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04/11/2022 | FRANCE | N°20MA01486

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 novembre 2022, 20MA01486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de le décharger de l'obligation de payer la somme de 5 115,83 euros réclamée par la commune de Sanary-sur-Mer, correspondant à la redevance " contrat pêcheur retraité " et à la contribution aux nouvelles taxations pour l'année 2019.

Par une ordonnance n° 1903521 du 27 janvier 2020, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enreg

istrée le 30 mars 2020, sous le n° 20MA01486, M. B..., représenté par Me Semeriva, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de le décharger de l'obligation de payer la somme de 5 115,83 euros réclamée par la commune de Sanary-sur-Mer, correspondant à la redevance " contrat pêcheur retraité " et à la contribution aux nouvelles taxations pour l'année 2019.

Par une ordonnance n° 1903521 du 27 janvier 2020, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2020, sous le n° 20MA01486, M. B..., représenté par Me Semeriva, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon du 27 janvier 2020 ;

2°) de le décharger de l'obligation de payer la somme de 5 115,83 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros, à verser à Me Semeriva laquelle s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le premier juge a, à tort, fait application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- il doit être exonéré de la redevance en litige ;

- le tarif de cette redevance méconnaît le principe d'égalité entre les usagers du service public.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par Me Marchesini, conclut au rejet de la requête de M. B... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est tardive ;

- les conclusions à fin d'annulation des décisions relatives à l'exécution du contrat d'occupation du domaine public ainsi qu'aux redevances y afférentes sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchesini, représentant la commune de Sanary-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., marin-pêcheur à la retraite est propriétaire d'un navire armé à la pêche dénommé le Mistigri II et bénéficie d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public portuaire de la commune de Sanary-sur-Mer pour la mise à disposition d'un poste à quai pour la période du 1er janvier 2919 au 31 décembre 2019. La commune lui a notifié, le 15 août 2019, une facture concernant le paiement de la redevance relative au " contrat pêcheur retraité " et à la contribution aux nouvelles taxations pour l'année 2019 d'un montant de 5 115,83 euros. M. B... relève appel de l'ordonnance du 27 janvier 2020 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 5 115,83 euros.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...)".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de la justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat. (...) ". L'article R. 431-3 du même code dispose que : " Toutefois, les dispositions du premier alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables : (...) / 5° Aux litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public en relevant ou un établissement public de santé ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que devant le tribunal administratif de Toulon, M. B... s'est borné à soutenir qu'il était dans l'incapacité de payer la somme réclamée par la commune de Sanary-sur-Mer car sa retraite est l'équivalent du montant qu'on lui demande, qu'il est retraité actif et a son dossier des affaires maritimes, qu'il est embarqué 6 mois par an, pécheur depuis 1986 à ce jour. Toutefois, ce moyen ne pouvait être utilement invoqué à l'encontre de la décision contestée ainsi que l'a jugé à bon droit la première juge. La circonstance que le requérant soit originaire du Monténégro et n'était pas en mesure de motiver correctement en droit sa requête est sans incidence. Par ailleurs, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon n'avait aucune obligation d'inviter M. B... à présenter sa requête par l'intermédiaire d'un avocat dès lors qu'elle concerne un litige dans lequel le défenseur est une collectivité territoriale et en était dispensée en application du 5ème de l'article R. 431-3 du code de justice administrative. Dans ces conditions, elle n'a pas entaché son ordonnance d'irrégularité en rejetant la demande sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative.

Sur la demande de décharge du paiement de la somme de 5 115,83 euros :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". L'article L. 2125-1 du code précité prévoit que : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance. (...) ". Selon l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ".

