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20/10/2022 | FRANCE | N°20MA04682

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 20MA04682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Enyvae a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 56 174 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014, ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n°1900235 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête enregistrée le 14 décembre 2020, la société Enyvae, représentée par Me Pelloux, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Enyvae a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 56 174 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014, ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n°1900235 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020, la société Enyvae, représentée par Me Pelloux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la restitution d'une somme de 56 174 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, et de ramener le montant de ces impositions supplémentaires à hauteur de 3 570 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de 15 535 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et le versement de la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'activité accessoire de location de conteneurs doit suivre le régime de TVA applicable à l'activité principale de location de locaux nus ; cette activité de gestion de biens immobiliers n'est pas située en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée mais doit en être exonérée en vertu du 2° de l'article 261 du code général des impôts ; elle est fondée à se prévaloir de l'instruction administrative BOI-TVA-CHAMP-10-10-30 n° 110 et 120 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont validé le coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déterminé par l'administration fiscale, lequel a été artificiellement minoré ; le tribunal a considéré à tort que l'activité de gestion des biens immobiliers était située en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; le coefficient d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'ensemble des activités exercées par la société Enyvae devrait être égal à l'unité ; le service aurait dû prendre en compte les recettes toutes taxes comprises et non hors taxes relatives aux locations de locaux nus ;

- les activités de gestion et de location d'immeubles sont éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts, dès lors que ces prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse ; les premiers juges ont rejeté à tort le moyen portant sur l'inopposabilité de l'instruction administrative 4A-12-03 n° 159 du 26 septembre 2003 au motif que le refus du bénéfice du crédit d'impôt serait fondé sur les seules dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts ; en excluant du bénéfice du crédit d'impôt les activités de location nue d'immeubles même portant sur des biens exclusivement situés en Corse, cette instruction, qui n'est plus applicable depuis le 12 septembre 2012, et sur laquelle se fonde l'administration fiscale dans sa proposition de rectification, ajoute une condition non prévue par la loi fiscale ;

- les premiers juges ont estimé à tort que les conteneurs litigieux n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt pour les investissements réalisés en Corse ; ils ont également écarté à tort le moyen portant sur l'inopposabilité de l'instruction administrative BOI-BIC-AMT-20-20-20-30, au motif que le refus du bénéfice du crédit d'impôt serait fondé sur les seules dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts ; l'administration fiscale s'est fondée à tort sur l'instruction BOI-BIC-AMT-20-20-10 du 12 septembre 2012 qui ne concerne pas les biens éligibles à l'amortissement dégressif ; les containers litigieux, qui constituent à la fois des matériels de manutention par nature et des installations de stockage, entrent dans les catégories prévues à l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts et sont dès lors éligibles à l'amortissement dégressif ; ces containers satisfont aux conditions prévues par les paragraphes n°s 1 et 10 de l'instruction BOI-BIC-AMT-20-20-20 ; les paragraphes n°s 280 et 290 de l'instruction administrative BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 ajoutent des conditions non prévues par la loi fiscale et vont à l'encontre de la réponse ministérielle du 4 juillet 1996 faite à M. B... ; la seule circonstance que des installations de stockage présentent le caractère de constructions ou s'incorporent aux locaux professionnels ne constitue pas en soi un obstacle à l'application du mode dégressif d'amortissement ; elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 40 de l'instruction administrative BOI-BIC-RICI-10-60-10-20 du 5 août 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Enyvae ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Enyvae, qui exerce une activité de location nue de locaux à usage d'habitation et commercial et une activité de location de conteneurs, l'administration fiscale l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014. La société Enyvae relève appel du jugement n°1900235 du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à la restitution d'une somme de 56 174 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014, ainsi qu'à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de l'assujettissement de l'activité de location de conteneurs :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...). ". Aux termes de l'article 256 A du même code: " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) / Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ". Aux termes de l'article 261 D du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus (...) ".

3. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit, en principe, être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée, pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients, compte-tenu notamment de la valeur respective de chacune des prestations composant l'opération, une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions, de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

4. Il résulte de l'instruction que la société Enyvae exerce, depuis sa création en juin 2002, une activité d'acquisition et de location de locaux immobiliers nus à usage commercial et d'habitation, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, en application du 2° de l'article 261 D du code général des impôts. En 2010, celle-ci a enregistré une nouvelle activité de location de conteneurs et de locaux de stockage. La requérante estime que la prestation de location de conteneurs et de locaux de stockage constitue une activité accessoire prolongeant celle exercée à titre principal, et doit, de ce fait, être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts.

