La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2022 | FRANCE | N°20MA02575

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20MA02575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle la ministre de la justice a implicitement rejeté sa

demande du 9 janvier 2018 tendant au paiement des indemnités journalières et au

remboursement des frais exposés à la suite de son accident de service du 15 février 2007 et de sa rechute du 7 mars 2016, en deuxième lieu d'enjoindre à la ministre de la justice de procéder au paiement des indemnités journalières qui lui sont dues,

au remboursement des soins restés à sa charge, à la prise en charge de ses semelles or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle la ministre de la justice a implicitement rejeté sa

demande du 9 janvier 2018 tendant au paiement des indemnités journalières et au

remboursement des frais exposés à la suite de son accident de service du 15 février 2007 et de sa rechute du 7 mars 2016, en deuxième lieu d'enjoindre à la ministre de la justice de procéder au paiement des indemnités journalières qui lui sont dues, au remboursement des soins restés à sa charge, à la prise en charge de ses semelles orthopédiques, au paiement des factures de transport laissées à sa charge, ainsi qu'à une nouvelle expertise permettant de constater l'aggravation consécutive à l'arthrodèse de l'articulation sous-talienne, en troisième lieu de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation de la perte de chances de conserver son appartement et une somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du dysfonctionnement des services du ministère de la justice dans le traitement de son dossier, assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 10 janvier 2018, date de réception par l'administration de sa demande préalable, en dernier lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1801317 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a, premièrement, annulé cette décision implicite de refus en tant qu'elle a rejeté sa demande de

paiement des indemnités journalières au titre de la période du 7 mars au 30 octobre 2016 et de

remboursement des dépenses de soins exposées pour un montant de 157,08 euros, deuxièmement

enjoint à la ministre de la justice de procéder au paiement des indemnités

journalières dues à M. A... au titre de la période du 7 mars au 30 octobre 2016 et de rembourser

les dépenses de soins exposées pour un montant de 157,08 euros, dans un délai de quinze jours à

compter de la notification du jugement, troisièmement condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2018, quatrièmement a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de

Me Bourrel, une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 et, enfin, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Bourrel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 juin 2020 en tant qu'il a rejeté ses demandes relatives à la prise en charge de ses semelles orthopédiques, à la prise en charge des frais de transport sanitaire, notamment ceux nécessités par le déplacement à l'expertise du 23 mars 2017, à une nouvelle expertise permettant de constater l'aggravation de sa

pathologie d'origine professionnelle, à la prise en charge de la rechute du 7 mars 2016 s'étendant au-delà du 30 octobre 2016, ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise ;

2°) d'enjoindre au ministre de procéder sans délai au paiement des indemnités journalières qui lui sont dues, y compris pour la période débutant au 30 octobre 2016, de prendre en charge le coût de ses semelles orthopédiques, ainsi que toutes les factures de transport qu'il a dû honorer et de procéder à une nouvelle expertise médicale afin de constater une éventuelle aggravation de son état de santé à la suite de l'arthrodèse de l'articulation sous-talienne évoquée dans le rapport médical du 10 octobre 2014, les sommes correspondantes devant être augmentées des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2018 et de leur capitalisation ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait du défaut d'affectation sur un poste aménagé, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2018 et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de Me Bourrel, ainsi que les entiers dépens correspondant aux frais de l'expertise ordonnée le 30 décembre 2013 par le tribunal administratif de Toulon, pour un montant de 700 euros.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir soulevé d'office, sans en informer préalablement les parties, le moyen tiré de ce que le requérant n'a pas demandé l'aménagement de son poste, alors que l'intéressé a effectivement présenté une telle demande et en a justifié auprès du tribunal, et partant, pour défaut de motivation et inexactitude matérielle ;

- le jugement contesté est encore irrégulier faute d'avoir statué sur ses conclusions relatives aux dépens ;

- les premiers juges ont commis une erreur matérielle en s'abstenant d'instruire sa demande de prise en charge des conséquences de sa rechute au-delà du 30 octobre 2016, tout en rejetant sa demande tendant au versement des indemnités journalières après cette date ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui n'a pas suffisamment instruit l'affaire, des frais de transport, imputables au service au titre de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, ont été exposés le 23 mars 2017 et devaient être pris en charge par son employeur, conformément à son engagement formalisé par attestation ;

- l'administration a fait preuve d'une inertie fautive dans l'aménagement de son poste, pendant sept années, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui a sur ce point commis une erreur d'appréciation ;

- l'aménagement de son poste, qui constitue une obligation légale pour l'employeur public, découlant de l'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ainsi que du code du travail, n'est pas conditionné à la présentation d'une demande de l'agent et en jugeant le contraire, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- le coût de ses semelles orthopédiques doit être pris en charge par son ancien employeur, conformément à ses engagements du 10 février 2017.