6. D'autre part, la délibération n° 2018-285 du 19 décembre 2018 du conseil municipal de la commune de Sanary-sur-Mer qui a fixé les droits et tarifs du port principal et du port de la Goguette pour l'année 2019 prévoit que " les pêcheurs professionnels en activité, les pêcheurs sportifs ou de loisir sont exonérés de droits de port ". L'arrêté municipal du 8 octobre 2019 portant autorisation d'occupation du domaine public portuaire vise expressément le règlement de police des ports approuvé par arrêté n° 2018-1366 du 11 juillet 2018 du maire de Sanary-sur-Mer. L'article 26 de ce dernier arrêté, intitulé " règles applicables aux pêcheurs professionnels en activité ayant une autorisation d'occupation temporaire (AOT) sur le domaine portuaire de Sanary-sur-Mer ", dispose que : " Cette catégorie de pêcheur est exonérée des droits de port pour deux navires au maximum sous réserve que les deux navires bénéficient d'un P.M.E. (Permis de Mise en Exploitation) et que l'un d'entre eux mesure moins de 8 mètres hors tout. L'exonération des droits de port est conditionnée à l'exercice effectif de l'activité de pêche. En cas de non exercice de l'activité pendant plus de 4 mois consécutifs pour le cas général des navires de pêche exonérés (...) constatée par la Capitainerie, ce dernier sera soumis au tarif passager en vigueur (...) ". Aux termes de l'article 28 de ce règlement relatif aux " pêcheurs sportifs ou de loisir du thon rouge ayant une autorisation d'occupation temporaire (AOT) sur le domaine public portuaire de Sanary-sur-Mer, assimilés aux pêcheurs professionnels en activité " : " Cette catégorie de pêcheur est exonérée des droits de port pour un seul navire. (...) ".

7. En premier lieu, M. B... soutient qu'il a la qualité de patron-pêcheur professionnel, qu'il dispose pour son navire d'un " Permis de Mise en Exploitation " et que ses relevés de navigation attestent qu'il continue à embarquer. Toutefois, d'une part, par les dispositions réglementaires mentionnées au point 6, la commune Sanary-sur-Mer a entendu réserver le bénéfice de l'exonération de droits de port aux pécheurs professionnels en activité en excluant les pêcheurs professionnels percevant une pension de retraite, même si certains d'entre eux continuent à effectuer des sorties en mer pour exercer l'activité de pêche. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du relevé établi par l'Établissement national des invalides de la marine du 12 mars 2019 produit par le requérant en première instance, que ce dernier bénéficie d'une pension de retraite versée par le régime d'assurance vieillesse des marins. Par suite, M. B... ne relevant pas de la catégorie des pêcheurs professionnels en activité, il ne peut être exonéré du paiement de la redevance relative au " contrat pêcheur retraité " et de la contribution aux nouvelles taxations mises à sa charge.

8. En deuxième lieu, M. B... soutient qu'il bénéficie d'une autorisation de pêche de loisir pour le thon rouge en Atlantique Est et Méditerranée, et qu'il devrait pour ce motif être exonéré de la redevance et de la contribution en litige. Toutefois, s'il résulte de la grille tarifaire annexée à la délibération précitée du 19 décembre 2018, et du règlement de police des ports approuvé par arrêté n° 2018-1366 du 11 juillet 2018 du maire de Sanary-sur-Mer que les professionnels conduisant des clients en mer pour exercer une activité de pêche sportive ou de loisir doivent disposer des autorisations administratives nécessaires, l'autorisation de pêche de loisir pour le thon rouge en Atlantique Est et Méditerranée dont se prévaut M. B... porte sur la période du 5 juillet 2018 au 14 octobre 2018 et du 1er avril 2018 au 31 décembre 2018 alors que la période concernée par la redevance et la contribution contestées est celle du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. Ainsi, il ne peut en être exonéré.

9. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. En réservant l'exonération en cause aux patrons-pêcheurs professionnels non retraités, à l'exclusion des professionnels retraités, le conseil municipal de la commune de Sanary-sur-Mer, qui a tenu compte tenu du faible nombre d'emplacements réservés aux personnes souhaitant bénéficier d'une autorisation d'occupation du domaine public portuaire pour développer de telles activités professionnelles, a appliqué des règles différentes à des usagers se trouvant dans des situations différentes, ce qui ne créé aucune rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Cette différence de traitement, qui contribue au maintien d'une activité économique de pécheurs professionnels en activité au sein du port, qui est en rapport direct avec l'objet de la norme, n'est pas manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation et est justifiée par une raison d'intérêt général. Pour les mêmes motifs, cette différence de tarification ne peut être regardée comme discriminante à l'égard des usagers retraités au regard des autres catégories d'usagers qui seraient en activité et exonérés de la redevance et de la contribution en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Sanary-sur-Mer que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon, a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 5 115,83 euros mise à sa charge par la commune de Sanary-sur-Mer.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Sanary-sur-Mer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sanary-sur-Mer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Sophie Semeriva et à la commune de Sanary-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2022.

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N° 20MA01486

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01486
Date de la décision : 04/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-04;20ma01486 ?
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