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29/09/2022 | FRANCE | N°21MA01305

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21MA01305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel de France a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'avis du 29 octobre 2018 par lequel le préfet de région a confirmé l'avis défavorable émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France, d'autre part, l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour le réaménagement d'une terrasse et des travaux intérieurs au sein de l'Hôtel

de France sur une parcelle cadastrée section AM n° 0195, sise 63 rue Espariat à Aix...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel de France a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'avis du 29 octobre 2018 par lequel le préfet de région a confirmé l'avis défavorable émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France, d'autre part, l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour le réaménagement d'une terrasse et des travaux intérieurs au sein de l'Hôtel de France sur une parcelle cadastrée section AM n° 0195, sise 63 rue Espariat à Aix-en-Provence, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1810452 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er avril 2021 et le 13 août 2021, la société Hôtel de France, représentée par Me Hachem, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 juillet 2018 du maire d'Aix-en-Provence ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire d'Aix-en-Provence de lui délivrer le permis de construire demandé, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Aix-en-Provence la somme chacun de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence de l'auteur du mémoire en observations présenté pour le ministre de la culture n'est pas établie, ce qui rend irrecevable la demande de substitution de motif fondée sur le fait que l'aménagement de la toiture terrasse contreviendrait à l'obligation de restitution d'une toiture traditionnelle ;

- le refus de permis de construire ne peut être fondé sur l'incomplétude du dossier de permis de construire dans la mesure où aucune demande de pièce complémentaire ne lui a été adressée dans le délai d'un mois et que, en tout état de cause, l'absence du document concerné n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;

- l'arrêté attaqué n'a pas fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable alors qu'il retire un permis de construire tacite ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le maire n'était pas tenu de recueillir à nouveau l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article US-11.2.5.A.1 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ;

- le projet, qui ne prévoit pas de surélévation de l'immeuble, ne méconnaît pas les dispositions de l'article US-10.2.1.2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur et de l'article 3.1.A de ses dispositions générales ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles US-11.2.5.A (c et d) et US-11.2.5.B.5 (c) du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ;

- il ne peut être fondé sur l'avis défavorable émis le 19 juin 2018 par la commission communale d'accessibilité ;

- la nouvelle consultation de cette commission est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

- l'avis défavorable émis le 29 octobre 2018 par le préfet de région, qui s'est substitué à l'avis défavorable émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles US-11.2.5.A.1, US-11.2.5.A.5, US-10.1 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ;

- le maire d'Aix-en-Provence a méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 26 octobre 2017 ;

- la nouvelle consultation de l'architecte des Bâtiments de France est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

- le nouveau motif invoqué par le ministre tiré de ce que l'aménagement de la toiture terrasse contreviendrait à l'obligation de restitution d'une toiture traditionnelle n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 juin 2021 et le 23 novembre 2021, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Fouilleul, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Hôtel de France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Hôtel de France ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Hôtel de France ne sont pas fondés.

Un mémoire a été enregistré le 30 décembre 2021, présenté pour la requérante, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Hachem, représentant la société Hôtel de France, et de Me Convenand, représentant la commune d'Aix-en-Provence.

Une note en délibéré, présentée par Me Hachem pour la société Hôtel de France, a été enregistrée le 15 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 octobre 2013, le maire d'Aix-en-Provence a, compte tenu de l'avis défavorable émis par l'architecte des Bâtiments de France le 29 août 2013, refusé à la société Hôtel de France la délivrance d'un permis de construire pour la réalisation de travaux d'aménagement de la terrasse située aux cinquième et sixième niveaux de l'hôtel qu'elle exploite au 63 rue Esperiat, situé en secteur sauvegardé, et de travaux intérieurs. Par un arrêté du 5 décembre 2014, pris après avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France en date du 7 novembre 2014, le maire a refusé à nouveau la délivrance d'un permis de construire ayant le même objet. Par un jugement du 26 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté aux motifs, d'une part, que celui-ci ne pouvait légalement se fonder sur l'avis défavorable précité du 7 novembre 2014, auquel s'était substitué un avis favorable tacite du préfet de région né du silence gardé plus de deux mois sur le recours administratif exercé par la société Hôtel de France, d'autre part, de l'illégalité des motifs propres retenus par le maire tirés de l'application du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) de la commune. Cette société a alors déposé une troisième demande de permis de construire portant sur des travaux ayant le même objet, que le maire d'Aix-en-Provence a rejetée par un arrêté du 21 juin 2018, pris après avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France émis le 13 juillet 2018 et confirmé sur recours administratif par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur le 29 octobre 2018. La société Hôtel de France relève appel du jugement du 1er février 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'avis émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France :

2. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme : " En cas de désaccord entre, d'une part, l'architecte des Bâtiments de France et, d'autre part, soit le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, soit le pétitionnaire, sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou sur les prescriptions imposées au propriétaire, le représentant de l'Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. En l'absence de décision expresse du représentant de l'Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine, le recours est réputé admis ". Aux termes de l'article R. 424-14 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s'il n'est pas l'autorité compétente, et à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région. ".

3. Pour refuser, par l'arrêté attaqué du 18 juillet 2018, de délivrer à la société Hôtel de France le permis de construire demandé, le maire d'Aix-en-Provence s'est exclusivement fondé sur l'avis défavorable émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France. En application des dispositions précitées de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme l'avis, également défavorable, émis par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur le 29 octobre 2018 statuant sur le recours exercé par la société Hôtel de France à l'encontre de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France s'est substitué à celui-ci. Par suite, si la société requérante est recevable à contester, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du 18 juillet 2018, la régularité et le bien-fondé de ce même avis, les moyens qu'elle soulève à ce titre doivent être regardés comme dirigés contre la décision du préfet de région qui s'y est substituée.

S'agissant de la régularité de la nouvelle consultation de l'architecte des Bâtiments de France :

4. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, à la suite du jugement du 26 octobre 2017 annulant l'arrêté du 5 décembre 2014 par lequel le maire d'Aix-en-Provence lui avait refusé la délivrance d'un permis de construire, la société Hôtel de France a présenté une demande de permis portant à nouveau sur le réaménagement de la terrasse et sur des travaux intérieurs. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux faisant l'objet de cette demande diffèrent de façon substantielle de ceux qu'autorisait l'arrêté du 5 décembre 2014. Le dossier de cette demande comporte d'ailleurs copie du jugement du 26 octobre 2017 et certaines pièces font référence à un rendez-vous et à une visite organisés, respectivement, en 2013 et 2014, avec l'architecte des Bâtiments de France et avec l'administration. En tout état de cause, il résulte des articles L. 123-6, L. 600-2, R. 423-23 et R. 424-1 du code de l'urbanisme et L. 911-2 du code de justice administrative que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire, ou qui a sursis à statuer sur une demande de permis de construire, impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer.

5. Pour autant, si l'administration n'était tenue de procéder à une nouvelle consultation de l'architecte des Bâtiments de France au sujet de la même demande de permis de construire qu'en présence de circonstances de fait et de droit nouvelles rendant la première consultation caduque, aucun principe général non plus qu'aucun texte ne faisait obstacle à ce qu'elle procède à une nouvelle consultation en l'absence de telles circonstances, sous réserve que ce nouvel avis ne révèle pas un détournement de procédure. Au cas d'espèce, aucun élément ne permet d'établir l'existence d'un tel détournement, eu égard notamment au caractère implicite de l'avis favorable du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur, du délai écoulé depuis la consultation précédente et à la faculté dont aurait disposé le maire de rejeter la demande de permis de construire pour des motifs propres en cas d'avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France.

6. Pour annuler, par son jugement du 26 octobre 2017, l'arrêté du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a notamment retenu l'erreur de droit viciant l'arrêté en litige qui ne pouvait légalement se fonder sur l'avis défavorable émis par l'architecte des Bâtiments de France, dès lors que celui-ci était réputé avoir été remplacé par l'avis favorable tacite du préfet de région. Le tribunal s'était fondé en second lieu sur l'illégalité des motifs propres dont le maire d'Aix-en-Provence avait assorti cet arrêté, tirés de la méconnaissance des dispositions des articles US-11.2.5.A et US-11.2.5.A.5 du règlement du PSMV, en ce que les travaux projetés ne pouvaient être regardés comme la création d'une terrasse, dès lors que celle-ci préexistait, et qu'ils ne comportaient pas la pose d'éléments techniques en saillie ou en toiture, assurant en tout état de cause l'encoffrement des climatiseurs existants au sixième étage et ne les laisse pas visibles. Dans la mesure néanmoins où le maire d'Aix-en-Provence était en droit de procéder à nouveau à la consultation de l'architecte des Bâtiments de France, dont l'avis était susceptible de contestation devant le préfet de région, ce qui a effectivement été le cas, l'arrêté du 21 juin 2018 n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne le premier motif d'annulation précité retenu par le jugement du 26 octobre 2017.

