La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2022 | FRANCE | N°21MA02326

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 04 octobre 2022, 21MA02326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Marseille a prononcé son exclusion temporaire des fonctions d'agent de police municipale à la division opérationnelle de la direction de la police municipale de Marseille, pour une durée d'un jour et, d'autre part, la décision du 16 octobre 2018 portant retrait d'autorisation de port d'armes.

Par un jugement n° 1904870 du 12 avril 2021, le tribunal admini

stratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Marseille a prononcé son exclusion temporaire des fonctions d'agent de police municipale à la division opérationnelle de la direction de la police municipale de Marseille, pour une durée d'un jour et, d'autre part, la décision du 16 octobre 2018 portant retrait d'autorisation de port d'armes.

Par un jugement n° 1904870 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin 2021 et le 2 juin 2022, M. D..., représenté par Me Jourdaa, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le directeur général adjoint des ressources humaines de la commune de Marseille l'a affecté au " centre de supervision urbain / PC Radio " à compter du 1er novembre 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Marseille lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions d'une durée d'un jour ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir statué sur le moyen, qui n'est pas inopérant, tiré du détournement de pouvoir et du détournement de procédure entachant l'arrêté du 2 avril 2019, qui n'y est pas davantage visé ;

- c'est à tort et de manière irrégulière que le tribunal a considéré qu'il n'était pas saisi, en fait des conclusions dirigées contre une décision portant retrait du port d'arme, de prétentions tendant en réalité à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018 portant changement d'affectation, constitutive d'une sanction déguisée sinon d'une discrimination et qui n'étaient donc pas relatives à une mesure d'ordre intérieur, ni même tardives, faute pour la commune d'établir la date de notification de cette mesure ;

- s'agissant de l'arrêté du 26 octobre 2018, il n'est pas justifié d'une délégation régulière pour sa signature par le directeur général adjoint au nom du maire ; la commission administrative paritaire n'a pas été préalablement consultée, en méconnaissance de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 et il n'a pas été mis à même de consulter son dossier, en temps utile, au mépris de l'exigence découlant de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; cette mutation d'office constitue une sanction déguisée, qui n'est pas motivée et qui a été prise sans respecter les règles de la procédure disciplinaire posées par l'article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- s'agissant de la sanction du 2 avril 2019, son auteur a méconnu le principe " non bis in idem " en infligeant une nouvelle sanction à raison des mêmes faits ; les griefs qui ont été retenus sont matériellement inexacts de sorte qu'il n'a commis aucune faute ; cette sanction est disproportionnée et entachée de détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Bouteiller, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 octobre 2018 sont irrecevables car nouvelles en appel, tardives puisque présentées plus d'un an après la notification de cette mesure et portant sur une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours ;

- les moyens de la requête ne sont en tout état de cause pas fondés.

Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2022, à 12 heures, puis reportée au 9 juin 2022 à 12 heures, par ordonnance du 2 juin 2022.

Par une lettre du 22 juillet 2022, la Cour a demandé à la commune de Marseille, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de communiquer l'arrêté

n° 2017/00770 du 8 juin 2017 portant délégation de signature en faveur de M. A... C..., et la justification de sa publication.

Le 5 août 2022, la commune a produit les pièces demandées par la Cour qui les a communiquées à l'appelant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Hébert, substituant Me Jourdaa, représentant M. D... et de Me Seisson, substituant Me Bouteiller, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., gardien-brigadier de la police municipale de la commune de Marseille, a été l'objet, par arrêté du maire du 2 avril 2019, d'une sanction d'exclusion de fonctions d'une durée d'un jour. Par un jugement du 12 avril 2021, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à l'annulation, d'une part, de cet arrêté du 2 avril 2019 et d'autre part, de la décision du 16 octobre 2018 portant retrait de son port d'armes.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre une décision du 16 octobre 2018 :

2. D'une part, contrairement à ce que soutient M. D..., il résulte clairement de ses écritures présentées devant le tribunal administratif, ainsi que d'un rapport établi par ses soins et produit au soutien de son recours, qu'il a demandé l'annulation d'une décision, qu'il datait du 16 octobre 2018 et qui selon lui a emporté retrait de son port d'armes. Ce n'est donc pas à tort que les premiers juges se sont estimés saisis de telles prétentions pour y statuer.

