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07/10/2022 | FRANCE | N°20MA03022

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 07 octobre 2022, 20MA03022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du canton de Bar-sur-Loup a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a mis en demeure de respecter les prescriptions relatives à la remise en état du site de A..., à Bar-sur-Loup, à la suite de l'arrêt d'exploitation de l'unité d'incinération d'ordures ménagères (UIOM).

Par un jugement n° 1705391 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cet

te demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du canton de Bar-sur-Loup a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a mis en demeure de respecter les prescriptions relatives à la remise en état du site de A..., à Bar-sur-Loup, à la suite de l'arrêt d'exploitation de l'unité d'incinération d'ordures ménagères (UIOM).

Par un jugement n° 1705391 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, sous le n° 20MA03022, le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup, représenté par Me Suarès demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a écarté à tort l'exception d'illégalité de l'arrêté du 19 mai 2017 en se référant à l'ordonnance du 23 novembre 2018 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice ;

- l'arrêté du 19 mai 2017 présente un caractère réglementaire dès lors qu'il s'agit d'une mesure se rapportant à l'organisation d'un service public qui peut être abrogée sans condition de délai en application de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté contesté se réfère à un rapport du 11 octobre 2017 qui vise le rapport du 15 février 2017 qui n'est que la reprise du rapport du 19 février 2014 qui a servi de fondement à l'arrêté du 18 mars 2014 annulé par le tribunal administratif de Nice ;

- le tribunal s'est référé à tort au rapport du 13 février 2018 de la DREAL alors que ne pouvait être pris en compte que le rapport du 19 février 2014 ou du 15 février 2017 ;

- le rapport d'inspection du 15 février 2017 indique que les constats récents reposent uniquement sur une suspicion et qu'il n'existe pas d'élément établissant l'identité de l'exploitant de la décharge ;

- aucun déchet dangereux n'a été traité par le four d'incinération ;

- le préfet est particulièrement imprécis sur la nature des déchets identifiés ;

- l'impact gravement négatif des déchets retrouvés sur l'environnement n'est pas démontré ;

- le tribunal a écarté à tort la violation par le préfet de la prescription trentenaire, le site ayant été mis à l'arrêt depuis plus de trente ans.

S'agissant de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 19 mai 2017 :

- cet arrêté méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du 30 juin 2015 qui a annulé l'arrêté du 18 mars 2014 ;

- il se réfère au rapport du 19 février 2014 qui a servi de fondement à l'arrêté du 18 mars 2014 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- cet arrêté se heurte à la prescription trentenaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 19 décembre 1917 ;

- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée ;

- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Geay, substituant Me Suarès, représentant le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 septembre 1963, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la constitution d'un syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) entre les communes de Roquefort-Les-Pins, Le Rouret, Valbonne puis la commune du Bar-sur-Loup en 1971, ayant pour objet notamment l'enlèvement et l'incinération des ordures ménagères. Par un arrêté du 4 décembre 1968, le SIVOM a été autorisé à ouvrir un four d'incinération d'ordures ménagères à Bar-sur-Loup lequel a été mis en service le 23 janvier 1973. A la suite d'un incendie, qui serait survenu le 24 octobre 1978, l'installation a été entièrement démolie et le site mis en sécurité pour prévenir tout risque de pollution. Toutefois, le 1er juin 2012, l'inspection des installations classées a constaté, à l'occasion d'une visite, la pollution des terrains et la présence de déchets. Compte tenu d'un rapport ultérieur établi le 19 février 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure le SIVOM de satisfaire aux obligations réglementaires de mise en sécurité du site par arrêté du 18 mars 2014. Par un jugement n° 1402227 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté pour erreur de droit. A la suite de chutes de blocs de rochers sur la RD3, des investigations réalisées le 5 mars 2016 ont révélé que la fouille laissée par une ancienne carrière située à proximité de l'incinérateur précité, avait été utilisée comme décharge en palliatif probable de l'indisponibilité soudaine de l'incinérateur à la suite de l'incendie. Par arrêté du 19 mai 2017 notifié le 26 mai 2017 au SIVOM du canton de Bar-sur-Loup, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé des prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " A... " au Bar-sur-Loup. Le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup a alors demandé au préfet des Alpes-Maritimes, par un " recours gracieux " du 6 novembre 2017 notifié le 8 novembre 2017, de procéder à l'abrogation de cet arrêté lequel a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par une ordonnance du 23 novembre 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de ce recours gracieux. Par un arrêt n° 19MA00308 du 31 mars 2021, la Cour a annulé cette ordonnance pour irrégularité et rejeté la demande du SIVOM du canton de Bar-sur-Loup. Après avoir constaté l'inexécution des prescriptions mises à la charge du SIVOM par l'arrêté du 19 mai 2017 dans le délai imparti, le préfet des Alpes-Maritimes a pris, le 6 novembre 2017, un arrêté mettant en demeure le syndicat de respecter les prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et des installations connexes. Le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup relève appel du jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2017 précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 19 mai 2017 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. ". L'article L. 243-2 du même code dispose que : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3, y compris les prélèvements d'eau pour l'irrigation en faveur d'un organisme unique en application du 6° du II de l'article L. 211-3 ; / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / Elle est également applicable aux projets mentionnés au deuxième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 lorsque l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation est le préfet, ainsi qu'aux projets mentionnés au troisième alinéa de ce II. / L'autorisation environnementale inclut les équipements, installations et activités figurant dans le projet du pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à ces activités, installations, ouvrages et travaux ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients ". Aux termes de l'article R. 512-39-5 du code précité : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. ".

