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13/10/2022 | FRANCE | N°21MA04884

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 13 octobre 2022, 21MA04884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 août 2017 par lequel le maire du Rove a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis de construire un immeuble collectif d'habitation comportant 39 logements, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1708398 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un

délai de quatre mois au pétitionnaire pour justifier de la délivrance d'un permis ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 août 2017 par lequel le maire du Rove a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis de construire un immeuble collectif d'habitation comportant 39 logements, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1708398 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de quatre mois au pétitionnaire pour justifier de la délivrance d'un permis de construire modificatif permettant d'assurer la conformité du projet à l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme.

Mme A... a demandé au tribunal, en cours d'instance, l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le maire du Rove a délivré un permis de construire modificatif à la société Bouygues Immobilier et celle de l'arrêté du 21 août 2017.

Par un jugement n° 1708398 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté l'ensemble des conclusions de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2021 et le 4 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Savi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2019 et du 21 octobre 2021 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 21 août 2017 et du 19 novembre 2020, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 21 août 2017 ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 21 août 2017 est illégal du fait de la composition irrégulière du dossier de la demande de permis de construire ;

- l'arrêté du 21 août 2017 méconnaît les dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne la desserte et l'accès ;

- l'arrêté du 21 août 2017 méconnaît les dispositions des articles UD 11 et UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme et autorise une construction qui ne correspond pas à la vocation de la zone UD ;

- l'arrêté du 19 novembre 2020 ne définit pas lui-même les prescriptions relatives à l'aménagement de l'accès au projet ;

- les modifications apportées par la société Bouygues Immobilier au projet initial aboutissent à en changer la nature même ;

- le projet modifié n'assure pas le respect des dispositions de l'article UC12 du plan local d'urbanisme intercommunal ;

- le projet modifié ne correspond pas à l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " qualité d'aménagement et des formes urbaines " du plan local d'urbanisme intercommunal.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2022, la commune du Rove, représentée par la SCP Plantard, Rochas et Viry, conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête et au rejet des conclusions présentées à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... sont fondés.

Par des mémoires enregistrés le 10 mai 2022 et le 7 juillet 2022, la société anonyme Bouygues Immobilier représentée par la SCP Bérenger Blanc Burtez-Doucède et associés, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des décisions attaquées ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur la requête en tant que le jugement avant dire droit du 5 décembre 2019 met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le maire du Rove a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis modificatif le 19 novembre 2020.

La commune du Rove a présenté des observations en réponse à cette communication, enregistrées le 27 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Tramier substituant Me Rouiller, représentant la commune du Rove, Me Reboul, représentant la société Bouygues Immobilier, et Me Savi, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 août 2017, le maire du Rove a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis de construire un immeuble collectif d'habitation comportant 39 logements, sur un terrain situé chemin des Coulets. Sur la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 5 décembre 2019, sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de quatre mois au pétitionnaire pour justifier de la délivrance d'un permis de construire modificatif permettant d'assurer la conformité du projet à l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le maire du Rove a délivré un permis de construire modificatif provisoire à la société Bouygues Immobilier. Mme A... relève appel du jugement du 5 décembre 2019 ainsi que du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2017 ainsi que de cet arrêté du 19 novembre 2020.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le jugement du 5 décembre 2019 en tant qu'il met en œuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux (...). Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-2 du même code : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ".

3. A compter de la délivrance du permis modificatif en vue de régulariser le vice relevé, dans le cadre du sursis à statuer prononcé, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, par un jugement avant dire droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de cet article sont privées d'objet. Au cas d'espèce, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, le maire du Rove a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis modificatif le 19 novembre 2020, antérieurement à l'introduction de la requête. Par suite, les conclusions de Mme A... dirigées contre le jugement avant dire droit du 5 décembre 2019 sont irrecevables, en tant seulement que ce jugement met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté du 21 août 2017 :

S'agissant de la composition du dossier :

4. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ".

