Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 août 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier Valvert a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an et d'enjoindre à la directrice du centre hospitalier Valvert de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1908608 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, M. B..., représenté par Me Vadon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ladite décision du 9 août 2019 ;
3°) d'enjoindre à la directrice du centre hospitalier Valvert de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Valvert la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire engagée a méconnu les dispositions des articles 2 et 6 du décret 7 novembre 1989, dès lors que le dossier écrit qu'il avait préparé n'a pas été examiné et n'a pas été annexé au procès-verbal de la séance du conseil de discipline ;
- le cumul d'activités qui lui est reproché, qu'il ne conteste pas, n'a eu aucune incidence sur l'exercice de ses fonctions au sein du centre hospitalier et sur l'organisation du service ;
- les manquements à l'obligation d'obéissance hiérarchique qui lui sont imputés sont infondés ;
- le comportement irrespectueux qu'il aurait eu à l'égard des patients n'est pas établi ;
- la sanction est disproportionnée par rapport aux faits reprochés.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2021, le centre hospitalier Valvert, représenté par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2022 par une ordonnance du même jour, en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
* le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, relatif a` la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. C...,
* les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
* les observations de Me Vadon, représentant M. B..., et de Me Pontier, représentant le centre hospitalier Valvert.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., infirmier exerçant ses fonctions au centre hospitalier Valvert depuis le 1er novembre 1999, s'est vu infliger le 9 août 2019 la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, en raison de l'exercice d'un cumul d'activités non autorisé, de manquements à son obligation d'obéissance hiérarchique et d'un comportement irrespectueux à l'égard des patients. Le requérant relève appel du jugement n° 1908608 rendu le 29 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à sa réintégration.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 2 du de´cret n° 89-822 du 7 novembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué´ par le pre´sident du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la re´union de ce conseil, par lettre recommande´e avec demande d'avis de re´ception. Il peut, devant le conseil de discipline, pre´senter des observations e´crites ou orales, citer des te´moins et se faire assister par un ou plusieurs de´fenseurs de son choix ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son pre´sident porte en de´but de se´ance a` la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas e´che´ant, son ou ses de´fenseurs ont exerce´ leur droit a` recevoir communication inte´grale du dossier individuel et du rapport mentionne´ a` l'article 1er. / Ce rapport et les observations e´crites e´ventuellement pre´sente´es par le fonctionnaire sont lus en se´ance (...) ".
3. M. B... soutient qu'il a formulé des observations écrites qui n'ont pas été portées à la connaissance des membres du conseil de discipline. Toutefois, et à supposer même que de telles observations écrites ait été présentées, la lecture ou l'examen en séance de celles-ci ne peut être regardée en elle-même comme une garantie dont la seule méconnaissance suffirait à entacher d'illégalité la décision prise à l'issue de la procédure. En outre, les mentions du procès-verbal du conseil de discipline, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, indiquent qu'" aucun document écrit n'a été laissé par l'agent et son représentant à la possession des membres du conseil de discipline et ne peut de fait être adjoint à ce présent PV ". Le requérant, qui produit, non pas les observations écrites qu'il aurait rédigées, mais deux attestations établies par un membre de l'organisme paritaire et la personne l'ayant représenté au cours de la séance, ne contredit pas sérieusement ces éléments. Enfin, il est constant que M. B... a pu présenter oralement toutes observations qu'il souhaitait lors de la séance du conseil de discipline. Ainsi, le tribunal a pu, à bon droit, considérer que l'absence d'examen de ses observations écrites n'avait, en tout état de cause, pas privé M. B... d'une garantie, ni n'avait exercé d'influence sur le sens de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 2 et 6 du décret du 7 novembre 1989 doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 : " I.-Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. (...) ".
5. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation (...) ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. D'une part, il est reproché à M. B... de s'être livré au cumul d'une activité privée et d'un emploi public sans autorisation, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983. Il est constant que M. B... a été recruté à compter du 1er septembre 2007, en qualité d'infirmier et à mi-temps, par contrat à durée indéterminée au sein d'un établissement privé d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Aux termes de ce contrat, M. B... était à la disposition de son employeur privé le jour. Or, celui-ci exerce, depuis le 1er novembre 1999, une activité d'infirmier a` temps plein de nuit au centre hospitalier Valvert et a été titularisé par son employeur public à compter du 1er février 2001. Il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 23 juillet 2019 que M. B... a reconnu avoir exercé cette activité privée lucrative sans avoir sollicité d'autorisation, en indiquant seulement qu'il se trouvait dans une situation personnelle et financière délicate et que ce cumul d'activités n'a pas eu d'incidence sur sa manière de servir. Il suit là que le requérant n'a pas informé son administration, pendant une durée de plus de onze ans, de l'existence de son cumul d'activités pour pouvoir bénéficier d'une éventuelle autorisation de cumul et pour s'assurer que l'exercice de cette activité privée était compatible avec sa position statutaire. Par ailleurs, un courrier du directeur des ressources humaines du centre hospitalier Valvert, daté du 8 juin 2007, répondant à une demande de disponibilité pour convenances personnelles du requérant qui a, par la suite, renoncé à celle-ci, lui a rappelé la nécessité d'une autorisation dans l'hypothèse où celui-ci exercerait une activité privée lucrative. Il n'est, enfin, pas contesté que le requérant effectuait, avec le cumul de ces deux emplois, plus de 50 heures de travail hebdomadaire, excédant ainsi la durée maximale légale de travail effectif autorisée.
8. D'autre part, il est également fait grief à M. B... de ne pas avoir respecté, à plusieurs reprises, les plannings de travail établis en prenant des libertés avec la pose de ses congés et en s'absentant de manière inopinée, entraînant une désorganisation ponctuelle du service. Il a également, dans la nuit du 24 au 25 décembre 2018, porté une tenue vestimentaire non réglementaire et a eu, ce soir-là, un comportement déplacé et inapproprié à l'égard de la directrice de l'établissement qui a rédigé, à cet effet, un courrier daté du 28 décembre 2018, joint au rapport présenté au conseil de discipline. Le requérant a reconnu expressément au cours de la séance du conseil de discipline ces agissements et notamment ses défaillances dans la pose de ses congés. Les justifications apportées en particulier sur son absence du 4 octobre 2018 ou sur les difficultés relationnelles rencontrées avec le cadre de santé, demeurent insuffisantes et ne sauraient expliquer l'ensemble des manquements relevés au cours des années 2018 et 2019, réitérés depuis plusieurs années au vu des fiches de notation établies en 2014 et 2015.
9. Enfin, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le seul témoignage d'un patient souffrant de troubles du comportement et hospitalisé au sein de l'unité géronto-psychiatrique du centre hospitalier Valvert est insuffisant pour démontrer que M. B... n'aurait pas eu un comportement respectueux et prévenant envers les patients. Le courrier du 30 janvier 2019 du cadre de santé, soulignant des difficultés avec trois autres patients en 2017 et en 2018, n'est étayé par aucun élément, alors que le requérant produit de nombreuses attestations de collègues de travail ou de médecins faisant état de son attitude bienveillante envers les patients.
10. Il résulte toutefois des éléments qui précèdent que les faits reprochés à M. B... tels qu'ils sont exposés aux points 7 et 8 sont établis et de nature à justifier à eux seuls le prononcé d'une sanction disciplinaire. Si le requérant invoque des difficultés personnelles et financières qu'il a rencontrées au cours de cette période, cette situation n'est pas de nature à amoindrir la gravité des faits qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, en dépit de l'absence de sanction disciplinaire antérieure, et eu égard notamment à l'importance, à la durée et à la rémunération que l'exercice d'une activité non autorisée lui a procurée sur une période particulièrement longue, l'autorité disciplinaire n'a pas pris, en l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant de l'exclure temporairement de ses fonctions pour une durée d'un an.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier Valvert a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an. Il s'ensuit que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Valvert qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier Valvert et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier Valvert présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier Valvert.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
N° 21MA02039 2
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