Par ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au

7 octobre 2022, à 12 heures.

Le garde des sceaux, ministre de la justice a produit un mémoire le 11 octobre 2022, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 18 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., surveillant pénitentiaire, en poste au centre pénitentiaire de

Toulon - La Farlède avant sa révocation par arrêté du 10 novembre 2014, a été victime d'un accident de trajet reconnu imputable au service le 15 février 2007, ainsi que d'une rechute consécutive à cet accident, le 7 mars 2016, dont l'imputabilité a été reconnue par décision du

10 février 2017, pour la période du 7 mars 2016 au 30 octobre 2016, dans l'attente d'une nouvelle expertise médicale. Par une lettre du 9 janvier 2018, reçue le 18 janvier, M. A... a demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'une part, de procéder sans délai au paiement des indemnités journalières qui lui sont dues au titre de ses arrêts de travail, au remboursement de ses soins, à la prise en charge de semelles orthopédiques et au paiement de ses différentes factures de transport, et d'autre part, de lui verser la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait des dysfonctionnements dans le traitement de son dossier. Par un jugement du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a, premièrement, annulé la décision implicite de rejet de la demande du 9 janvier 2018 de M. A..., en tant qu'elle a rejeté sa demande de paiement des indemnités journalières au titre de la période du 7 mars au 30 octobre 2016 et de remboursement des dépenses de soins exposées pour un montant de 157,08 euros, deuxièmement enjoint à la ministre de la justice de procéder au paiement des indemnités journalières dues à M. A... au titre de la période du 7 mars au

30 octobre 2016 et de rembourser les dépenses de soins exposées pour un montant de

157,08 euros, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et troisièmement, condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2018. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes relatives à la prise en charge de ses semelles orthopédiques, et des frais de transport sanitaire, notamment ceux nécessités par le déplacement à l'expertise du 23 mars 2017, à une nouvelle expertise permettant de constater l'aggravation de sa pathologie d'origine professionnelle, à la prise en charge de la rechute du

7 mars 2016 au-delà du 30 octobre 2016, ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 30 décembre 2013. Il réclame en outre la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi du fait de l'absence d'aménagement de son poste de travail.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il résulte d'une règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, que, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, il revient au juge d'épuiser son pouvoir juridictionnel, notamment en statuant sur la dévolution des dépens, au nombre desquels figurent les frais d'une expertise qu'il a ordonnée ou qui a été ordonnée par le juge des référés et qui s'avère utile à la résolution du litige au principal.

3. S'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a présenté devant le tribunal des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat, " le cas échéant, aux entiers dépens que la présente instance serait susceptible de générer ", de telles prétentions, qui ne précisaient pas les frais de procédure ainsi concernés, n'appelaient aucune réponse expresse de la part des premiers juges, dont l'instance n'a donné lieu à aucun dépens et dont le jugement ne se fonde sur aucun rapport d'expertise judiciaire. Par suite, en ne statuant pas expressément sur ces conclusions, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité de nature à justifier l'annulation de son jugement.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative :

" Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ". Le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique, n'est pas tenu de procéder à la communication prescrite par les dispositions réglementaires précitées lorsqu'il constate au vu des pièces du dossier qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie, alors même qu'il fonde ce constat sur des dispositions législatives ou réglementaires non invoquées en défense.

5. En relevant, au point 7 de son jugement, que " M. A... ne justifie pas avoir demandé et s'être vu refuser un aménagement de son poste de travail ", le tribunal, qui ce faisant n'a pas affirmé que l'intéressé n'avait pas présenté de demande d'aménagement de son poste, s'est borné à répondre, de façon suffisamment motivée, au moyen dont il était saisi pour apprécier la réalité de la faute alléguée et tiré de la méconnaissance, par son ancien employeur public, des préconisations médicales d'adaptation de son poste de travail. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure suivie devant le tribunal et l'exigence de motivation de son jugement n'auraient pas été respectés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

S'agissant de l'état du droit applicable :

6. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

7. Ces dispositions, qui s'inspirent du principe selon lequel l'administration doit garantir ses agents contre les dommages qu'ils peuvent subir dans l'accomplissement de leur service, s'appliquent à l'agent qui n'est plus en activité, alors même que le premier alinéa du même article 34 mentionne les " fonctionnaires en activité ". Par suite, les agents radiés des cadres peuvent prétendre à la prise en charge des honoraires médicaux et frais directement exposés à la suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident reconnu imputable au service. L'administration employeur à la date de l'accident ou au cours de la période à laquelle se rattache la maladie professionnelle est ainsi tenue de prendre en charge les honoraires et les frais exposés à ce titre postérieurement à la rupture du lien avec le service.