4. En premier lieu, selon un arrêt n° 19MA00308 du 31 mars 2021 devenu définitif, la Cour a estimé que par l'arrêté du 19 mai 2017 pris sur le fondement des articles L. 181-1 et R. 512-39-5 du code de l'environnement, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé des prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " A... " au Bar-sur-Loup. Cet arrêté qui désigne nominativement le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup comme étant l'exploitant de cette installation, vise une situation particulière liée au constat effectué par l'inspection des installations classées de mise à l'air libre d'un mélange de déchets de plusieurs dizaines de mètres carrés reposant à même le sol, sans aucun dispositif d'imperméabilisation du terrain sous-jacent, et du non-respect de l'obligation d'enlever ou d'éliminer tous les déchets de l'exploitation mise à l'arrêt par le dernier exploitant. Par ailleurs, l'arrêté impose au SIVOM un certain nombre de prescriptions dénuées de caractère impersonnel ou général. Cet arrêté n'a pas, par lui-même, pour objet l'organisation d'un service public. Ainsi, il ne revêt pas le caractère d'un acte réglementaire mais celui d'une mesure individuelle de police spéciale non créatrice de droits. Ce même arrêt a annulé, pour irrégularité l'ordonnance n° 1705140 du 23 novembre 2018 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande du SIVOM du canton de Bar-sur-Loup la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 mai 2017 et a rejeté cette demande présentée devant ce tribunal.

5. En second lieu, l'arrêté du 19 mai 2017 qui comportait les voies et délais de recours a été notifié au SIVOM le 26 mai 2017. Ce dernier a formé un recours gracieux le 6 novembre 2017 tendant à son abrogation et non à son annulation par voie d'action, soit au-delà du délai de recours de deux mois qui lui était imparti. Par ailleurs, cet arrêté ne forme pas une opération complexe avec l'arrêté contesté mettant en demeure le syndicat de respecter les prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et des installations connexes dès lors qu'il n'a pas été spécialement édicté pour permettre l'intervention de la mise en demeure du 6 novembre 2017. Par suite, à la date à laquelle l'exception d'illégalité a été soulevée par le requérant devant les premiers juges, soit le 7 décembre 2017, celle-ci était irrecevable.

En ce qui concerne l'obligation de remise en état du site et l'exception de prescription trentenaire :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut seul mettre en demeure l'exploitant de respecter les mesures qui lui étaient antérieurement imposées et qui résultaient, soit de la réglementation générale applicable à l'établissement, soit de l'arrêté d'autorisation ou d'arrêtés complémentaires, mais qu'il ne peut user de cette procédure pour imposer à l'exploitant des prescriptions nouvelles.