S'agissant du bien-fondé de l'avis émis par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur :

7. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " (...) II. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l'indication des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d'immeubles : (...) 2° Dont la démolition ou la modification peut être imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-5 du même code : " Le règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur (...) peut préciser les conditions dans lesquelles la démolition ou la modification des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d'immeubles est imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées, en application du 2° du III de l'article L. 313-1. (...) ". Sur ce point, l'article 3 du règlement du PSMV d'Aix-en-Provence, relatif à la classification des immeubles, indique : " 3.1 Constructions / A. Dispositions applicables aux constructions existantes (...) Les prescriptions spécifiques portées au plan à des fins de mise en valeur / Ces prescriptions concernent les écrêtements, les surélévations, les suppressions de terrasse et les modifications repérées par des cercles vides de couleur noire contenant la lettre (E) Ecrêtement, (S) Surélévation,(T) suppression de Terrasse, et (M) Modification, pouvant être imposés à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées. / Par leur gabarit, leur composition et l'expression de leur rive et couverture, les édifices bâtis participent au paysage urbain, à son harmonie et son homogénéité. Certaines ruptures peuvent nuire à l'ensemble et doivent être modifiées, en particulier pour le rétablissement de la composition de l'ensemble urbain ou architectural. / Les prescriptions spécifiques sont les suivantes : (...) Les terrasses réalisées de manière précaire ou inesthétique, interrompant les rives et/ou particulièrement visibles depuis l'espace public, font l'objet de prescriptions de modification ou de suppression de terrasse. / Les immeubles faisant l'objet de cette prescription portée au Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur, sont référencés dans l'annexe des documents graphiques. (...) ".

8. La circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un document d'urbanisme régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble objet des travaux en litige est répertorié au PSMV d'Aix-en-Provence au titre des immeubles ou parties d'immeuble portés " à conserver ", constitutifs d'un ensemble architectural et urbain dont l'amélioration peut être imposée, en ce qui concerne le corps de bâtiment principal, et des immeubles ou parties d'immeuble pouvant être maintenus, améliorés ou remplacés, en ce qui concerne le corps de bâtiment donnant sur la cour arrière du 3-5 cours Mirabeau. Par ailleurs, en application du 2° du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, cet immeuble fait l'objet d'une prescription spécifique de modification (M) à des fins de mise en valeur selon laquelle la modification de la couverture pourra être imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées afin de restituer un couvrement traditionnel.

10. A l'extérieur, les travaux en cause portent sur la pose d'un nouveau revêtement du sol au 5ème niveau, l'application d'un enduit, le renforcement et la peinture des garde-corps existants et la pose de nouveaux garde-corps, la pose de cinq poteaux destinés à supporter des voiles tendues, la création d'un bar et d'un mur formant cascade d'eau en parement, le remplacement de la porte d'accès à la terrasse, la délimitation par un portillon et des jardinières de la zone accessible au public, la rehausse du sol de la toiture terrasse du 6ème niveau et l'encoffrement des climatiseurs existants. Les travaux intérieurs consistent à créer une rampe de rattrapage d'un dénivelé et à réaménager deux sanitaires.

11. En premier lieu, aux termes de l'article US-11.2.5. du règlement du PSMV d'Aix-en-Provence, relatif aux toitures : " Toitures. Ce chapitre traite des toitures des immeubles portés " à conserver " et des toitures des immeubles pouvant être modifiées. (...) / US-11.2.5.A Toitures des immeubles portés " à conserver " / Ces immeubles sont maintenus dans leur hauteur, leur volume et leur disposition d'origine sauf indications contraires (...) de Modification (M), portées aux documents graphiques du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur. (...) La création de terrasse en toiture n'est pas autorisée. / US-11.2.5.A.1 Toitures en tuiles creuses / Le paysage des toitures d'Aix-en-Provence est pour l'essentiel composé de toitures en tuiles creuses. (...) / a) Forme des toitures / Les toitures en tuiles creuses sont restaurées à l'identique de l'existant en conservant la même pente et la même disposition. (...) / La création de toiture terrasse en remplacement de toiture en tuiles creuses n'est pas autorisée sur les immeubles portés " à conserver ". / b) Matériaux de toiture et de couverture / Les toitures sont restaurées avec des tuiles creuses éventuellement neuves en égout et des tuiles creuses de réemploi en chapeau, ou des tuiles creuses neuves présentant une couleur panachée de façon aléatoire pour s'intégrer aux toitures en tuiles creuses anciennes. Les tuiles neuves vieillies artificiellement sont exclues. / Pour les immeubles ou parties d'immeubles portés " à conserver " dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, et pour les restaurations complètes de couverture : les tuiles creuses sont posées sur volige et quartons ou sur malons de couvert conformément aux dispositions anciennes et les dispositifs de sous toiture ne sont pas autorisés.