S'agissant des moyens d'appel :

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été victime d'un accident de trajet à la cheville gauche considéré comme un accident de service le 15 février 2007, ainsi que d'une rechute le 7 mars 2016 consécutive à cet accident, elle aussi reconnue comme imputable au service, par décision du directeur interrégional du 10 février 2017. Si, par cette dernière décision, le directeur interrégional indiquait que les arrêts de travail de M. A... du 7 mars au

30 octobre 2016 seraient pris en charge, ainsi que les frais médicaux, pharmaceutiques et frais divers, cette autorité précisait, par lettre du même jour, que s'agissant des arrêts de maladie se rapportant à la période postérieure au 1er novembre 2016, il était demandé une nouvelle expertise, et l'invitait à se rendre à cet effet auprès d'un chirurgien orthopédiste, le 23 mars 2017. Ce même courrier ajoutait qu'il était décidé de prendre en charge les semelles orthopédiques prescrites par un médecin en janvier 2017, à moins que les arrêts de maladie postérieurs au 1er novembre 2016 ne soient pas considérés comme imputables au service. Or, par une décision du 12 mars 2020, prise au vu des rapports médicaux des 23 mars 2017, 28 juin 2018 et 2 février 2020, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a déclaré imputables au service les arrêts de travail de M. A... survenus pour les périodes du 30 octobre 2016 au 30 janvier 2019 et du

22 novembre 2019 au 20 mars 2020, ainsi que la prise en charge des frais médicaux, pharmaceutiques et soins divers.

9. Par conséquent et d'une part, compte tenu de l'effet rétroactif attaché à cette décision du 12 mars 2020, et à son caractère créateur de droits, M. A... pouvait légalement prétendre, à la date de la décision en litige qui refuse de faire droit à sa demande qui tendait, notamment, au versement par son ancien employeur des sommes correspondant aux indemnités journalières dues en application du code de la sécurité sociale du fait de ses arrêts de travail, non seulement au paiement de ces sommes pour la période du 7 mars au 30 octobre 2016, mais également à leur versement pour la période du 1er novembre 2016 au 18 mars 2018, date de naissance de la décision tacite de rejet de sa demande. M. A... est donc fondé à demander l'annulation de cette décision en tant qu'elle lui refuse cette prise en charge, seulement pour la période du 1er novembre 2016 au 18 mars 2018.

10. D'autre part, si par sa lettre du 10 février 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires a décidé de prendre en charge le coût de confection de semelles orthopédiques prescrites à M. A... en janvier 2017, sous réserve de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 1er novembre 2016, sa décision du 12 mars 2020 a eu pour effet de lever rétroactivement cette réserve. Il s'ensuit que la décision litigieuse, qui refuse cette prise en charge, laquelle ne se limite pas à un remboursement conditionné à la présentation par l'agent de justificatifs de débours, compte tenu des termes de la lettre du 10 février 2017, doit être annulée dans cette mesure.

11. Enfin, s'il résulte de la décision d'imputabilité du 12 mars 2020 que les frais de transports en véhicule sanitaire léger, en lien avec les arrêts de travail du 30 octobre 2016 au

30 janvier 2019, dont les frais exposés par M. A... pour se rendre à l'expertise médicale du

23 mars 2017, doivent être remboursés, il ressort des termes mêmes du certificat de prise en charge, versé au dossier d'instance par l'intéressé, que le remboursement de ces frais interviendrait sur justificatifs de leur engagement. Si M. A... ne livre aucune pièce justifiant des frais exposés pour son transport en véhicule sanitaire léger le 23 mars 2017, il résulte des termes mêmes de la lettre de l'administration pénitentiaire du 3 mai 2017 que le requérant a effectivement engagé des frais de transports, et en a justifié auprès de cette administration,

le 30 novembre 2016 pour un montant de 46,54 euros, le 4 janvier 2017 pour un montant de 46,54 euros, le 8 février 2017 pour un montant de 46,54 euros, et le 18 avril 2017 pour un montant de 362, 60 euros. M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision en litige, le directeur interrégional des services pénitentiaires a refusé de lui rembourser ces sommes.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision tacite de rejet de sa demande du

9 janvier 2018 dans la mesure précisée aux points 9 à 11, ainsi que celle du jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette annulation.

