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29/09/2022 | FRANCE | N°20MA02413

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20MA02413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800145 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a réduit la base de l'impôt sur le revenu de Mme D... au titre de l'année 2006 d'une somme de 39 167 euros, déchargé l'intéressée, dans cette mesure, de la cotisation supplément

aire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie ainsi que des pénalités cor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800145 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a réduit la base de l'impôt sur le revenu de Mme D... au titre de l'année 2006 d'une somme de 39 167 euros, déchargé l'intéressée, dans cette mesure, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens tirés de ce que la comptabilité de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) A... ne pouvait être rejetée au motif que les coefficients de marge sont faibles et au motif que les coefficients de marge sur certains articles sont négatifs et ne sont pas comptabilisés distinctement ;

- c'est à tort que le vérificateur a regardé la comptabilité de l'EURL A... comme irrégulière et non probante ;

- la doctrine administrative référencée 4 G-3341, n° 9 et 10, relative à la régularité de la comptabilité, est opposable à l'administration ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est viciée et déloyale ;

- c'est à tort que des apports en compte courant ont été regardés comme un passif injustifié de l'EURL A... ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;

- l'administration a méconnu le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant qu'il y avait lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... est la gérante et unique associée de l'EURL A..., qui exploite à Cannes un commerce de chaussures, et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir notamment écarté la comptabilité de la société et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, a procédé à un contrôle sur pièces du dossier de Mme D..., et l'a assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006. Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle a été ainsi assujettie au titre de l'année 2006, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Nice, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par Mme D..., a expressément répondu, au point 3 de son jugement, au moyen soulevé par elle, tiré de ce que l'administration n'aurait pas été fondée à rejeter la comptabilité de l'EURL A.... Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

3. En premier lieu, le vérificateur a notamment relevé le défaut de détail des factures d'achat et de rétrocession d'articles au bénéfice des magasins du groupe, présentées par l'EURL A... au cours du contrôle, qui ne mentionnent que deux catégories de chaussures et deux catégories d'accessoires, ainsi qu'un prix unique pour chaque catégorie, alors que l'activité de la société porte sur des chaussures et accessoires de catégories diverses. Il a estimé que ce défaut de détail faisait obstacle à la vérification de la concordance entre les achats et les ventes comptabilisées. La requérante ne conteste pas utilement ce grief en produisant pour la première fois devant le juge de l'impôt quelques factures non détaillées, assorties d'un deuxième exemplaire de facture mentionnant le détail des articles. Par ailleurs, la circonstance que les factures auraient été contrôlées par les services des douanes est sans incidence sur le caractère insuffisant de leurs mentions. Ces seuls éléments suffisaient, en plus de ceux relevés par le vérificateur et relatifs aux coefficients anormalement bas, ou négatifs, et aux erreurs affectant la comptabilité matière, à faire considérer la comptabilité présentée par l'EURL A... au titre des exercices clos en 2006 et 2007 comme non probante et à procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires.

4. En deuxième lieu, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 9 et 10 de la documentation administrative référencée 4 G-3341, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

5. En troisième lieu, la méthode retenue pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL A... a consisté à déterminer un coefficient de marge à partir des prix de vente relevés dans le magasin par le vérificateur et des prix d'achat des articles en cause. Les coefficients ainsi déterminés, qui s'élèvent à 1,55 pour l'année 2006, et 1,56 pour l'année 2007, tiennent compte d'une pondération au titre des articles considérés comme des fins de série, à hauteur de 20 % des articles vendus. Ces coefficients ont été appliqués dans un premier temps à la part des achats revendus hors rétrocessions, puis, en réponse aux observations du contribuable, le vérificateur a admis de prendre en compte les montants des achats revendus proposés par la société elle-même. Si la requérante fait valoir que les conditions d'exploitation de la société auraient été profondément modifiées entre la période vérifiée et les opérations de contrôle, en raison de la baisse des prix d'achat des articles à compter de décembre 2007, et que le coefficient déterminé par le vérificateur ne correspond pas à la réalité de son exploitation, il est constant que celui-ci, qui a pris en compte un nombre significatif d'articles divers, s'est fondé sur les prix d'achat communiqués pour chaque article par le représentant de la société lui-même. Par ailleurs, Mme D... ne peut utilement faire valoir que les rétrocessions d'articles opérées à prix coûtant au bénéfice des autres magasins du groupe n'auraient pas dû être prises en compte pour la détermination du coefficient, dès lors qu'ainsi que la société l'a indiqué elle-même dans sa réponse à la proposition de rectification, le vérificateur a déterminé le coefficient à partir d'un relevé de prix des articles mentionnés sur les feuilles de caisse journalières. Par ailleurs, il ressort des tableaux annexés à la proposition de rectification qu'aucun des articles retenus pour déterminer le coefficient n'a été revendu à prix coûtant. Enfin, la requérante ne saurait revendiquer le taux d'articles soldés de 42 % résultant de la comptabilité de l'EURL A..., qui a été valablement rejetée comme non probante, ainsi qu'il a été dit précédemment, alors que l'administration fait valoir sans être contredite que le taux de rabais de 20 % sur l'ensemble du stock retenu par le vérificateur est cohérent avec la durée de rotation des stocks. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution retenue par l'administration serait viciée, ou, en tout état de cause, déloyale.

6. En quatrième lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Il appartient au contribuable qui s'en prévaut de justifier le bien-fondé des écritures de passif entrant dans la détermination de l'actif net d'un exercice.

7. L'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL A... de l'exercice clos en 2006 une somme globale de 206 257 euros correspondant à dix crédits du compte courant d'associé portant le libellé " règlement fournisseur C... ", au motif que cette dette n'était pas justifiée. Si la requérante fait valoir qu'elle aurait réalisé des apports en espèces par le retrait de sommes sur le compte bancaire de son exploitation personnelle et sur les caisses des boutiques, elle n'en justifie pas par la seule production de relevés bancaires mentionnant des retraits d'espèces réalisés pour certains plusieurs semaines avant les crédits en compte courant en cause, dont le montant total ne correspond d'ailleurs pas systématiquement aux crédits du compte courant, de tableaux récapitulatifs des recettes en espèces des magasins rédigés par ses soins et d'extraits des comptes de l'exploitant. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur a réintégré la somme de 206 257 euros dans le résultat de l'EURL A....

En ce qui concerne les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. La comptabilité de l'EURL A... était entachée d'insuffisances graves et la société a, de façon répétée, perçu des recettes non comptabilisées et n'a pas justifié d'importants passifs. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt. Dès lors, l'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la requérante. L'administration ayant établi l'intention délibérée de Mme D... d'éluder l'impôt, elle n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge de la majoration pour manquement délibéré mise à sa charge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme D... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... D... et au l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 29 septembre 2022.

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N° 20MA02413


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Dettes.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 29/09/2022
Date de l'import : 27/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA02413
Numéro NOR : CETATEXT000046575974 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-29;20ma02413 ?
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