Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa remise aux autorités italiennes et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2101851 du 8 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juillet et 2 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Bakary, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 avril 2021 ou, subsidiairement, la seule décision portant interdiction de circulation ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- ce jugement est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation ;
- la décision de remise en litige est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;
- cette décision a été prise alors que les autorités italiennes n'avaient pas encore été saisies d'une demande de réadmission ;
- le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle et familiale ;
- la décision de remise est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il est entré régulièrement en France ;
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision de remise méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste au regard de ses conséquences sur sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il aurait dû bénéficier d'un délai pour se rendre par ses propres moyens en Italie ;
- il justifie de considérations humanitaires ;
- la décision d'interdiction de circulation est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Une mise en demeure a été adressée au préfet des Alpes-Maritimes le 28 septembre 2021 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1985, relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 avril 2021 portant remise aux autorités italiennes et interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans.
2. Aux termes du I de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ".
3. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-italien du 3 octobre 1997 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. / 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. / 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la Partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un Etat tiers ". L'annexe à cet accord prévoit que : " La personne faisant l'objet de la demande de réadmission n'est remise qu'après réception de l'acceptation de la Partie contractante requise ".
4. Pour pouvoir procéder à la remise aux autorités italiennes d'un ressortissant d'un Etat tiers en mettant en œuvre ces stipulations, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir au préalable l'acceptation de la demande de réadmission transmise aux autorités compétentes de ce pays. Une telle décision de remise ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la demande de réadmission par ces autorités.
5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient M. B..., que les autorités italiennes n'avaient pas encore été saisies d'une demande de réadmission le concernant à la date d'édiction de la décision de remise en litige. Dans ces conditions, en l'absence d'acceptation préalable d'une telle demande de réadmission, cette mesure d'éloignement est entachée d'illégalité et doit, pour ce motif, être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de ce jugement, celle de la décision de remise en litige ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision portant interdiction de circulation contenue dans l'arrêté contesté du 2 avril 2021.
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé ni qu'il édicte à nouveau une décision après une nouvelle instruction de la situation de M. B.... Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 8 avril 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 avril 2021 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ainsi qu'à Me Bakary.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
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N° 21MA02607
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