S'agissant de l'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

14. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de ses motifs énoncés aux points 9 à 11, que l'administration pénitentiaire procède, d'une part, au versement des sommes correspondant aux indemnités journalières dues à M. A... en application du code de la sécurité sociale pour la période du 1er novembre 2016 au 18 mars 2018, d'autre part, à la prise en charge du coût de semelles orthopédiques qui ont été prescrites à l'intéressé en janvier 2017 et au remboursement des frais de transport en véhicule sanitaire léger mentionnés au point 11. Les sommes correspondantes, à l'exception de celle relative au coût des semelles orthopédiques, qui n'a pas donné lieu à débours de l'appelant, produiront intérêts, non pas à partir du

10 janvier 2018 comme le soutient celui-ci, mais à compter du 18 janvier 2018, date de réception de sa demande par les services de la ministre de la justice, telle que mentionnée sur l'accusé de réception de son pli. Ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts un an après la date à laquelle les sommes dues ont commencé à produire intérêts, soit à compter du 18 janvier 2019, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Il y a donc lieu d'adresser une injonction en ce sens au garde des sceaux, ministre de la justice, et d'assortir cette injonction d'un délai d'exécution de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

15. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes ". Aux termes de l'article 1er du décret du

30 novembre 1984 pris pour l'application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ".

16. Lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps.

17. Certes, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise judiciaire du 10 octobre 2014, qu'à cette date, les postes en station débout étaient incompatibles avec l'état de santé de M. A..., à la différence d'un poste de bureau en position assise, sans contact direct avec les détenus. Mais il ne résulte d'aucun des éléments de l'instruction, pas même de l'attestation d'un représentant syndical relative à la période d'affectation de M. A... au centre pénitentiaire de Grasse au cours de laquelle les demandes de l'intéressé tendant à l'aménagement de son poste de travail seraient restées sans suite, que celui-ci ait été déclaré inapte même temporairement à l'exercice de ses fonctions, au cours de cette affectation, ainsi que le prévoient les dispositions citées au point 15, et au demeurant que les nécessités du service aient alors rendu possible un aménagement de ses conditions de travail. Dans ces conditions et par le moyen qu'il invoque, M. A..., dont la révocation a été prononcée par arrêté du

10 novembre 2014, n'est pas fondé à soutenir que son administration aurait méconnu les prescriptions de la médecine du travail impliquant son affectation pour raisons de santé sur un poste aménagé et ainsi commis une faute à l'origine d'un préjudice moral.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

19. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que

Me Bourrel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à ce conseil de la somme de 2 000 euros.

20. En outre, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent (...) les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. /L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon le 30 décembre 2013 a été utile à la résolution du litige indemnitaire porté devant la Cour. Dès lors, M. A... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale et aucune circonstance particulière de l'affaire ne justifiant qu'il supporte les frais de cette expertise, il y a lieu de laisser ces frais, taxés et liquidés à la somme de 700 euros, à la charge de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La décision par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de M. A... présentée le 9 janvier 2018 et reçue le 18 janvier 2018 est annulée en tant qu'elle refuse, d'une part, de lui verser les sommes correspondant aux indemnités journalières dues au titre des arrêts de travail survenus entre le 1er novembre 2016 et le 18 mars 2018, d'autre part de prendre en charge le coût des semelles orthopédiques prescrites en janvier 2017 et enfin de lui rembourser les frais exposés pour le transport en véhicule sanitaire léger des

30 novembre 2016, 4 janvier, 8 février et 18 avril 2017.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de verser à M. A... les sommes correspondant aux indemnités journalières dues au titre des arrêts de travail survenus entre le 1er novembre 2016 et le 18 mars 2018, de prendre en charge le coût des semelles orthopédiques prescrites à l'intéressé en janvier 2017 et de lui rembourser les frais exposés pour le transport en véhicule sanitaire léger des 30 novembre 2016, 4 janvier, 8 février et

18 avril 2017, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Les sommes correspondant aux indemnités journalières et aux remboursements de frais de transport produiront intérêts à compter du 18 janvier 2018 et ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts à compter du 18 janvier 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement n° 1801317 du tribunal administratif de Toulon en date du 22 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux précédents articles.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bourrel la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon le 30 décembre 2013 sont mis à la charge de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Bourrel.

Copie en sera adressée au docteur B..., expert.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

N° 20MA025752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02575
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BOURREL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-08;20ma02575 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award