Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL Entreprise Rieu a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2017 par lequel le maire de Blauvac a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 1703921 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré le 22 août 2019 et le 22 décembre 2021, L'EURL Entreprise Rieu, représentée par Me Martinez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2017 par lequel le maire de Blauvac a refusé de lui délivrer un permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de cette commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable en ce qu'elle critique le jugement attaqué ;
- l'arrêté attaqué procède au retrait du permis de construire qu'elle avait tacitement obtenu le 7 septembre 2017, sans qu'il ait été précédé de la procédure contradictoire préalable prévue par les articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit ;
- il est entaché d'une première erreur de fait en ce que la réalité de son exploitation agricole est démontrée ;
- il est entaché d'une seconde erreur de fait en ce que le terrain d'assiette du projet est classé en zone d'aléa fort feux de forêt et non pas très fort. Le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et de fait.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2021 et 4 janvier 2022, la commune de Blauvac, représentée par Me Coque, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'EURL Entreprise Rieu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable faute de moyens d'appel et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Entreprise Rieu a déposé le 18 mai 2017, auprès des services de la commune de Blauvac (Vaucluse), une demande de permis de construire en vue de régulariser les travaux suivants, réalisés sur un terrain cadastré n° AD 80 et situé lieudit " Les Gauchers " : le réaménagement et l'extension d'un logement existant destiné à l'éleveur équin, la création de deux logements de 23 et 36 mètres carrés destinés aux employés de l'élevage, la construction d'un bâtiment de 376 mètres carrés d'emprise au sol constitué de 9 boxes à chevaux, d'une sellerie et d'un auvent, la réalisation d'une salle de réunion de 34 mètres carrés ainsi que l'installation de 5 enclos. Par un arrête du 4 septembre 2017, le maire a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée. L'EURL Entreprise Rieu relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à annuler l'arrêté du 4 septembre 2017 par lequel le maire de Blauvac a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. La requête d'appel de l'EURL Entreprise Rieu qui comporte une critique du jugement attaqué, ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance. Par suite, la commune de Blauvac n'est pas fondée à soutenir que la requête est irrecevable à défaut de moyen d'appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. L'article L. 424-2 du code de l'urbanisme dispose : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. (...) ". Selon l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) // b) Permis de construire (...) tacite. (...) ". L'article R. 423-23 de ce code prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) // b) Deux mois (...) pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle (...) ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...) ". D'après l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Enfin, aux termes de son article R. 423-47 : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu notification à la date de la première présentation du courrier. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'un permis de construire est réputé être titulaire d'un permis tacite si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier
5. L'administré, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement présenté qu'à celle-ci au sens des dispositions de l'article R. 423-47 du code de l'urbanisme, lorsqu'il informe La Poste de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'EURL Entreprise Rieu a déposé sa demande de permis de construire en mairie de Blauvac le 18 mai 2017 ainsi que des pièces complémentaires le 6 juin suivant. En application des dispositions citées au point 4, le délai d'instruction expirait donc le 6 septembre 2017. Si la commune de Blauvac soutient que l'EURL Entreprise Rieu a omis de déclarer à l'administration un changement d'adresse sans lequel le pli aurait été présenté le 6 septembre 2017 à l'adresse dont elle avait connaissance, la société pétitionnaire, qui établit avoir souscrit un contrat de réexpédition avec la Poste pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, est fondée à se prévaloir de la date du 8 septembre 2017 comme date de première présentation au sens des dispositions de l'article R. 423-47 du code de l'urbanisme, correspondant à celle à laquelle le pli a été présenté à son adresse de réexpédition. Par suite, l'arrêté attaqué du 4 septembre 2017 notifié le 8 septembre 2017 doit être analysé comme un retrait d'un permis de construire tacite.
7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Les dispositions précitées font également obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée.
8. Il est constant que l'arrêté attaqué du 4 septembre 2017, qui retire un permis de construire tacite, n'a été précédé d'aucune procédure contradictoire permettant à l'EURL Entreprise Rieu d'être informée de la mesure que la commune de Blauvac envisageait de prendre. Par suite, elle est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une décision irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
9. Pour application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'entreprise requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2017 par lequel le maire de Blauvac a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EURL Entreprise Rieu, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EURL Entreprise Rieu demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Blauvac la somme demandée par l'EURL Entreprise Rieu au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1703921 du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 4 septembre 2017 du maire de Blauvac sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l'EURL Entreprise Rieu et le la commune de Blauvac est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Entreprise Rieu et à la commune de Blauvac.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.
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N° 19MA03999
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