qui en est l'objet a donné lieu à la conclusion d'une convention d'aménagement, le cahier des charges de cette concession et les pièces qui s'y rapportent. Par ailleurs, alors qu'aucune de ces dispositions n'exige que, lorsque le projet soumis à déclaration d'utilité publique prévoit l'aménagement d'espaces verts, le dossier d'enquête, notamment la notice explicative, précise le caractère public ou privé de ces espaces, il ressort clairement de la notice relative au projet en litige, plus spécialement de sa page 67, qu'y a été inséré un plan des travaux faisant distinctement apparaître, à rebours des affirmations du requérant, l'impasse Guichard comme devant être aménagée en espaces verts privés. Si, pour tenir compte de la fermeture de cette voie à la circulation publique, la notice explicative envisage deux alternatives, la rue Gaillard, à forte déclivité, et un escalier existant mais par nature inadapté à la circulation des personnes à mobilité réduite, ce même document précise que l'opération en litige implique également l'aménagement de deux trottoirs sur cette rue et des travaux de modification de leur dévers, ramené à 2%. Aucune des dispositions applicables au dossier d'enquête ne faisait obligation aux auteurs du projet de préciser le nombre exact des places de stationnement prévues comme intégrées aux constructions projetées, pour éviter le stationnement en surface.

15. Enfin, il ressort clairement de l'ensemble des mentions de la notice explicative que l'opération en cause porte sur la réalisation de soixante-six logements, pour près de 5 000 m2 de surface de plancher, comprenant quarante-deux logements sociaux dont trente-huit logements sociaux locatifs. C'est donc sans imprécision de nature à nuire à l'information du public que le dossier soumis à enquête publique a présenté le projet de construction de logements, malgré l'indication, plus approximative que les précédentes mentions, dans la présentation non technique du projet, d'une quarantaine de logements ainsi que d'une vingtaine au sud-est de la rue Gaillard.

S'agissant de la légalité interne de la déclaration d'utilité publique :

16. En premier lieu, la circonstance que les appartements de M. C... ne répondent pas à la qualification d'habitat insalubre est sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique qui ne se fonde pas sur l'insalubrité de ces logements.

17. En deuxième lieu, il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Il appartient au juge administratif, lorsque la nécessité de l'expropriation est contestée devant lui, d'apprécier si l'expropriant ou, le cas échéant, le bénéficiaire de l'expropriation disposait effectivement de terrains qui, eu égard, d'une part, à leurs caractéristiques, et notamment à leur situation, leur superficie et leur configuration et, d'autre part, à la nature de l'opération projetée, auraient permis de réaliser le projet dans des conditions équivalentes, sans recourir à l'expropriation.

18. L'opération en litige, qui vise à la fois la démolition-reconstruction de logements, dont une majorité de logements sociaux locatifs, et la requalification du quartier de

Saint-Mauront-Gaillard, et qui emporte également augmentation de la superficie des espaces verts publics et privés et aménagement de places publiques, revêt un caractère d'intérêt général, malgré l'insertion de celui-ci dans un secteur de la commune de Marseille caractérisé par une importante concentration de logements de cette nature, et la durée des procédures menées par la commune depuis 1995 pour permettre la maîtrise foncière des parcelles ainsi concernées. S'il ressort de la notice explicative du projet que, ainsi qu'il a été dit au point 14, celui-ci doit se traduire par la fermeture à la circulation publique de la rue Guichard et sa transformation en espace vert privé, ce même document, qui n'est pas utilement contredit par les affirmations de l'appelant tirées de constatations postérieures à l'arrêté dont il excipe de l'illégalité, montre que la rue Gaillard, destinée à l'élargissement et au réaménagement dans le cadre de l'opération litigieuse, permettra la circulation piétonnière, dont celle des personnes à mobilité réduite. La seule circonstance que l'une des deux places publiques projetées consisterait en réalité en un simple déplacement d'une place existante, n'est pas de nature à altérer la finalité d'intérêt général poursuivi par l'opération. Contrairement à ce que soutient l'appelant, qui ne remet pas sérieusement en cause l'amélioration de la desserte et le désenclavement auxquels contribue le projet en litige, les seules écritures présentées par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal ne peuvent suffire à démontrer qu'il se serait mépris sur les caractéristiques essentielles de l'opération et partant sur son caractère d'intérêt général. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il ne ressort enfin d'aucune des pièces du dossier que cette opération n'aurait, en réalité, pour d'autre finalité, que de satisfaire l'intérêt privé de la SOLEAM.