12. Le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur a estimé dans son avis du 29 octobre 2018 que le projet litigieux, qui impliquait de satisfaire à des obligations d'accessibilité et de sécurité des personnes, n'apparaissant manifestement pas compatible avec l'obligation de restitution d'une toiture traditionnelle résultant en particulier des dispositions citées au point 11. Il est constant que l'immeuble concerné comporte une toiture terrasse depuis la dépose, au cours du XXème siècle, de sa toiture en tuiles. Les travaux mentionnés au point 11, en dépit de leur caractère relativement léger, ne sont pas étrangers aux dispositions du règlement du PSMV d'Aix-en-Provence relatives aux toitures et ne rendent pas l'immeuble plus conforme à ces dispositions réglementaires mais, en pérennisant la toiture terrasse et en la rendant plus visible, en aggravent la méconnaissance par leur contrariété à l'objectif poursuivi par le PSMV de rétablir la composition de l'ensemble urbain ou architectural. Ainsi, la société requérante ne peut utilement soutenir, d'une part, que ces dispositions, relatives aux toitures en tuiles alors que l'immeuble en cause est surmonté d'une toiture terrasse, sont sans application en l'espèce, d'autre part, que ce motif méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 octobre 2017, lequel a censuré l'appréciation alors faite par l'administration qui avait considéré à tort que le projet prévoyait la création d'une terrasse alors que celle-ci préexistait. Si elle fait valoir que, postérieurement à la transformation précitée, cette terrasse a été couverte et vitrée de façon à y aménager une salle de restauration, ces aménagements et cet usage n'existaient plus aux dates de dépôt des différentes demandes de permis de construire citées au point 1.

13 En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le préfet de région aurait émis le même avis s'il ne s'était fondé que sur ce motif tiré de la méconnaissance de l'article US-11.2.5. du règlement du PSMV d'Aix-en-Provence.

14. En troisième lieu, la société Hôtel de France conteste l'avis émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France en ce que celui-ci a constaté l'incomplétude du dossier de permis de construire. Cette contestation est inopérante dans la mesure où l'avis émis par le préfet de région s'est substitué à cet avis sans reprendre ces éléments, qui ne constituaient du reste pas pour l'architecte des Bâtiments de France l'un de ses motifs de refus mais l'une des recommandations ou observations éventuelles.

En ce qui concerne les vices propres à l'arrêté du 18 juillet 2018 :

15. En premier lieu, la société Hôtel de France reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué n'a pas fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable alors qu'il retirerait selon elle un permis de construire tacite. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Marseille.

16. En second lieu, en raison de l'avis défavorable émis le 13 juillet 2018 par l'architecte des Bâtiments de France, confirmé par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'azur le 29 octobre 2018, le maire d'Aix-en-Provence était tenu de refuser de délivrer le permis de construire demandé par la société Hôtel de France. Par suite, les moyens tirés de la motivation insuffisante de l'arrêté du 18 juillet 2018 et de l'irrégularité d'une nouvelle consultation de la commission communale d'accessibilité sont inopérants.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par la ministre de la culture, lequel tend aux mêmes fins que celui produit par la commune d'Aix-en-Provence et, ne contenant aucune demande de substitution de motif, n'a pas développé d'autres moyens et arguments que celle-ci, la société Hôtel de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune d'Aix-en-Provence, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Hôtel de France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Hôtel de France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Hôtel de France est rejetée.

Article 2 : La société Hôtel de France versera à la commune d'Aix-en-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Hôtel de France, à la commune d'Aix-en-Provence et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

N° 21MA01305 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01305
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Application des règles fixées par les POS ou les PLU. - Compatibilité avec le plan de diverses opérations ou travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HACHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-29;21ma01305 ?
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