5. Toutefois, cette prestation, dont il n'est pas contesté qu'elle n'est offerte qu'à titre facultatif, n'est ni indissociable de l'activité principale de la société Enyvae portant sur l'acquisition ou la location de biens immobiliers, ni indispensable pour parvenir à la finalité de cette prestation et est, en tout état de cause, disponible indépendamment de celle-ci. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, que cette activité constituerait une prestation accessoire constituant pour la clientèle un moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale d'acquisition ou de location de biens immobiliers. En outre, celle-ci ne peut être regardée comme étant exercée de manière marginale, dès lors qu'elle représentait 30 % du chiffre d'affaires de la société Enyvae en 2010, puis 45 % de ce chiffre d'affaires en 2014. Enfin, la circonstance que le code d'activité de la société requérante n'ait pas été modifié et que cette dernière relèverait toujours de la convention collective nationale de l'immobilier, n'est pas de nature à établir le caractère accessoire de son activité de location de conteneurs. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que cette prestation, indépendante de son activité principale et constituant une fin en soi pour ses clients, ne pouvait pas bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le 2° de l'article 261 D du code général des impôts.

S'agissant du coefficient de déduction :

6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : /a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prescrit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. III. - 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée. ".

7. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification litigieuse, que la société Enyvae n'a, depuis sa création, jamais souscrit de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, alors que celle-ci exerce une activité de location de locaux immobiliers nus, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, et, depuis juin 2010, une activité de location de conteneurs et de locaux de stockage, imposée à cette taxe. Pour déterminer le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible à régulariser sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'administration fiscale a déterminé un coefficient de déduction égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. Les coefficients d'assujettissement et d'admission étant égaux à l'unité, le coefficient de déduction était ainsi égal au coefficient de taxation, déterminé conformément au 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, en plaçant au numérateur le montant hors taxes du chiffre d'affaires relatif à l'activité de location des conteneurs, et au dénominateur, le montant hors taxes du chiffre d'affaire total. En se bornant à indiquer que le coefficient d'assujettissement doit être égal à l'unité, alors que l'administration fiscale a fait application d'une telle valeur en appliquant ce coefficient, la société requérante n'apporte aucun élément démontrant que la méthode de calcul mise en œuvre par l'administration serait erronée.

8. D'autre part, il résulte des éléments exposés au point précédent que le coefficient de déduction, déterminé sur la base du seul chiffre d'affaires, est égal au coefficient de taxation. En appel comme en première instance, la société requérante se borne à soutenir que le coefficient de déduction aurait dû être déterminé sur la base des chiffres d'affaires toutes taxes comprises, sans assortir ce moyen de précisions. Or, il résulte des dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, que les montants des chiffres d'affaires utilisés pour calculer le coefficient de taxation n'incluent, en tout état de cause, pas la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le chiffre d'affaires annuel afférent à la location des conteneurs s'élevait aux sommes, retenues hors taxes par le service, de 93 706 euros en 2012, de 125 268 euros en 2013 et de 158 741 euros en 2014 et non aux sommes, incluant la taxe à la valeur ajoutée aux taux de 19,6% en 2012 et 2013 et de 20 % en 2014, de 112 072 euros en 2012, de 149 820 euros en 2013 et de 190 489 euros en 2014. Enfin, si, en répondant au moyen ainsi soulevé par la société Enyvae, le tribunal a précisé que celle-ci exerçait une activité de gestion de biens immobiliers située en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'il s'agissait d'une activité exonérée de cette taxe, cette circonstance est, par elle-même et à elle seule, sans influence sur l'issue du litige soumis à la cour. Par suite, le moyen tiré de ce que le coefficient de déduction doit être déterminé à hauteur de 36 % au lieu de 32 % en 2012, de 40 % au lieu de 36 % en 2013 et de 48 % au lieu de 43 % en 2014 doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. La requérante n'est pas fondée à invoquer les paragraphes n°s 110 et 120 de l'instruction du 15 février 2013 BOI-TVA-CHAMP-10-10-30, relatifs à l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des locations de terrains nus ou d'immeubles non aménagés, qui ne donnent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application.

Sur le crédit d'impôt pour investissements en Corse :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

10. Aux termes du I de l'article 244 quater E du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements (...) réalisés (...) et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole autre que :/ a. la gestion ou la location d'immeubles lorsque les prestations ne portent pas exclusivement sur des biens situés en Corse, ainsi que l'exploitation de jeux de hasard et d'argent ; (...). / 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 10 % du prix de revient hors taxes : / a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf ; (...) ".

