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20/10/2022 | FRANCE | N°22MA01848

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 22MA01848


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention de New York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa

proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, pré...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention de New York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées, étant dirigées contre le même jugement et la même décision administrative, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

4. Par une décision du 30 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°. ".

6. Aux termes de l'article L. 614-4 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ".

7. Aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du chapitre IV du titre I du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 732-8 du même code, ainsi que celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues aux articles L. 241-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues aux articles L. 251-3 et L. 612-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues aux articles L. 612-6 à L. 612-8 du même code et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 241-4 dudit code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 721-4 du même code ; / 5° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 731-1, L. 751-2, L. 752-1 et L. 753-1 du même code./ Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre décision d'éloignement prévue au livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des décisions d'expulsions, présentées en cas de placement en rétention administration, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure./ Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions présentées dans le cadre des requêtes dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français mentionnées au 1° du présent article, sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution de ces décisions d'éloignement ".

8. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français en litige est fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 précité. Dès lors que les dispositions de l'article L. 614-4 de ce même code réservent à la formation collégiale du tribunal la compétence pour statuer sur la légalité des mesures d'éloignement prises sur ce fondement, le magistrat désigné par la présidente du tribunal n'était pas compétent pour se prononcer sur le recours. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

9. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentées au tribunal par M. B....

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 avril 2022 :

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Dès lors que l'arrêté contesté comporte les circonstances de droit et de fait dont il fait application et alors que le préfet n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté serait insuffisamment motivé ni qu'il aurait été pris sans examen particulier de sa situation personnelle.

13. Il n'existe aucun obstacle à ce que M. B... reconstitue dans son pays d'origine sa vie familiale avec son épouse, de même nationalité que lui et séjournant irrégulièrement en France, et leur fils. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

14. S'il est constant que le fils de M. B..., prénommé Foumba, né le 15 janvier 2011 à Marseille, n'a vécu que sur le seul territoire français et que, scolarisé de manière continue depuis la petite section de maternelle, les multiples attestations rédigées par ses enseignants successifs montrent son épanouissement et son intégration au sein de la société française, il n'est cependant pas démontré qu'il existerait un quelconque obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa scolarité dans son pays d'origine, ni que cette poursuite contrevienne aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Enfin, et compte tenu notamment de tout ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

16. Si le requérant soutient que cette décision ne permettrait pas à son enfant de terminer son année scolaire de CM2, cette seule circonstance n'est toutefois de nature ni à démontrer une erreur manifeste d'appréciation ni une atteinte portée à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les conclusions de la requête n° 22MA01849 à fin de sursis à exécution du jugement :

18. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement n° 2203357 sont donc devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie... perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " ... En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie... qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide... ".

20. Compte tenu de tout ce qui précède, les conclusions formulées par M. B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Article 2 : Le jugement n° 2203357 rendu le 24 mai 2022 par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement susvisé du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Leonhardt et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 où siégeaient :

- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

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N°s 22MA01848 et 22MA01849

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01848
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-20;22ma01848 ?
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