3. D'autre part, il ne ressort ni des chefs de conclusions de sa demande contentieuse portée devant le tribunal, ni des moyens développés à leur soutien, que M. D... aurait demandé aux premiers juges, outre l'annulation de l'arrêté de sanction d'exclusion temporaire du 2 avril 2019, celle de l'arrêté en date du 26 octobre 2018 décidant son changement d'affectation, de la division opérationnelle DPMS, au centre de supervision urbain. Si, dans cette demande, M. D... a présenté des moyens mettant en cause la légalité de cet arrêté portant changement d'affectation, une telle argumentation n'était développée que pour prétendre que son administration avait commis une faute de nature à engager envers lui sa responsabilité, sans d'ailleurs assortir cette affirmation de conclusions indemnitaires, et pour soutenir que cette mesure était constitutive d'une sanction déguisée, faisant légalement obstacle à ce que, par l'arrêté du 2 avril 2019, il soit sanctionné une deuxième fois pour les mêmes faits. La seule circonstance que dans son mémoire en défense, la commune a envisagé la possibilité que M. D... ait recherché l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018 et a répondu aux différents moyens susceptibles d'y être rattachés, ne peut suffire à considérer qu'en ne s'estimant pas saisis de conclusions dirigées contre cet arrêté, les premiers juges auraient dénaturé les écritures portées devant eux ou entaché leur jugement d'omission à statuer. Dans ces conditions, et en tout état de cause, dès lors que par son mémoire en défense, dont le requérant ne conteste pas la réception avant la clôture de l'instruction prononcée devant le tribunal, la commune a opposé la fin de non-recevoir tirée de l'inexistence d'une décision portant retrait du port d'armes de M. D..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que, en s'abstenant de relever d'office cette irrecevabilité, le tribunal l'a privé de la possibilité de modifier l'objet de ses prétentions en les dirigeant alors contre l'arrêté du 26 octobre 2018.

4. Enfin, il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que les conclusions de M. D... tendant, pour la première fois en appel, à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018, sont nouvelles et, par suite, irrecevables, ainsi que l'affirme la commune de Marseille en défense.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions contre l'arrêté du

2 avril 2019 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. Le tribunal n'a pas répondu au moyen, qui était présenté à l'appui des conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019, et qui n'était pas inopérant, tiré du détournement de pouvoir et de procédure. Il suit de là que le jugement attaqué, qui n'a pas non plus visé ce moyen, doit être annulé pour irrégularité en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. D... dirigées contre l'arrêté du 2 avril 2019.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire dans cette mesure et de statuer immédiatement sur ces prétentions.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 2 avril 2019 :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C..., directeur général adjoint aux ressources humaines de la commune de Marseille, a reçu du maire de la commune, par arrêté n° 2019-00826 du 1er avril 2019, délégation à l'effet de signer en son nom, notamment, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées contre les agents publics communaux.

8. Certes, il n'est justifié par la commune que de l'insertion de cet arrêté de délégation du 1er avril 2019 au recueil des actes de la commune du 1er mai 2019, soit postérieurement à l'arrêté de sanction en litige.

9. Mais il résulte de l'arrêté n° 2017/00770 du 8 juin 2017, abrogé par l'arrêté de délégation du 1er avril 2019 non encore exécutoire à la date de la décision en litige, et publié au recueil des actes administratifs de la commune du 15 juin 2017, que M. C..., nommé le 1er juillet 2017 dans l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint aux ressources humaines, était déjà bénéficiaire, à la date de l'arrêté litigieux, d'une délégation du maire lui permettant de signer la sanction litigieuse. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision ne peut être accueilli.