8. Il résulte des dispositions des articles L. 512-5, L. 512-7-5 et L. 512-12 du code de l'environnement que les installations classées pour la protection de l'environnement, qu'elles soient soumises à un régime déclaratif, d'enregistrement ou d'autorisation, peuvent se voir imposer, par le préfet, des prescriptions complémentaires aux prescriptions générales les concernant. L'exploitant d'une telle installation peut être mis en demeure d'y procéder dans un délai déterminé en cas d'inobservation des prescriptions. A défaut d'exécution à l'expiration de ce délai, l'exploitant peut faire l'objet des mesures prévues par les dispositions du II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.

9. En application des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de 'l'environnement, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, l'obligation de remise en état du site prescrite par l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de cette loi, repris à l'article R. 512-74 du code de l'environnement puis, pour les installations soumises à autorisation, aux articles R. 512-39-1 et suivants du même code, pèse sur le dernier exploitant de l'installation ou sur son ayant-droit. Cette obligation est applicable aux installations de la nature de celles soumises à autorisation en application du titre 1er du livre V du code de l'environnement alors même qu'elles auraient cessé d'être exploitées avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code. Dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais.

10. L'obligation visée au point précédent se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés. Toutefois, lorsque l'installation a cessé de fonctionner avant l'entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, qui a créé l'obligation d'informer le préfet de cette cessation, et hors le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site ont été dissimulés, le délai de prescription trentenaire court à compter de la date de la cessation effective de l'activité.

11. La prescription trentenaire susceptible d'affecter l'obligation de prendre en charge la remise en état du site pesant sur l'exploitant d'une installation classée, son ayant droit ou celui qui s'est substitué à lui, est sans incidence, d'une part, sur l'exercice, à toute époque, par l'autorité administrative des pouvoirs de police spéciale conférés par la loi en présence de dangers ou inconvénients se manifestant sur le site où a été exploitée une telle installation, et, d'autre part, sur l'engagement éventuel de la responsabilité de l'État à ce titre.

12. Aux termes des dispositions de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 : " (...) / Lorsqu'une installation cesse l'activité au titre de laquelle elle était autorisée ou déclarée, son exploitant doit en informer le préfet dans le mois qui suit cette cessation ; il est donné récépissé ; l'exploitant doit remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976. A défaut, il peut être fait application des procédures prévues par l'article 23 de cette loi. ". L'article 24 du décret du 21 septembre 1977 précité dispose que : " L'arrêté d'autorisation cesse de produire effet lorsque l'installation classée n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n'a pas été exploitée durant deux années consécutives, sauf le cas de force majeure. ".

S'agissant de la détermination de l'exploitant de l'installation en litige et de son obligation de remise en état du site :

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par un arrêté du 4 décembre 1968, le SIVOM a été autorisé à ouvrir un four d'incinération d'ordures ménagères à Bar-sur-Loup lequel a été mis en service le 23 janvier 1973, sur le fondement de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Eu égard à la nature des activités accueillies sur le site, qui relèvent du régime de l'autorisation des installations classées, le SIVOM, en sa qualité de dernier exploitant connu, est soumis à une obligation de remise en état en vertu des dispositions des articles L. 511-1 et suivants et de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement.

14. En second lieu, pour prendre l'arrêté de mise en demeure contesté, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur les rapports de l'inspection des installations classées des 9 et 11 octobre 2017 qui reprennent les éléments d'un rapport du 24 août 2014 lequel fait état d'une visite des lieux, le 1er juin 2012, de l'inspection des installations classées qui a constaté la pollution des terrains et la présence de déchets se trouvant sur le bien immobilier acheté en 2011 par la société Mane et Fils à la commune du Bar-sur-Loup situé à proximité de l'usine d'incinération. Lors de cette visite, les inspecteurs ont constaté, notamment, de nombreuses taches assimilables à celles laissées par des écoulements d'hydrocarbures, la présence de plastique et de métal, des terres excavées présentant de nombreux macro-déchets constitués pour l'essentiel par du remblai qui ont été identifiées comme souillées aux hydrocarbures, la présence d'un poteau électrique supportant un transformateur dont la mise en sécurité aurait nécessité son démantèlement ainsi que des fluides contenus (PCB). Par ailleurs, il résulte de ce rapport que cette usine d'incinération recevait des déchets industriels dont ceux de l'usine Mane à Bar-sur-Loup, selon une note de la direction de l'agriculture des Alpes-Maritimes du 29 janvier 1975, et que des pollutions externes avaient déjà été constatées à l'époque par un rapport du 5 février 1979. Par suite, le SIVOM n'est pas fondé à soutenir qu'aucun déchet dangereux n'a été traité par le four d'incinération, que le préfet est particulièrement imprécis sur la nature des déchets identifiés et que l'impact gravement négatif des déchets retrouvés sur l'environnement n'est pas démontré. Dès lors, les pollutions constatées révèlent la méconnaissance par le SIVOM de son obligation de remettre en état le site.

