La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°20MA02612

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 octobre 2022, 20MA02612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immofinanz SA a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705675 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 14 janvi

er 2021, la société Immofinanz SA, représentée par Me Chauve, demande à la Cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immofinanz SA a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705675 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 14 janvier 2021, la société Immofinanz SA, représentée par Me Chauve, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 mars 2020 ;

2°) de prononcer la décharge, ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la valeur locative retenue pour la villa ne résulte pas d'un accord de la société mais d'une transaction globale avec l'administration ;

- la proposition de rectification du 22 décembre 2014 est insuffisamment motivée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20 ;

- la valeur locative retenue par l'administration pour la villa est exagérée ;

- à titre subsidiaire, il convient de retenir la valeur locative admise par l'administration en 2020 dans le cadre d'une transaction conclue au titre de l'année 2014 ;

- c'est à tort que la déduction des dotations aux amortissements lui a été refusée ;

- en lui refusant la déduction des dotations aux amortissements, l'administration a méconnu les énonciations de la réponse ministérielle n° 11 985 faite à M. A..., député, le 26 janvier 1987, et de la doctrine référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40 n° 80 et 110.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de la requête tendant à la décharge de l'amende pour défaut de présentation de la comptabilité ne sont pas recevables, en l'absence de présentation de moyens à leur appui ;

- les moyens soulevés par la société Immofinanz SA ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme de droit luxembourgeois Immofinanz SA, qui est propriétaire d'une villa située à Cap-d'Ail, qui a été mise à disposition puis donnée en location, à compter du 1er mai 2012, à une société établie à Chypre, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a notamment estimé que le loyer annuel théorique comptabilisé jusqu'à la conclusion du bail puis le loyer annuel perçu, pour un montant de 350 000 euros, était inférieur à la valeur locative réelle de la villa, que cette minoration, qui était constitutive d'un acte anormal de gestion, devait être réintégrée dans ses résultats, et a par ailleurs remis en cause les amortissements mentionnés dans les déclarations de résultats déposées au cours du contrôle. La société Immofinanz SA relève appel du jugement du 30 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.

I. Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a expressément répondu, au point 8 du jugement attaqué, au moyen soulevé par la société Immofinanz SA, tiré de ce que la valeur vénale de la villa retenue par l'administration serait erronée. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu sur ce point de manière suffisante au moyen invoqué.

II. Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la société Immofinanz SA, datée du 22 décembre 2014, qui comporte la mention des impôts et des années d'imposition concernés, rappelle le détail de l'évaluation par comparaison de la valeur locative de la villa réalisée au cours d'un précédent contrôle, portant sur les années 2008 et 2009, par la détermination de sa valeur vénale à partir de plusieurs termes de comparaison, et indique que la villa est évaluée à la valeur locative finalement retenue pour l'année 2009 à l'issue du recours hiérarchique, soit 602 000 euros, réévaluée par l'application de l'indice de référence des loyers, soit des valeurs locatives respectives de 610 348, 623 204 et 634 932 euros au titre, respectivement, des années 2011, 2012 et 2013. Elle précise ensuite le montant des loyers que la société requérante a ainsi renoncé à percevoir à raison de la villa pour chacune des années considérées. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, ce document indique les modalités de détermination des éléments retenus par le vérificateur pour le calcul des rectifications de manière suffisamment précise au regard des prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

5. En deuxième lieu, la société requérante ne saurait se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20 dès lors que, relative à la procédure d'imposition, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de l'acte anormal de gestion :

6. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve.

7. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la société Immofinanz SA n'a pas déposé les déclarations de ses résultats des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 dans les trente jours de la réception d'une mise en demeure. Elle a ainsi régulièrement été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés. Il appartient par suite à la société Immofinanz SA, qui a la charge de prouver l'exagération des impositions qu'elle conteste, de démontrer que les faits invoqués par l'administration ne relevaient pas d'une gestion anormale.

