Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions des 22 juillet et du 2 novembre 2020 par lesquelles le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans et celle du 15 décembre 2020 prononçant la même sanction assortie d'un sursis de dix-huit mois et d'enjoindre au directeur général de l'AP-HM de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2006566, 2008800 et 2100280 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a donné acte du désistement de M. D... sur ses requêtes n° 2006566 et 2008800 et a rejeté sa requête n° 2100280.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021, M. D..., représenté par Me Kendoudi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa requête n° 2100280 ;
2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle le directeur général de
l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de dix-huit mois ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HM de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 imposant que le président du conseil de discipline soumette au vote des membres du conseil de discipline la proposition qu'aucune sanction ne soit prononcée à l'encontre de l'agent ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la matérialité des faits n'est pas établie alors que la charge de la preuve d'une faute disciplinaire incombe à l'administration ; les seules allégations de la victime ne sauraient suffire à établir la matérialité des faits ;
- l'administration a méconnu les droits de la défense en ne prenant pas en compte le premier témoignage de l'infirmière présente dans la salle de réveil ; son témoignage est en contradiction avec le récit décrit par la patiente ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en indiquant à tort que la deuxième attestation de Mme B..., favorable au requérant, avait été produite plus d'un an après les faits ;
- la sanction infligée est disproportionnée ;
- il est fondé à solliciter la réintégration dans ses fonctions.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, l'AP-HM, représentée par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
* le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Abdennouri, substituant Me Khendoudi, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., agent des services hospitaliers qualifié de classe supérieure exerçant les fonctions de brancardier de nuit au sein de l'AP-HM, s'est vu infliger le 15 décembre 2020 la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de dix-huit mois, faisant suite au retrait de deux précédentes sanctions similaires prises les 22 juillet et 2 novembre 2020. Le requérant relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à sa réintégration.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 : " (...) le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. / Si aucune proposition de sanction n'est adoptée, le président propose qu'aucune sanction ne soit prononcée. / (...) Si aucune des propositions soumises au conseil de discipline n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, son président en informe l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l'ont conduite à prononcer celle-ci. ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise, que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline, ainsi que de son avis émis le 9 juillet 2020, que le président du conseil de discipline a mis au vote la sanction proposée de la révocation, qui n'a obtenu aucune voix, puis a mis au vote toutes les sanctions inférieures des 3ème, 2ème et 1er groupes, qui n'ont respectivement obtenu que six voix, lesquelles étaient insuffisantes pour dégager une majorité au sein de l'organisme paritaire, composé de douze membres. S'il est constant que le président du conseil de discipline, qui ne tient pas des dispositions précitées de voix prépondérante, n'a pas soumis au vote des membres du conseil de discipline la proposition qu'aucune sanction ne soit prononcée à l'encontre de l'agent, cette absence de vote, à supposer même qu'elle soit constitutive d'un vice de procédure, ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant privé M. D... d'une garantie, ni comme ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise, dès lors qu'aucune majorité n'était en tout état de cause susceptible de se dégager au regard des votes exprimés sur les sanctions proposées. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure résultant de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 doit être écarté.
5. Le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne comporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Marseille par M. D.... Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 du jugement attaqué.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre par un courrier du 16 juin 2020, lequel indiquait les faits reprochés, la possibilité de présenter des observations écrites avant la tenue du conseil de discipline prévue le 9 juillet 2020 à 15h00 et de se faire assister par un défenseur de son choix. Le rapport de saisine du conseil de discipline ainsi que les pièces constitutives de son dossier, qui visaient avec précision les faits reprochés, étaient notamment joints à ce courrier. Ainsi, M. D... a été informé des fautes qui lui étaient reprochées et mis à même de présenter utilement sa défense. La circonstance que le premier témoignage de l'infirmière présente au moment du réveil de la patiente, dont aucun élément ne montre, au demeurant, que le requérant en aurait vainement demandé la communication, n'ait pas été versé à son dossier administratif, n'est pas de nature à établir qu'il aurait été privé d'une garantie. Par suite, et alors que ce dernier était en mesure, s'il l'estimait utile, de solliciter l'audition de cette personne devant le conseil de discipline, la sanction disciplinaire prise à son encontre n'est pas intervenue en méconnaissance des droits de la défense.
7. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation (...) ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Pour prononcer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions à l'encontre de M. D..., le directeur général de l'AP-HM a relevé que l'intéressé avait tenu des propos déplacés à connotation sexuelle à l'encontre d'une patiente qu'il transportait avec un collègue, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de brancardier, de la salle de réveil vers le service où celle-ci était hospitalisée. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu des faits établi le 23 octobre 2019 par Mme B..., infirmière, qui attendait le retour de la patiente de la salle de réveil, que, dans la nuit du 8 au 9 octobre 2019 à 1h30, les brancardiers l'ont transportée jusqu'à sa chambre avant de repartir et que celle-ci " était tout à fait consciente et réveillée " et " semblait dans un état de panique assez alertant ". Cette dernière a expliqué au personnel médical présent que les brancardiers avaient eu une attitude inadaptée et tenu à son égard des propos graveleux et obscènes dans la salle de réveil, dans le couloir puis dans l'ascenseur au cours de son transport. Elle a précisé, d'une part, qu'ils avaient fait une remarque déplacée sur sa poitrine au moment de sa prise en charge dans la salle de réveil, en présence de Mme A..., infirmière, qui a relevé ce comportement inapproprié. Elle a ajouté, d'autre part, que les agents avaient continué à émettre des propos à caractère sexuel à son encontre, alors qu'elle se trouvait seule avec eux dans l'ascenseur, et que l'un d'entre eux avait tenté de soulever sa chemise pour voir sa poitrine. La patiente a maintenu dans les mêmes termes son témoignage auprès de Mme F..., cadre supérieur de santé, qui l'a rencontrée le lendemain des faits avec le responsable de la sécurité de l'hôpital, et a rédigé un rapport à cet effet. A la suite de cette rencontre et sur les conseils de cette dernière, la patiente a, en outre, adressé le 11 octobre 2019 un courrier à la direction de l'hôpital, relatant à nouveau les agissements reprochés aux brancardiers de manière détaillée. Elle a enfin, le jour suivant, déposé une plainte pénale auprès de la gendarmerie nationale.
10. L'ensemble de ces éléments, particulièrement précis et circonstanciés sur le déroulement des faits, et réitérés à travers plusieurs témoignages et le dépôt d'une plainte pénale, sont de nature à établir l'exactitude matérielle des griefs reprochés à M. D..., en particulier les propos déplacés à caractère sexuel ayant donné lieu aux poursuites disciplinaires. Ils ne sont pas sérieusement remis en cause par les déclarations de Mme B... émises postérieurement à son compte-rendu, le 3 décembre 2019, doutant de la cohérence des propos tenus par la patiente sans pour autant contester l'état de panique et d'anxiété dans lequel l'infirmière a reconnu l'avoir trouvée à la sortie de l'ascenseur. Il en va de même des déclarations de Mme A... présente dans la salle de réveil, indiquant qu'elle était ce soir-là " surchargée ", qu'elle n'a pas " souvenir d'un incident majeur " impliquant les brancardiers et ajoutant que " même s'il y a eu un sous-entendu qui a été fait, j'étais tellement occupée et concentrée que je n'ai même pas dû relever ou peut-être répondu quelque chose d'évasif je ne sais plus ". Par ailleurs, les souffrances occasionnées à la patiente par son intervention chirurgicale, soulagées par une administration de morphine, ne permettent pas de regarder celle-ci comme dépourvue de tout discernement au moment des faits, alors qu'elle était consciente et réveillée et a exposé de manière détaillée, dès son arrivée dans sa chambre et après le départ des brancardiers, les faits en cause. Enfin, la circonstance que la manière de servir de M. D... avait jusque-là été jugée satisfaisante, n'est pas de nature à retirer aux faits qui lui sont reprochés leur caractère fautif. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits devait être écarté.
11. En raison de la gravité des faits décrits aux points précédents et des fonctions exercées par M. D... auprès des patients de l'établissement hospitalier, le directeur général de l'AP-HM a pu, en dépit d'états de services satisfaisants de l'intéressé et de l'absence de sanction disciplinaire antérieure, infliger au requérant la sanction attaquée d'exclusion temporaire d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de dix-huit mois. Par suite, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le directeur général de l'AP-HM n'a pas édicté une sanction disproportionnée aux faits reprochés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 décembre 2020 par laquelle le directeur général de l'AP-HM a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de dix-huit mois. Il s'ensuit que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HM qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. D... non compris dans les dépens.
15. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 750 euros au titre des frais exposés par l'AP-HM et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille une somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
N° 21MA04718 2
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