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07/10/2022 | FRANCE | N°22MA01252

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 07 octobre 2022, 22MA01252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse A... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103962 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a, à l'article 1er, annulé l

a décision du 1er avril 2021 du préfet des Alpes-Maritimes portant interdiction de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse A... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103962 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a, à l'article 1er, annulé la décision du 1er avril 2021 du préfet des Alpes-Maritimes portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2022, sous le n° 22MA01252, Mme E... épouse A... F..., représentée par Me Chadam-Coullaud, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 9 novembre 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans ce cas.

Elle soutient que :

- les décisions contestées ont été prises par une personne incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elles méconnaissent le point 2.1.1 de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;

- elles violent les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme E... épouse A... F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 et le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... épouse A... F..., née le 22 mai 1981 et de nationalité tunisienne, serait entrée en France, selon ses allégations, le 10 septembre 2013, avec son époux et leur enfant né le 5 octobre 2011. Deux autres enfants sont nés le 25 septembre 2013 et le 17 septembre 2016 sur le territoire national. Elle a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 31 janvier 2019 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement n° 1905659 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de rejet de sa demande et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation. A la suite à ce réexamen, le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre un arrêté du 1er avril 2021 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Mme E... épouse A... F... relève appel de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les décisions contestées ont été signées pour le préfet des Alpes-Maritimes par M. D... B..., directeur adjoint de la réglementation, de l'intégration et des migrations lequel disposait, par arrêté n° 2020-323 du 19 mai 2020, délégation à l'effet de signer au nom du préfet des Alpes-Maritimes les actes et les documents relevant de la compétence de cette direction, dont l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 1er avril 2021. Par ailleurs, la circonstance que les décisions en litige ne visent pas cette délégation est sans incidence sur leur légalité.

3. Mme E... épouse A... F... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

4. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions des décisions en litige, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme E... épouse A... F....

5. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Selon dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Mme E... épouse A... F... soutient sans l'établir être entrée en France en septembre 2013, accompagnée de son époux, un compatriote, et de leur premier enfant né le 5 octobre 2011 en Tunisie. Deux autres enfants sont nés le 25 septembre 2013 et le 17 septembre 2016 sur le territoire national. Elle n'établit cependant pas sa durée de séjour en se bornant à produire quelques documents médicaux tels que des ordonnances médicales rédigées entre septembre et octobre 2019, des lettres de la CPAM concernant le bénéfice de l'aide médicale d'Etat pour les années 2014 à 2019 et un avis d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2019. Par ailleurs, son conjoint a bénéficié d'un titre de séjour valable du 27 novembre 2019 au 26 novembre 2020 et est titulaire d'un contrat à durée indéterminée signé le 12 octobre 2020 pour exercer un emploi de peintre. Il a en outre été reconnu comme travailleur handicapé depuis le 29 septembre 2020. Toutefois, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'autorisation de provisoire de séjour valable du 24 août 2021 au 23 novembre 2021 accordé à son époux, à la suite de l'ordonnance du 13 août 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'arrêté du 1er avril 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour de ce dernier et lui a fait obligation de quitter le territoire français, cette circonstance étant postérieure aux décisions contestées. Si Mme E... épouse A... F... produit la liste des rendez-vous médicaux de son époux établie par le CHU de Nice le 25 mars 2021 mentionnant un suivi et un bilan de greffe les 22 avril, 18 mai et 3 juin 2021, elle ne démontre pas qu'à la date des décisions contestées, sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Tunisie ni n'établit y être dépourvue de toute attache où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où ses enfants âgés respectivement de 10, 7 et 4 ans pourront poursuivre leur scolarité. Dans ses conditions et alors même que ses frères et sœurs ainsi que sa mère résideraient en France, eu égard aux conditions de son séjour en France, les décisions contestées n'ont pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, et n'ont, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Les décisions contestées n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet, de séparer durablement Mme E... épouse A... F... de ses trois enfants, ni ces enfants de leur père. Dès lors et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les critères de régularisation figurant dans la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 s'appliqueraient à la situation de Mme E... épouse A... F..., en particulier celui tenant à une durée de séjour en France depuis plus de cinq ans.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse A... F... n'est pas fondée à soutenir que s'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er avril 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... épouse A... F... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme E... épouse A... F....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme E... épouse A... F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... épouse A... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse A... F..., à Me Chadam-Coullaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2022, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2022.

2

N° 22MA01252

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01252
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CHADAM-COULLAUD MIREILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-07;22ma01252 ?
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