8. La villa dont est propriétaire la société Immofinanz SA, implantée sur un terrain d'une superficie de 1 500 m², comprend trois niveaux, pour une surface de 475 m², et elle est agrémentée d'une piscine de 25 m ainsi que d'une terrasse de 220 m² et d'un garage de 440 m². Faute de disposer de termes de comparaison pertinents auxquels elle aurait pu se référer, l'administration a déterminé la valeur vénale de la villa, en se fondant sur une précédente évaluation, qui a retenu le prix moyen au m² de cinq villas vendues entre décembre 2005 et juin 2006, situées à Cap-d'Ail, Beaulieu-sur-Mer et Saint-Jean-Cap-Ferrat, dont les surfaces habitables sont comprises entre 250 et 523 m², disposant d'une piscine et de surfaces extérieures comparables. Elle a également relevé que le prix moyen au m² ressortant de la cession de six villas présentant des caractéristiques similaires, vendues entre juillet 2008 et février 2012, situées à Cap-d'Ail et à Roquebrune Cap-Martin, dont les surfaces habitables sont comprises entre 255 et 770 m², était sensiblement identique. La valeur locative retenue pour la villa correspond à l'application à cette valeur vénale d'un taux de rendement de 3,67 %.

9. D'une part, la société requérante ne démontre pas que les termes de comparaison retenus par le vérificateur ne seraient pas pertinents en se bornant à se référer à un rapport d'expertise non contradictoire, rédigé après le contrôle dont elle a fait l'objet au titre des années 2008 et 2009, selon lequel certains termes ne seraient pas comparables ou devraient subir une décote. En effet, les cinq villas retenues comme termes de comparaison, dont deux sont situées à proximité immédiate de la villa en cause, présentent des constructions ainsi que des superficies comparables et relèvent de la même catégorie cadastrale, et le ministre fait valoir sans être contredit que la villa dispose d'une situation géographique exceptionnelle, avec une large vue sur la mer, qu'eu égard à la qualité sa construction, l'importante rénovation dont elle a fait l'objet a nécessité l'intervention de l'architecte des bâtiments de France, et qu'il ressort des termes mêmes du rapport que " les équipements intérieurs de la villa sont d'un niveau de qualité de grand luxe ". Au demeurant, la société ne critique pas les six autres termes de comparaison retenus par le vérificateur pour conforter l'évaluation. Si elle se réfère à l'évaluation proposée par l'expert, il n'est pas démontré que le seul terme de comparaison retenu, à savoir une villa de 235 m², située à Cap-d'Ail, cédée pour un prix nettement inférieur au prix d'acquisition de la villa en litige, en raison de la nécessité de travaux de rénovation dont l'étendue n'est pas précisée, serait plus pertinent.

10. D'autre part, la société Immofinanz SA ne démontre pas, en se bornant à faire état du taux de rendement retenu par le rapport d'expertise mentionné au point précédent pour l'année 2008, et de considérations ainsi que d'études relatives au marché général de l'immobilier, que le taux de rendement annuel de 3,67 % serait excessif.

11. En deuxième lieu, la circonstance qu'à l'issue d'une transaction conclue entre l'administration fiscale et la société requérante à la suite d'un nouveau contrôle portant sur les années 2014 à 2016, la valeur locative retenue pour la villa au titre de l'année 2014 est inférieure à celles retenues pour les années en litige est sans incidence sur la pertinence de l'évaluation de la villa dans le cadre du présent litige.

S'agissant des amortissements :

12. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ". En vertu de ces dispositions, seuls peuvent être regardés comme réellement effectués au titre d'un exercice les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice.

13. La société requérante, qui n'a pas été en mesure de présenter sa comptabilité au vérificateur au cours de la vérification de comptabilité, ne démontre pas que les amortissements mentionnés dans les déclarations déposées tardivement auraient été comptabilisés avant l'expiration du délai de déclaration par la seule production d'extraits comptables ne faisant pas apparaître la dénomination de la société, alors qu'en tout état de cause elle ne justifie pas que les dates qui y sont portées n'auraient pu être modifiées avant leur impression. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas pris en compte, pour la détermination des résultats imposables taxés d'office, les amortissements mentionnés dans les déclarations déposées tardivement.

14. En second lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle à M. A..., député, du 26 janvier 1987, qui se borne à admettre la déduction des amortissements inscrits en comptabilité en cas de retard de déclaration et ne donne aucune interprétation contraire de la loi fiscale en matière de justification des amortissements. De même, elle ne peut davantage se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40 n° 80 et 110, relative aux écritures comptables informatisées, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société Immofinanz SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

III. Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Immofinanz SA la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Immofinanz SA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immofinanz SA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2022.

2

N° 20MA02612


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award