S'agissant de l'exception de prescription trentenaire :

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un incendie a eu lieu sur le site, impactant le four d'incinération en litige, qui serait survenu le 24 octobre 1978. En outre, il résulte notamment des rapports remis par l'inspection des installations classées, que l'exploitation s'est poursuivie au moins jusqu'en 1980. Ainsi, il est constant que la cessation d'activité du four d'incinération d'ordures ménagères est postérieure à l'adoption de la loi de 1976 et du décret d'application du 21 septembre 1977. Or, il ne résulte pas de l'instruction que le SIVOM aurait informé le préfet des Alpes-Maritimes de la cessation de l'activité de cette installation en application des dispositions de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 mentionnées au point 12.

16. En deuxième lieu, si le syndicat requérant fait valoir que le 21 mars 2005, date de visite des inspecteurs des installations classés chargés de répertorier les anciens sites industriels, le site d'exploitation en cause n'avait pas été retrouvé, attestant ainsi d'une cessation d'activité au plus tard à cette date, cette inscription du four d'incinération en cause sur la base de données des anciens sites industriels et activités de services (BASIAS) gérée par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle des ministères de la recherche, de l'écologie et de l'économie ne saurait établir que la cessation d'activité de l'installation a nécessairement été portée à la connaissance du préfet des Alpes-Maritimes à compter de cette date.

17. En troisième lieu, le SIVOM n'est pas fondé à soutenir que l'exploitation avait nécessairement cessé après l'incendie au début des années 1980 dès lors que l'autorisation d'exploitation, faute d'avoir été renouvelée, était devenue caduque deux ans après cet évènement dès lors qu'il n'établit pas que le fonctionnement de l'installation aurait été interrompu plus de deux ans alors même que les rapports réalisés sur ladite installation font état d'une activité postérieurement à l'incendie, le site ayant été utilisé comme décharge.

18. Dans ces conditions compte tenu de ce qui a été dit aux points 13 à 17, le SIVOM n'établit pas, qu'à la date de l'arrêté contesté, le préfet aurait été effectivement informé depuis plus de trente ans de la cessation d'activité selon les modalités prévues par la réglementation alors en vigueur ou, à défaut, par un procédé équivalent. Par suite, le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup qui est le débiteur de l'obligation de remise en état du site, n'est dès lors pas fondé à opposer la prescription trentenaire.

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté contesté au regard des rapports sur lesquels il se fonde :

19. En l'espèce, pour prendre l'arrêté de mise en demeure contesté, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur les rapports de l'inspection des installations classées des 9 et 11 octobre 2017. Par ailleurs, par un jugement n° 1402227 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 18 mars 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup de se conformer aux prescriptions énoncées par cet arrêté à la suite de l'arrêt définitif de l'installation d'incinération d'ordures ménagères en litige au motif que le préfet a commis une erreur de droit en lui prescrivant, par l'arrêté attaqué, de se conformer aux dispositions des articles R. 512-39-1 à R. 512-39-3 du code de l'environnement qui n'étaient applicables qu'aux installations dont la cessation d'activité intervient à compter du 1er octobre 2005. Par suite, la circonstance que le rapport du 11 octobre 2017 qui vise le rapport du 15 février 2017 qui ne serait que la reprise du rapport du 19 février 2014 ayant servi de fondement à l'arrêté du 18 mars 2014 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors que ce jugement n'a pas annulé le rapport du 19 février 2014 ni qualifié les faits qui y sont consignés de matériellement inexacts.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du SIVOM du canton de Bar-sur-Loup est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au SIVOM du canton de Bar-sur-Loup et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2022, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2022.

2

N° 20MA03022

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03022
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-07;20ma03022 ?
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