6. La notice jointe au dossier de demande de permis de construire précise notamment que l'implantation de la construction, de deux niveaux seulement, sur un terrain situé deux mètres plus bas que celui des constructions environnantes en facilitera l'insertion par rapport à celles-ci. Elle indique que les clôtures existantes seront conservées sur trois côtés du terrain et elle n'avait pas à justifier que les vues vers les constructions voisines seront masquées. Elle expose les principes généraux retenus en ce qui concerne le traitement des espaces libres et renvoie à un plan " espaces verts et traitement de sol " s'agissant des plantations à conserver ou à créer. Si ce plan numéroté PC2C n'était pas joint au dossier de permis de construire initial, il l'a été au dossier de permis de construire modificatif. Ainsi, cette omission ne peut plus utilement être invoquée à l'encontre du permis accordé par l'arrêté du 21 août 2017. Enfin, la notice expose que l'accès aux bâtiments s'opère depuis le domaine public et que l'accès au parc de stationnement se fait distinctement par les accès situés à l'Ouest de l'opération. Ce document n'avait pas à localiser plus précisément les accès, qui sont repérés sur le plan de masse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement ".

8. Le dossier de demande de permis de construire comporte un plan de masse sur fond de photographie aérienne numéroté PC2A qui, comme le soutient la requérante, n'est pas coté dans les trois dimensions. Il indique cependant à quelle échelle il a été élaboré. Les plans de coupe PC3A et PC3B permettaient au service instructeur de vérifier le respect des règles de hauteur, d'emprise et d'implantation par rapport aux différentes limites énoncées par le règlement du plan local d'urbanisme, Mme A... s'abstenant d'ailleurs de citer une disposition précise de ce règlement dont le respect n'aurait pas pu être vérifié. Par ailleurs, le plan de masse repère les accès piétons et véhicules. S'il est vrai que ce plan omet d'indiquer les modalités de raccordement aux réseaux publics d'électricité, d'eau et d'assainissement, le dossier comportait les avis émis par les gestionnaires de ces réseaux localisant le point de raccordement du projet à ces réseaux ou, s'agissant du service de l'assainissement, confirmant que le raccordement sera effectué sur le réseau correspondant situé sous le chemin des Coulets. La composition du dossier n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

10. Le dossier de demande de permis de construire comporte un document graphique numéroté PC6 " perspective d'insertion ", qui reconstitue la vue de la construction autorisée à partir du chemin des Coulets, ainsi que deux " croquis perspectifs " numérotés PC4 qui répondent à la finalité décrite au c de R. 431-10. Si la vue choisie ne permet pas de représenter les maisons individuelles construites à l'est de cette construction, notamment la maison de Mme A..., la troisième vue en hauteur, indiquant la direction de ces deux croquis perspectifs, représente ces maisons. Le dossier comporte en outre quatre documents photographiques numérotés PC7, qui n'avaient pas à être cotés. En tout état de cause, les maisons précitées, dont celle de Mme A..., ne pouvaient figurer sur ces vues prises à partir du domaine public. Ces documents, dont les points et les angles des prises de vue ont été reportés sur le plan de situation, ont permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes. Les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme n'ont donc pas davantage été méconnues.

11. Mme A... soutient encore qu'en l'absence de plan du sous-sol, le service instructeur n'a pu vérifier l'existence des 58 places de stationnement prévues à ce niveau. Le sous-sol est cependant représenté et aucune disposition n'imposait d'y reporter la répartition de ces places ou de le préciser dans la notice. Ce moyen ne peut donc être accueilli.

S'agissant de l'application du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Rove :

