Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Unicredit Leasing SPA a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1803150 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement de 213 euros prononcé en cours d'instance, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 juillet 2020, le 15 février 2021 et le 16 mars 2021, la société Unicredit Leasing SPA, représentée par Me Cassan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er avril 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle avait commis un acte anormal de gestion en d'abstenant d'employer tous les moyens dont elle disposait afin de faire libérer la propriété occupée par la société A... SRL ou d'être indemnisée ;
- à titre subsidiaire, le montant total des rectifications est supérieur à la somme qu'elle était en droit de réclamer à la société A... SRL au titre de l'inexécution du contrat de crédit-bail relatif à la propriété ;
- c'est à tort que la déduction des dotations aux amortissements lui a été refusée ;
- elle n'était pas tenue de comptabiliser une créance au titre de la condamnation de la société A... SRL à lui verser la somme de 56 604 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2020, le 26 février 2021 et le 22 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Unicredit Leasing SPA ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Mispelon, substituant Me Cassan, représentant la société Unicredit Leasing SPA.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit italien Unicredit Leasing SPA a fait l'acquisition, en 2006, d'une propriété située à Eygalières (Bouches-du-Rhône), qu'elle a donnée en crédit-bail à la société A... SRL, également établie en Italie. Ce contrat a été résilié unilatéralement par la société Unicredit Leasing SPA, en 2010, en raison de l'inexécution des obligations de la société A... SRL. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a assujetti la société Unicredit Leasing SPA à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices en cause à raison, notamment, du montant estimé des loyers qu'elle aurait dû percevoir au titre de l'occupation de la villa par la société A... SRL. La société Unicredit Leasing SPA a contesté ces impositions et les pénalités correspondantes devant le tribunal administratif de Marseille, qui par jugement du 1er avril 2020, a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société Unicredit Leasing SPA relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve.
3. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la société Unicredit Leasing SPA n'a pas déposé les déclarations de ses résultats des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 dans les trente jours de la réception d'une mise en demeure. Elle a ainsi régulièrement été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés. Il appartient par suite à la société Unicredit Leasing SPA, qui a la charge de prouver l'exagération des impositions qu'elle conteste, de démontrer que les faits invoqués par l'administration ne relevaient pas d'une gestion anormale.
4. Après avoir résilié le contrat de crédit-bail conclu avec la société A... SRL, la société Unicredit Leasing SPA a saisi le tribunal ordinaire de Milan, qui, par un jugement du 3 février 2011, a condamné la société A... SRL à libérer la propriété de la société Unicredit Leasing SPA et à lui verser une somme de 56 604,52 euros. Afin de rendre ce jugement exécutoire en France, la société Unicredit Leasing SPA a introduit une première requête devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, le 23 juillet 2013, puis deux requêtes successives, le 28 novembre 2014 et le 29 juillet 2015, à la suite de demandes complémentaires de la part du greffe, et sa demande a été rejetée par ordonnance en 2016, au motif qu'elle n'avait pas respecté le formalisme. Par ailleurs, il est constant que la propriété située à Eygalières était toujours occupée par la société A... SRL au cours des années 2013 à 2015, malgré la résiliation du contrat de crédit-bail. L'administration fiscale, estimant qu'en d'abstenant d'employer tous les moyens dont elle disposait afin d'être indemnisée ou de faire libérer la propriété, la société Unicredit Leasing SPA avait permis l'occupation gratuite de la villa par la société A... SRL, a réintégré à ses résultats des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 la valeur locative de la propriété, déterminée par l'application d'un taux de rendement à sa valeur vénale, évaluée par comparaison. La circonstance que la société Unicredit Leasing SPA a saisi le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence afin de faire exécuter la décision du tribunal de Milan plus de deux ans après qu'elle a été rendue, et n'a régularisé sa requête, après deux demandes du greffe, qu'après le début de la vérification de comptabilité, ne saurait être justifiée par une méconnaissance des règles de procédure française. Par suite, à supposer même que la société Unicredit Leasing SPA, qui a été notamment représentée lors de l'acquisition de la propriété par le dirigeant de la société A... SRL, n'ait pas de lien avec elle, et alors qu'elle ne se prévaut pas de l'existence d'une contrepartie à la mise à disposition de la propriété, il n'est pas démontré que les faits invoqués par l'administration ne relevaient pas d'une gestion anormale. Dans ces conditions, et en l'absence de contestation des modalités de détermination de la valeur locative de la propriété, la société Unicredit Leasing SPA n'est pas fondée à contester la réintégration dans ses résultats de cette valeur, correspondant aux recettes qu'elle a renoncé à percevoir au titre de chacun des trois exercices considérés.
5. En deuxième lieu, les modalités d'évaluation de la valeur locative de la propriété, dont la pertinence n'est pas contestée, sont indépendantes des stipulations du contrat de crédit-bail que la requérante avait conclu avec la société A... SRL. Par suite, la circonstance que le montant total des rectifications, fondé sur la valeur locative des locaux loués est supérieur à la somme que la société Unicredit Leasing SPA était en droit de réclamer à la société A... SRL au titre de l'inexécution du contrat de crédit-bail est sans incidence sur le bien-fondé des impositions.
6. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ". En vertu de ces dispositions, seuls peuvent être regardés comme réellement effectués au titre d'un exercice les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice.
7. La société requérante, qui n'a pas présenté sa comptabilité au vérificateur avant l'établissement, le 4 novembre 2016, d'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité, ne démontre pas que les amortissements mentionnés dans les déclarations déposées tardivement auraient été comptabilisés avant l'expiration du délai de déclaration par la seule production de procès-verbaux d'assemblée générale approuvant les comptes, dont deux sont d'ailleurs relatifs à une société tierce. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas pris en compte, pour la détermination des résultats imposables taxés d'office, les amortissements mentionnés dans les déclarations déposées tardivement.
8. En quatrième et dernier lieu, en vertu des articles 38 et 209 du code général des impôts, la créance acquise sur un tiers par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés doit être rattachée à l'exercice au cours duquel cette créance est devenue certaine dans son principe et dans son montant.
9. La SARL A... SRL, ainsi qu'il a été dit précédemment, a été condamnée par un jugement du tribunal ordinaire de Milan du 3 février 2011, à notamment verser à la société Unicredit Leasing SPA une somme de 56 604,52 euros. Cette créance sur la société A... SRL était donc certaine dans son principe et dans son montant et devait dès lors être rattachée à l'exercice clos en 2011. La société requérante ne saurait utilement faire valoir à cet égard que le jugement du tribunal ordinaire de Milan n'était pas exécutoire en France, dès lors que la société A... SRL était établie en Italie. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a regardé la somme de 56 604 euros comme une créance non comptabilisée et l'a réintégrée au résultat du premier exercice vérifié.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin de décharge en tant qu'elles portent sur des montants excédant les sommes demeurant à la charge de la société Unicredit Leasing SPA, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Unicredit Leasing SPA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Unicredit Leasing SPA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2022.
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N° 20MA02650