La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2022 | FRANCE | N°22MA00580

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 23 septembre 2022, 22MA00580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2200282 du 21 janvier 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande comme manifes

tement irrecevable en raison de sa tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2200282 du 21 janvier 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 21 juin 2022, sous le n° 22MA00580, Mme A... épouse C..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 21 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " mention vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Chartier au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 laquelle s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance attaquée :

- sa requête n'était pas tardive dès lors que le délai de recours a été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle et qu'aucun élément n'est de nature à établir la date de notification de la décision d'aide juridictionnelle à la requérante et à son conseil ;

- le premier juge s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 221-1 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'existent pas ;

- l'article R. 221-1 4° du même code ne permet pas de rejeter une requête au motif de sa prétendue tardiveté ;

S'agissant de l'arrêté contesté :

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de Mme A... épouse C....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... épouse C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse C..., née le 12 octobre 1958 et de nationalité arménienne, déclare être entrée en France le 23 mai 2013 sous couvert d'un visa Schengen de type C délivré par les autorités italiennes, accompagnée de son époux, de son fils, de sa belle-fille et de sa petite fille. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 3 juin 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides dont le réexamen a été déclaré irrecevable le 30 mai 2016 et par deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile des 5 décembre 2014 et 19 décembre 2016. Le 23 novembre 2020, elle a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par arrêté du 13 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... épouse C... relève appel de l'ordonnance en date du 21 janvier 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 avril 2021 en raison de sa tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

3. Selon les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code précité, dans sa rédaction applicable aux faits en litige : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...). / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi (...)". L'article R. 776-5 du même code énonce pour sa part que : " I.- Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné à l'article R. 776-2 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif. (...) ".

5. Aux termes du troisième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) / Dans tous les cas, ces recours peuvent être exercés par les autorités suivantes : / le garde des sceaux, ministre de la justice, pour ceux qui sont intentés contre les décisions du bureau institué près le Conseil d'Etat ; / le ministère public pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux ; / le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour ceux qui sont intentés contre les décisions des bureaux institués près ces juridictions et le bâtonnier pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux ".

6. Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ". Selon l'article 56 du même décret : " La décision du bureau, de la section du bureau ou de leur président est notifiée à l'intéressé par le secrétaire du bureau ou de la section du bureau par lettre simple en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale, et au moyen de tout dispositif permettant d'attester la date de réception dans les autres cas. (...) ". Aux termes de l'article 69 de ce décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. / Le délai du recours ouvert par le troisième alinéa de cet article au ministère public, au garde des sceaux, ministre de la justice, au bâtonnier de l'ordre des avocats dont relève l'avocat choisi ou désigné au titre de l'aide, ou, en l'absence de choix ou de désignation, au bâtonnier de l'ordre des avocats établi près le tribunal saisi ou susceptible d'être saisi, ou au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est d'un mois à compter du jour de la décision. "

7. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse C... a présenté, le 7 mai 2021, une demande d'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande formée dans le délai de recours de trente jours a été de nature à interrompre ce délai contre cette décision. Par décision du 14 juin 2021, Mme A... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. La date de notification de cette décision du bureau d'aide juridictionnelle ne ressort pas des pièces du dossier. Alors même que la décision l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle serait devenue définitive, le délai de recours contentieux n'avait pas recommencé à courir à l'encontre de Mme A... épouse C... en l'absence d'une telle notification. Par suite, la demande enregistrée le 12 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif de Marseille n'était pas tardive. La requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en raison de son irrecevabilité. Il y a lieu d'annuler cette ordonnance pour irrégularité et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... épouse C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2200282 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 21 janvier 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... épouse C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse C..., à Me Frédérique Chartier et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au tribunal administratif de Marseille.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2022.

2

N° 22MA00580

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00580
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-23;22ma00580 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award