10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant d'affecter M. D... au centre de supervision urbain, le directeur général adjoint aux ressources humaines ait poursuivi d'autres finalités, notamment une finalité répressive, que celle, avancée par la commune dans ses écritures et justifiée, notamment, par le rapport établi le 15 novembre 2018 par un brigadier-chef principal, de mettre fin aux difficultés relationnelles existant entre l'agent et ses collègues de brigade. L'arrêté du 26 octobre 2018 ne constituant donc pas une sanction déguisée, M. D... ne peut utilement prétendre que la sanction en litige aurait été prise en méconnaissance du principe " non bis in idem ".

11. En troisième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

12. Pour prononcer à l'encontre de M. D... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un jour, le maire de la commune de Marseille a considéré, d'abord, que celui-ci a manqué à son devoir de probité dans la matinée du 6 septembre 2018 en verbalisant abusivement un véhicule qui stationnait sur un emplacement qu'il voulait lui-même occuper, ensuite qu'il a méconnu gravement son obligation de réserve et son devoir d'obéissance hiérarchique au cours de l'après-midi du 6 septembre 2018, lors de l'interpellation de deux personnes qu'il soupçonnait de transaction illégale de cigarettes, en tenant à leur endroit des propos et en adoptant un comportement à leur égard qui outrepassent ses fonctions, enfin, que le même jour, il a invectivé, en riant, le conducteur d'un véhicule en stationnement gênant, avec le haut-parleur de son véhicule de patrouille, et eu, durant l'interpellation, des propos insultants et une conduite agressive alors que l'individu est resté calme et respectueux et que le chef de patrouille lui demandait de se calmer.

13. D'une part, M. D... ne critique pas sérieusement le premier grief retenu à son encontre, en affirmant ne pas avoir eu besoin de stationner son véhicule sur la place occupée par le véhicule qu'il conteste avoir abusivement verbalisé, compte tenu de la faible distance entre son lieu de travail et son domicile doté de son propre parking, dès lors que par un rapport circonstancié du 10 septembre 2018, la brigadière-cheffe principale de police municipale, responsable de la patrouille dont relevait le requérant le 6 septembre et ayant assisté aux faits en cause, en livre une description précise qui n'est combattue par aucune pièce ni aucun élément de l'instance, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que n'est pas produit au dossier le procès-verbal d'infraction dressé par l'intéressé.

14. D'autre part, en se bornant à livrer, pour toute contestation du deuxième manquement fondant la décision en litige, une version différente des faits qui motivent la mesure et qui sont cependant corroborés par le rapport précité du 10 septembre 2018, ainsi que par celui en date du 7 septembre 2018, établi par l'un des deux autres agents de police de la patrouille, M. D..., sans assortir ses allégations d'éléments ou pièces, ne remet pas efficacement en cause la matérialité de ce motif de sanction.

15. Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelant, le rapport complémentaire établi par le troisième agent de police municipale présent lors de la patrouille du 6 septembre 2018 ne contredit pas celui de la responsable de patrouille du 10 septembre 2018, rédigé en des termes précis et circonstanciés. La circonstance que la sanction prononcée contre cet agent a été quant à elle annulée par le tribunal administratif pour erreur de fait et erreur de qualification juridique des faits est sans incidence sur l'exactitude matérielle de ce motif de la sanction en litige, dès lors que les faits reprochés à cet agent et au requérant sont distincts.

16. En quatrième lieu, les manquements aux obligations de réserve, de discrétion et de dignité qui fondent la sanction en litige constituent des fautes disciplinaires de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction. Compte tenu à la fois de la gravité de ces fautes au regard de la nature des fonctions exercées par M. D... et de l'atteinte ainsi portée à l'image de la police municipale, et eu égard à l'ensemble du comportement de l'intéressé, c'est sans disproportion que le maire de la commune de Marseille a sanctionné celui-ci en lui infligeant une exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un jour.

17. En dernier lieu, le détournement de pouvoir et de procédure allégué n'est pas établi.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 lui infligeant la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire des fonctions. Ses conclusions tendant à cette fin ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904870 du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 lui infligeant la sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée d'un jour.

Article 2 : Les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 lui infligeant la sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée d'un jour et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

N° 21MA023262


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award