Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Syk a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts.
Par un jugement n° 1800070 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a déchargé l'EURL Syk des amendes infligées sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, l'EURL Syk, représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens tirés de ce que la comptabilité ne pouvait être rejetée au motif que les coefficients de marge sont faibles et au motif que les coefficients de marge sur certains articles sont négatifs et ne sont pas comptabilisés distinctement ;
- c'est à tort que le vérificateur a regardé la comptabilité comme irrégulière et non probante ;
- la doctrine administrative référencée 4 G-3341, n° 9 et 10, relative à la régularité de la comptabilité, est opposable à l'administration ;
- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est viciée et déloyale ;
- c'est à tort que l'administration a fait application d'une marge commerciale aux achats rétrocédés aux autres magasins du groupe ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré ;
- l'administration a méconnu le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant qu'il y avait lieu d'appliquer la majoration pour manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Syk ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Syk, qui exploite à Cannes un commerce de chaussures, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir notamment écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période considérée, et a fait application de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts. L'EURL Syk relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2017, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal de Nice, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par l'EURL Syk, a expressément répondu, au point 3 de son jugement, au moyen soulevé par elle, tiré de ce que l'administration n'aurait pas été fondée à rejeter sa comptabilité. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
3. En premier lieu, le vérificateur a notamment relevé le défaut de détail des factures d'achat et de rétrocession d'articles au bénéfice des magasins du groupe, présentées au cours du contrôle, qui ne mentionnent que deux catégories de chaussures et deux catégories d'accessoires, ainsi qu'un prix unique pour chaque catégorie, alors que l'activité de la société porte sur des chaussures et accessoires de catégories diverses. Il a estimé que ce défaut de détail faisait obstacle à la vérification de la concordance entre les achats et les ventes comptabilisées. La société requérante ne conteste pas utilement ce grief en produisant pour la première fois devant le juge de l'impôt quelques factures non détaillées, assorties d'un deuxième exemplaire de facture mentionnant le détail des articles. Par ailleurs, la circonstance que les factures auraient été contrôlées par les services des douanes est sans incidence sur le caractère insuffisant de leurs mentions. Ces seuls éléments suffisaient, en plus de ceux relevés par le vérificateur et relatifs aux coefficients anormalement bas, ou négatifs, et aux erreurs affectant la comptabilité matière, à faire considérer la comptabilité présentée par l'EURL Syk au titre des exercices clos en 2006 et 2007 comme non probante et à procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires.
4. En deuxième lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 9 et 10 de la documentation administrative référencée 4 G-3341, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
5. En troisième lieu, la méthode retenue pour reconstituer le chiffre d'affaires a consisté à déterminer un coefficient de marge à partir des prix de vente relevés dans le magasin par le vérificateur et des prix d'achat des articles en cause. Les coefficients ainsi déterminés, qui s'élèvent à 1,55 pour l'année 2006, et 1,56 pour l'année 2007, tiennent compte d'une pondération au titre des articles considérés comme des fins de série, à hauteur de 20 % des articles vendus. Ces coefficients ont été appliqués dans un premier temps à la part des achats revendus hors rétrocessions, puis, en réponse aux observations du contribuable, le vérificateur a admis de prendre en compte les montants des achats revendus proposés par la société elle-même. Si la société requérante fait valoir que les conditions d'exploitation auraient été profondément modifiées entre la période vérifiée et les opérations de contrôle, en raison de la baisse des prix d'achat des articles à compter de décembre 2007, et que le coefficient déterminé par le vérificateur ne correspond pas à la réalité de son exploitation, il est constant que celui-ci, qui a pris en compte un nombre significatif d'articles divers, s'est fondé sur les prix d'achat communiqués pour chaque article par le représentant de la société lui-même. Par ailleurs, l'EURL Syk ne peut utilement faire valoir que les rétrocessions d'articles opérées à prix coûtant au bénéfice des autres magasins du groupe n'auraient pas dû être prises en compte pour la détermination du coefficient, dès lors qu'ainsi que la société l'a indiqué elle-même dans sa réponse à la proposition de rectification, le vérificateur a déterminé le coefficient à partir d'un relevé de prix des articles mentionnés sur les feuilles de caisse journalières. Par ailleurs, il ressort des tableaux annexés à la proposition de rectification qu'aucun des articles retenus pour déterminer le coefficient n'a été revendu à prix coûtant. Enfin, la requérante, dont la comptabilité a été valablement rejetée comme non probante, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne saurait revendiquer un taux d'articles soldés de 42 % résultant de sa comptabilité, alors que l'administration fait valoir sans être contredite que le taux de rabais de 20 % retenu par le vérificateur sur l'ensemble du stock est cohérent avec la durée de rotation des stocks. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution retenue par l'administration serait viciée, ou, en tout état de cause, déloyale.
6. En quatrième lieu, la réintégration aux résultats de l'EURL Syk de recettes résultant de l'application d'une marge commerciale sur les achats rétrocédés n'ayant pas eu d'incidence sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'administration aurait à tort fait application d'une marge commerciale aux achats rétrocédés aux autres magasins du groupe.
En ce qui concerne les pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
8. L'EURL Syk a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves et a, de façon répétée, perçu des recettes non comptabilisées. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt sanctionnée par l'article 1729 du code général des impôts, dont l'administration a seul fait application, et non par l'application de l'article 1758 A du même code. L'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la requérante. De plus, l'administration ayant établi l'intention délibérée de l'EURL Syk d'éluder l'impôt, elle n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La société requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à sa charge.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Syk n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL Syk la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de l'EURL Syk est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Syk et au l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.
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N° 20MA02408