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18/10/2022 | FRANCE | N°21MA01217

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 18 octobre 2022, 21MA01217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé, pour une période d'un an, à compter du 30 octobre 2017, d'autre part, d'enjoindre audit ministre de régulariser sa situation à compter de cette même date et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Par un jugement n° 1900088 du 26 janvier 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé, pour une période d'un an, à compter du 30 octobre 2017, d'autre part, d'enjoindre audit ministre de régulariser sa situation à compter de cette même date et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900088 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté du 10 octobre 2018 et a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de la demande de Mme D... tendant au bénéfice d'un congé au titre du 3° ou du 4° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, alors en vigueur, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, à compter du 30 octobre 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, avant de rejeter le surplus des conclusions présentées par cette dernière.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours, enregistré, sous le n° 21MA01217, le 26 mars 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la Cour d'annuler ce jugement du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Bastia.

Il soutient que le tribunal administratif de Bastia a commis une erreur de droit en jugeant que Mme D... ne pouvait pas être placée en disponibilité d'office pour raisons de santé dès lors qu'elle n'avait pas épuisé ses droits à congé de longue maladie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, Mme C... D..., représentée par Me Solinski, conclut au rejet du recours, à ce que l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Bastia soit assortie d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est irrecevable dès lors qu'il est manifestement dilatoire ;

- à titre subsidiaire, et sur le fond :

. l'administration ne peut pas utiliser les éléments non contradictoirement débattus dans le cadre de la procédure ;

. le jugement attaqué devra être confirmé par la Cour.

Par une ordonnance du 1er juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juillet 2021, à 12 heures.

II. Par un recours, enregistré, sous le n° 21MA02500, le 29 juin 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement susvisé rendu par le tribunal administratif de Bastia le 26 janvier 2021.

Il soutient que son moyen tiré de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en jugeant que Mme D... ne pouvait pas être placée en disponibilité d'office pour raisons de santé est sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par lesdits juges.

Le recours a été communiqué à Mme D... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des deux dossiers.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations tant de Me Solinski, représentant Mme D..., que de cette dernière.

Considérant ce qui suit :

1. Par le recours enregistré sous le n° 21MA01217, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement rendu le 26 janvier 2021 par le tribunal administratif de Bastia qui, à la demande de Mme D..., a, d'une part, annulé 1'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel il avait décidé de placer cette dernière en disponibilité d'office pour raisons de santé, pour une période d'un an, à compter du 30 octobre 2017, et, d'autre part, lui a enjoint de régulariser la situation de cette dernière, à compter de cette date. Par le recours enregistré sous le n° 21MA02500, le même ministre demande à la Cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les deux recours susvisés sont présentés par le même requérant et sont dirigés contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le recours au fond enregistré sous le n° 21MA01217 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Bastia :

3. Aux termes de l'article 51 de loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34. (...) ". Selon l'article 43 du décret susvisé du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (...) et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 (...) ".

4. Aux termes de l'article 34 de loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an (...) / (...) Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ; / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ". Selon l'article 36 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un congé de longue maladie ou de longue durée peut être accordé ou renouvelé pour une période de trois à six mois. La durée du congé est fixée, dans ces limites, sur la proposition du comité médical. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le congé de longue maladie peut être accordé, ou renouvelé, pour une période de trois à six mois, sur une durée maximale de trois mois.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'avant d'être placée en disponibilité d'office, à partir du 30 octobre 2017, par l'arrêté ministériel contesté du 10 octobre 2018, Mme D... s'est vue accorder le bénéfice de congés de maladie ordinaire, du 30 octobre 2016 au 29 octobre 2017. Auparavant, Mme D... avait été placée en congé de longue maladie, pour une durée d'un an, du 30 octobre 2015 au 29 octobre 2016. Il n'est allégué par aucune des parties et il ne ressort pas de ces mêmes pièces que Mme D... aurait précédemment, durant sa carrière, bénéficié d'autres périodes de congé de longue maladie. Par conséquent, à la date de son placement en disponibilité d'office, Mme D... ne pouvait pas être regardée comme ayant épuisé l'intégralité de ses droits à congés de longue maladie. Par ailleurs, comme l'ont relevé à raison les premiers juges, sans au demeurant être contestés sur ce point en cause d'appel, Mme D... établit, par les pièces qu'elle verse aux débats, qu'elle souffrait encore, au cours des années 2017 et 2018, d'un syndrome dépressif sévère susceptible de relever du cas envisagé par le 3° de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 et l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie. Dans ces conditions, et alors même qu'à l'issue de sa première période de congé de longue maladie, l'intimée n'en a pas sollicité le renouvellement, l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a placé Mme D... en disponibilité d'office, pour raisons de santé, pour une période d'un an, à compter du 30 octobre 2017, a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de

l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ainsi que de celles de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par Mme D..., le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 10 octobre 2018.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'astreinte présentées en appel par Mme D... :

7. Dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une fois que le présent arrêt lui sera notifié, l'Etat pourrait ne pas se conformer à l'injonction prononcée par les premiers juges, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'astreinte présentées par Mme D.... Le cas échéant, il appartiendra à cette dernière de revenir devant la Cour en cas d'inexécution.

Sur le recours à fin de sursis à exécution enregistré sous le n° 21MA02500 :

8. La Cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, enregistré sous le n° 21MA01217, tendant à l'annulation du jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Bastia le 26 janvier 2021, son recours, enregistré sous le n° 21MA02500, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement est privé d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre, sur le fondement de ces dispositions, à la charge de l'Etat, une somme de 2 000 euros à verser à Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation enregistrée sous le n° 21MA02500 tendant au sursis à l'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia le 26 janvier 2021.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, et à Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

2

Nos 21MA01217, 21MA02500

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01217
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SOLINSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-18;21ma01217 ?
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