19. En se bornant à évoquer des terrains dont la commune de Marseille serait propriétaire ailleurs que dans le 3ème arrondissement, et à en souligner le nombre important,

M. C... n'établit ni même n'allègue que celle-ci disposait effectivement de terrains qui, eu égard, d'une part, à leurs caractéristiques, et notamment à leur situation, leur superficie et leur configuration et, d'autre part, à la nature de l'opération projetée, auraient permis de réaliser le projet dans des conditions équivalentes, sans recourir à l'expropriation. L'intéressé ne remet pas davantage utilement en cause la nécessité de l'expropriation en se prévalant de ses propres projets de rénovation de ses appartements.

20. Ni le coût estimatif de l'opération, ni les inconvénients de celle-ci pour la propriété privée ou pour la mixité sociale du quartier concerné, ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique, alors qu'elle n'emporte pas diminution des surfaces d'espaces verts ou altération des conditions de circulation piétonnière et des personnes à mobilité réduite.

21. En troisième lieu, compte tenu des travaux d'amélioration de la déclivité de la rue Gaillard prévus dans le cadre de l'opération en litige, l'appelant n'est pas fondé, en tout état de cause, à soutenir que l'arrêté du 11 juillet 2017 aurait été pris en méconnaissance de l'article 1er du décret du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics qui impose que l'aménagement, en agglomération, des espaces publics et de l'ensemble de la voirie ouverte à la circulation publique et, hors agglomération, des zones de stationnement, des emplacements d'arrêt des véhicules de transport en commun et des postes d'appel d'urgence, soit réalisé de manière à permettre l'accessibilité de ces voiries et espaces publics aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible.

22. En quatrième lieu, eu égard à la nature et à l'objet d'une déclaration d'utilité publique, sa légalité ne peut être utilement discutée sur le fondement des dispositions de l'article L. 228-2 du code de l'environnement qui impose la mise au point d'itinéraires cyclables pourvus d'aménagement, notamment sous la forme de marquage au sol, à l'occasion de la réalisation ou de l'aménagement de voies urbaines. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir que la rue Gaillard, telle que devant être aménagée dans le cadre de l'opération en litige, ne comporte aucun itinéraire cyclable.

23. En cinquième lieu, le moyen tiré par M. C..., qui ne soutient pas que l'arrêté de cessibilité dont il demande l'annulation serait intervenu pour des travaux substantiellement différents de ceux ayant été déclarés d'utilité publique, de ce que les travaux effectivement réalisés postérieurement à l'ensemble de ces actes ne respecteraient pas les éléments du dossier de déclaration, est inopérant. Il en va de même de la circonstance, avancée par le requérant tant en première instance qu'en appel, qu'à la faveur de l'opération en cause, l'aménageur aurait entendu corriger ou améliorer certains aspects des premières tranches de l'opération d'ensemble, dont le carrefour situé entre la rue de l'Amidonnerie et la rue Auphan.

24. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit, l'opération que le préfet des Bouches-du-Rhône a déclarée d'utilité publique par son arrêté litigieux, pris sur le fondement des dispositions de droit commun du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, vise, non pas à résorber l'insalubrité des immeubles de M. C..., mais à construire sur les parcelles constitutives du périmètre de l'opération de nouveaux logements, à y aménager des places et une rue.

Eu égard aux finalités d'urbanisme diversifiées que poursuit ainsi le projet, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a en tout état de cause, ni entaché ses arrêtés d'un défaut de base légale, ni commis aucun détournement de procédure en empruntant les voies de droit commun, qui offraient au demeurant des garanties plus étendues aux propriétaires intéressés, au lieu de recourir à la procédure dérogatoire des articles 13 et 14 de la loi du 10 juillet 1970, devenus les articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, pour prononcer la déclaration d'utilité publique et la déclaration de cessibilité.

25. En dernier lieu, à le supposer soulevé, le détournement de pouvoir n'est pas établi.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 juillet 2017 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de l'opération dite " Saint-Mauront-Gaillard ", ni, par voie de conséquence, à demander l'annulation des arrêtés des 13 juillet 27 novembre 2017 portant déclaration de cessibilité.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SOLEAM tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807398 du tribunal administratif de Marseille en date du

31 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. C..., ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SOLEAM tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire métropolitaine et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

N° 20MA037522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03752
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale. - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL MNEMON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-08;20ma03752 ?
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