Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Mandelieu-la-Napoule, d'une part, à lui verser la somme de 5 750 000 euros, somme à actualiser en fonction de la date à laquelle un permis de construire définitif lui sera délivré, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'édiction de décisions d'urbanisme illégales et, d'autre part, à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de " dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire ".
Par un jugement n° 1701987 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, M. C..., représenté par Me Voisin-Moncho, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2020 ;
2°) de condamner la commune de Mandelieu-la-Napoule, d'une part, à lui verser la somme de 5 750 000 euros, somme à actualiser en fonction de la date à laquelle un permis de construire définitif lui sera délivré, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'édiction de décisions d'urbanisme illégales et, d'autre part, à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de " dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire ".
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire ayant pour mission d'évaluer le montant des préjudices définitifs qu'il a subis ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée ;
- la responsabilité pour faute de la commune doit être confirmée ;
- son préjudice financier présente un caractère direct et certain ;
- la résistance abusive de la commune lui a causé un préjudice qui sera réparé à hauteur de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021, la commune de Mandelieu-la-Napoule, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que M. C... ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de la parcelle concernée par le projet litigieux ;
- la créance litigieuse est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- l'inconstructibilité du terrain résulte du nouveau plan local d'urbanisme et non de l'illégalité fautive qu'elle a commise ;
- M. C... ne bénéficie d'aucun droit à construire ;
- le préjudice financier allégué présente un caractère éventuel ;
- le montant des préjudices allégués n'est pas justifié ;
- elle n'a opposé aucune résistance abusive et la demande de dommages et intérêts n'est aucunement justifiée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me Voisin-Moncho, représentant M. C..., et celles de Me Reyne, substituant Me Phelip, représentant la commune de Mandelieu-la-Napoule.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a déposé, le 16 septembre 2003, une demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la réalisation d'une opération consistant en l'édification de trois maisons individuelles sur une parcelle cadastrée section AA n° 194 située chemin de la Verrerie sur le territoire de la commune de Mandelieu-la-Napoule. Le 7 novembre 2003, le maire de Mandelieu-la-Napoule lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif. Le 7 juillet 2005, M. C... a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification de quatre maisons individuelles sur ce même terrain. Par un arrêté du 26 décembre 2005, le maire de Mandelieu-la-Napoule a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement du 19 juin 2008, le tribunal administratif de Nice a notamment rejeté les demandes de M. C... tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme négatif et de ce refus de permis de construire. Ce jugement a toutefois été annulé par un arrêt n° 08MA04105 de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 janvier 2011 annulant, au fond, ces deux décisions d'urbanisme négatives et enjoignant au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire. A la suite de la décision n° 348113 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 1er août 2012 confirmant cet arrêt, le maire de Mandelieu-la-Napoule a de nouveau refusé de délivrer le permis sollicité par M. C... par un arrêté du 3 décembre 2012. Ce dernier arrêté a été annulé, au fond, par un arrêt n° 16MA03645 du 8 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille, annulant partiellement le jugement n° 1300053 du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 et enjoignant au maire de Mandelieu-la-Napoule de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire déposée le 7 juillet 2005. Antérieurement à cet arrêt du 8 novembre 2018, M. C... a saisi le maire de Mandelieu-la-Napoule d'une demande indemnitaire préalable afin d'obtenir réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des illégalités fautives commises. Sa demande préalable ayant été expressément rejetée le 29 mars 2017, M. C... a recherché la responsabilité de la commune de Mandelieu-la-Napoule devant le tribunal administratif de Nice. Il relève appel du jugement du 18 mars 2020 rejetant sa demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. En premier lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal au point 6 du jugement attaqué, l'illégalité des décisions du maire de Mandelieu-la-Napoule des 7 novembre 2003, 26 décembre 2005 et 3 décembre 2012 constituent des fautes susceptibles d'engager la responsabilité de la commune de Mandelieu-la-Napoule.
3. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration.
4. D'une part, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
5. Si M. C... persiste à se prévaloir de la promesse de vente conclue le 20 janvier 2003 avec une société immobilière en vue de la vente de la parcelle mentionnée au point 1 pour un montant de 4 080 000 euros hors taxe, il résulte de l'instruction que cette société a informé l'intéressé, par une lettre du 11 février 2004, que cette promesse de vente était " résiliée de plein droit " en raison de la non réalisation, dans le délai convenu, de la condition suspensive tenant à la régularisation par acte authentique d'une servitude de passage dont il bénéficiait. La caducité de cette promesse de vente, qui est sans lien avec l'illégalité fautive entachant le certificat d'urbanisme négatif délivré le 7 novembre 2003 à M. C..., est ainsi intervenue antérieurement au dépôt, le 7 juillet 2005, de la demande de permis de construire déposée par l'intéressé en vue de l'édification de quatre maisons individuelles. M. C... n'établit ni même n'allègue avoir, par la suite, mené de nouvelles négociations commerciales avec cette société qui demeurait pourtant intéressée par l'achat de son bien au vu des termes du courrier déjà évoqué du 11 février 2004. Par ailleurs, si le requérant se prévaut également d'un rapport établi à sa demande par un expert judicaire, il ne résulte ni de ce rapport succinct du 28 avril 2005 ni d'aucun autre élément de l'instruction que M. C... aurait engagé des négociations commerciales avec de futurs acquéreurs des maisons individuelles qu'il projetait d'édifier sur son terrain. Dans ces conditions, le requérant ne justifie pas de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice financier allégué comme présentant un caractère direct et certain.
6. D'autre part, si M. C... se prévaut d'un préjudice lié à la perte de valeur vénale de sa parcelle, cette perte de valeur, à la supposer établie, résulte du classement opéré par les auteurs du plan local d'urbanisme approuvé par une délibération du 24 septembre 2012. Par suite, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges au point 11 du jugement attaqué, la perte de valeur vénale alléguée ne présente pas un lien direct et certain avec les illégalités fautives relevées ci-dessus.
7. En second lieu, M. C... demande également la condamnation de la commune de Mandelieu-la-Napoule à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de " dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire ", sans autre précision. Il ne résulte pas de l'instruction, au regard en particulier des conditions rappelées au point 1 dans lesquelles les décisions des 7 novembre 2003, 26 décembre 2005 et 3 décembre 2012 ont été annulées en appel en 2011 et 2018, que le maire de Mandelieu-la-Napoule aurait fait preuve d'une " résistance abusive " constitutive d'une faute, distincte de celles relevées au point 2, susceptible d'engager la responsabilité de la commune. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à la condamnation de la commune de Mandelieu-la-Napoule à lui verser la somme de 20 000 euros, en réparation d'un préjudice dont l'existence n'est aucunement établie, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir ainsi que l'exception de prescription quadriennale opposées par la commune de Mandelieu-la-Napoule, ni d'ordonner la désignation d'un expert, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Mandelieu-la-Napoule.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mandelieu-la-Napoule au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Mandelieu-la-Napoule.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
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N° 20MA01596
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