12. Aux termes de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Rove, relatif à la desserte des terrains par les voies et accès : " Pour être constructible, un terrain doit être desservi par un accès et une voirie présentant au moment du projet, les caractéristiques permettant de satisfaire aux besoins des opérations projetées, aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie, de sécurité civile et de ramassage des ordures ménagères. (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est desservi par le chemin des Coulets dont la largeur, qui atteint 5,50 mètres au maximum pour ses sections proches de ses extrémités, est de 3,80 mètres à 5,40 mètres à proximité du projet. Mme A... se prévaut des constatations d'un rapport d'expertise technique effectué à sa demande insistant sur les difficultés de croisement, rencontrées surtout aux heures de pointe, aggravées par deux virages à angle droit, l'un au nord, l'autre au sud, et sur le fait que les véhicules utilisés par le service d'incendie et de secours bloqueront la circulation en cas d'intervention au niveau du projet. Il ressort de ce rapport que la circulation sur le chemin des Coulets est interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes. La direction départementale des services d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône a émis un avis favorable le 30 juin 2017 au sujet de l'accessibilité des bâtiments pour les engins de secours et de lutte contre l'incendie et sur la défense extérieure contre l'incendie. L'étude élaborée en janvier 2021 par les services de la métropole d'Aix-Marseille Provence Métropole à la demande de la commune du Rove, si elle relève l'absence de trottoirs par endroits et un stationnement anarchique, estime que, en dépit de l'augmentation du trafic découlant du projet litigieux ainsi que de l'autre projet porté par la société Bouygues Immobilier, la capacité maximum d'écoulement du chemin des Coulets sur la route départementale n° 568, au sud, ne sera pas atteinte. Elle ne relève aucun risque pour la sécurité de la circulation routière. Il ne se déduit pas des préconisations qu'elle contient et qui portent sur les aménagements et mesures permettant de parfaire la sécurité de la circulation des piétons sur cette voie et d'endiguer le phénomène du stationnement anarchique que le terrain d'assiette ne serait pas desservi par une voie dont les caractéristiques permettent de satisfaire, notamment, aux besoins des opérations projetées, aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie. Ainsi, le maire du Rove a pu légalement estimer que le projet pouvait être autorisé sans méconnaître l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme.

14. Le règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Rove précise que la zone UD consiste en une zone d'extension du centre-ville sous forme d'habitat individuel édifié en ordre continu, sa vocation générale étant définie comme une " agglomération souvent discontinue favorisant les constructions pavillonnaires ". Aux termes de l'article UD 11 de ce règlement, relatif à l'aspect extérieur des constructions et à l'aménagement de leurs abords : " Le projet peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le quartier dans lequel se trouve le terrain d'assiette du projet est constitué de maisons individuelles, d'architecture provençale, implantées de façon assez rapprochée. Ce projet se compose de deux bâtiments en R+2 avec un troisième niveau en attique, surmontés d'une toiture en tuiles à plusieurs pentes et dont les façades seront de couleurs ocre, dune, marron et jaune, ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Son implantation préserve la zone boisée au sud. Dans ces conditions et en dépit de la différence d'échelle avec les constructions pavillonnaires avoisinantes, eu égard à la teneur des dispositions de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme communal, qui n'interdisent pas la réalisation de logement collectifs, et en délivrant le permis de construire attaqué, le maire du Rove n'a pas méconnu ces dispositions.

16. Mme A... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté du 21 août 2017 méconnaît les dispositions de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Marseille.

En ce qui concerne l'arrêté du 19 novembre 2020 :

17. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

18. Il résulte des dispositions de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme que, si la décision délivrant un permis de construire est assortie de prescriptions, elle doit être motivée. L'arrêté du 19 novembre 2020, qui vise notamment les " préconisations émises par la métropole d'Aix-Marseille-Provence " le 21 avril 2020, indique en son article 6 que les " prescriptions " émises par la métropole doivent être respectées. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que cet avis n'aurait pas été annexé à cet arrêté. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire du Rove se serait illégalement abstenu de définir lui-même dans son arrêté les prescriptions dont s'agit doit être écarté.

19. Il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au projet initial portent sur le déplacement de la rampe d'accès au sous-sol au nord du projet, la modification de la typologie des logements au rez-de-chaussée et la suppression d'un logement, l'augmentation de la surface des espaces verts et celle des espaces verts en pleine terre, la diminution de la surface de plancher ainsi que de la surface taxable, la modification des façades liée au déplacement de la rampe et la modification de la puissance électrique nécessaire. Si le pétitionnaire a ainsi apporté au projet des modifications qui ne se bornaient pas à remédier au vice à régulariser, celles-ci n'ont pas eu pour effet de changer la nature même de ce projet, qui porte sur la construction d'un immeuble collectif d'habitation présentant une surface de plancher ramenée à 2 664,95 m² au lieu de 2 680,51 m² et comportant 38 et non plus 39 logements, ni l'emplacement, ni la forme de l'implantation de la construction n'ayant été modifiés. Dès lors, le moyen tiré de ce que le projet modifié autorisé serait de nature différente de celle du projet initial doit être écarté.