S'agissant de l'activité de location de locaux nus :

11. Il résulte de l'instruction que les investissements à raison desquels la société Enyvae revendique le bénéfice du crédit d'impôt pour investissements en Corse, sont relatifs à des locaux dont elle a fait l'acquisition, comprenant une habitation et onze locaux loués à des commerçants. Il n'est pas contesté que ces locations portent sur des immeubles nus et que cette activité revêt, par nature, un caractère civil et non commercial. Elle n'est, par suite, pas éligible au crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater E du code général des impôts, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la situation géographique des biens loués. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir, au seul motif que son activité de location d'immeubles nus serait exercée exclusivement en Corse, qu'elle remplit les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal en litige. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées du code général des impôts que l'administration fiscale a refusé de faire droit à la demande de la société Enyvae tendant au bénéfice du crédit d'impôt pour investissements réalisés en Corse.

S'agissant de l'activité de location des conteneurs :

12. L'article 39 A du code général des impôts dispose, dans sa version alors en vigueur : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession (...) peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif. (...) ". Enfin, l'article 22 de l'annexe II de ce même code liste notamment, au titre des immobilisations que les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, les " matériels de manutention " et les " installations de magasinage et de stockage sans que puissent y être compris les locaux servant à l'exercice de la profession ". Ces dispositions autorisent ainsi toute entreprise passible de l'impôt sur les sociétés ou dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à amortir suivant un mode dégressif les biens d'équipement acquis par elle et qui sont normalement utilisés dans leur activité productive par des entreprises industrielles.

13. Il résulte de l'instruction, que les investissements au titre desquels la société Enyvae sollicite le crédit d'impôt à l'investissement en Corse, portent sur des conteneurs d'environ 14 mètres carrés, situés sur un terrain appartenant à la société, et loués à des particuliers et des commerçants. Ces conteneurs n'ont pas pour objet le stockage, le magasinage, le transport ou la livraison de marchandises ou de matières premières, mais sont affectés exclusivement au dépôt de biens meubles appartenant aux locataires concernés. Ainsi, eu égard à cette affectation, et alors qu'aucun élément précis n'est apporté par la requérante pour établir un lien entre ces conteneurs et ceux utilisés par les entreprises industrielles, ces derniers ne peuvent être assimilés à des biens d'équipement normalement utilisés au stade de la production dans les entreprises industrielles pour le stockage de leurs produits. Dès lors, ils ne peuvent être regardés comme des matériels de manutention et des installations de magasinage et de stockage susceptibles de faire l'objet d'un amortissement dégressif au sens de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts. Par suite, la société Enyvae n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait en droit de bénéficier, sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, du crédit d'impôt pour investissements en Corse à raison de ces conteneurs au titre des exercices 2011 à 2014.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Il résulte des éléments exposés aux points 11 et 13, que la société requérante ne peut utilement soutenir que l'administration, qui a fait une exacte application de la loi fiscale, s'est fondée à tort sur l'instruction 4A-12-03 n° 159 du 26 septembre 2003, reprise à compter du 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-RICI-10-60, ainsi que sur les instructions BOI-BIC-AMT-20-20-20-30, BOI-BIC-AMT-20-20-10 et les paragraphes n°s 280 et 290 de l'instruction BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 du 12 septembre 2012, relatifs au régime de l'amortissement dégressif et à l'éligibilité des installations de magasinage et de stockage au crédit d'impôt, et qui n'ajoutent, au demeurant, aucune condition non prévue par la loi.

15. La société Enyvae n'est pas fondée à invoquer les paragraphes n°s 1 et 10 de l'instruction BOI-BIC-AMT-20-20-20 du 12 septembre 2012, relatifs aux biens susceptibles de faire l'objet d'un amortissement dégressif, dès lors qu'ils ne comportent pas une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.

16. La société Enyvae ne saurait davantage invoquer l'instruction BOI-BIC-RICI-10-60-10-20 n° 40 du 5 août 2015 qui est postérieure aux années d'imposition en litige. En tout état de cause, cette instruction ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application.

17. La réponse ministérielle du 4 juillet 1996 faite à M. B..., invoquée par la requérante, concerne les entreprises de négoce et de réparation automobile, catégorie dans laquelle n'entre pas la société Enyvae. Par suite, celle-ci ne peut utilement s'en prévaloir.

18. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Enyvae n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

19. En l'absence de dépens relatifs à l'instance d'appel, les conclusions de la société Enyvae tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'estpas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Enyvae et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Enyvae est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enyvae et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

2

N° 20MA04682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04682
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Fiscalité - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET PELLOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-20;20ma04682 ?
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