20. Aux termes de l'article UC12 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal d'Aix-Marseille Provence Métropole, entré en vigueur le 28 janvier 2020 : " a) Pour accueillir une construction nouvelle, un terrain doit être desservi par une voie ou une emprise publique existante ou créée dans le cadre du projet et dont les caractéristiques permettent de satisfaire : aux besoins des constructions et aménagements ; et aux exigences de sécurité routière, de défense contre l'incendie, de sécurité civile et de collecte des ordures ménagères (...) e) Les accès sont aménagés de façon à ne pas créer de danger ou de perturbation pour la circulation en raison de leur position (notamment à proximité d'une intersection) ou d'éventuels défauts de visibilité. Des dispositions particulières peuvent être imposées par les services compétents telles que la réalisation de pans coupés, l'implantation des portails en retrait (...) ".

21. Il résulte des motifs du jugement avant-dire droit du 5 décembre 2019 que le tribunal administratif de Marseille a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme, en vigueur à la date de l'arrêté du 21 août 2017, en sa première branche portant sur les caractéristiques du chemin des Coulets et en sa troisième branche contestant l'adaptation de cette voie et des accès prévus aux véhicules de protection contre l'incendie et de secours. Il a jugé, en revanche, que ce moyen était fondé en sa deuxième branche en ce que " l'accès pour véhicules automobiles le plus au sud, desservant la rampe d'accès au parking souterrain, est situé à proximité immédiate d'un virage du chemin des Coulets et, eu égard aux mauvaises conditions de visibilité, apparaît de nature à créer un danger ou une difficulté pour la circulation, à la différence de deux accès situés plus au nord et desservant les aires de stationnement situées en surface ".

22. Le projet modifié tel que soumis au maire du Rove déplace au nord du terrain d'assiette, dans l'alignement du pignon nord du bâtiment, l'accès prévu initialement le plus au sud. Cet accès au chemin des Coulets, en ligne droite à cet endroit, est ainsi situé à près de 35 mètres du virage qui fait face à la partie sud du bâtiment. Il a fait l'objet, le 15 juillet 2020, d'un avis favorable de la part de la métropole d'Aix-Marseille Provence. Mme A... se prévaut de la situation de l'accès modifié au projet en face de l'accès à un autre important projet de construction de l'autre côté de ce chemin et d'un " linéaire d'une dizaine de villas ", de même que de la largeur du même chemin qui est de quatre mètres seulement. Il ne résulte cependant ni de l'étude élaborée par la métropole d'Aix-Marseille Provence citée au point 13, ni des autres documents produits par la requérante, notamment le rapport d'expertise portant sur le projet initial cité à ce même point, que l'aménagement modifié de l'accès litigieux serait de nature à créer un danger ou des perturbations pour la circulation du fait de sa position ou d'un défaut de visibilité. Le projet modifié répond donc aux exigences résultant du e) de l'article UC12 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal d'Aix-Marseille Provence Métropole.

23. Si Mme A... soutient que le projet modifié ne correspond pas à l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " qualité d'aménagement et des formes urbaines " du plan local d'urbanisme intercommunal, un tel moyen est inopérant pour contester le jugement mettant fin à l'instance dès lors que ce moyen est en réalité dirigé contre le permis de construire initial et non contre le permis de construire modificatif.

24. Il résulte des motifs énoncés aux points 17 à 23 que Mme A... n'établit pas l'illégalité de l'arrêté du 19 novembre 2020 délivrant un permis de construire modificatif. Dès lors, cet arrêté régularise le vice dont était affecté le permis délivré le 21 août 2017, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif.

25. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande de première instance, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 21 août 2017 et du 19 novembre 2020, ainsi que de la décision portant rejet de son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 21 août 2017.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bouygues Immobilier, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Bouygues Immobilier présentées sur ce même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Bouygues Immobilier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune du Rove et à la société anonyme Bouygues Immobilier.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

N° 21MA04884 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04884
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SAVI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-13;21ma04884 ?
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