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20/09/2022 | FRANCE | N°22MA00970

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 20 septembre 2022, 22MA00970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1901934, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses écritures :

- d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 17 août 2018 tendant à la revalorisation de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR), à compter du 1er septembre 2011, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux du 15 novembre 2018 ;

- de condamner la commune de Marseille à lui vers

er, à titre principal, la somme de 23 873,68 euros ou, à titre subsidiaire, celle de 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1901934, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses écritures :

- d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 17 août 2018 tendant à la revalorisation de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR), à compter du 1er septembre 2011, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux du 15 novembre 2018 ;

- de condamner la commune de Marseille à lui verser, à titre principal, la somme de 23 873,68 euros ou, à titre subsidiaire, celle de 21 486,31 euros, en ce qui concerne l'ISS, ainsi que la somme de 8 804,08 euros, en ce qui concerne la PSR, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi pour avoir été illégalement privé d'une partie de ces primes du 1er septembre 2011 au 31 août 2018 ;

- d'enjoindre à la commune de Marseille, d'une part, d'appliquer à son ISS un coefficient minimal de 1, à compter de septembre 2018, et de recalculer, le cas échéant, son ISS depuis 2011 et, d'autre part, de lui verser une PSR annuelle de 2 488,50 euros, ou au minimum de 1 659 euros, à compter du mois de septembre 2018, et de recalculer, le cas échéant, sa PSR à compter du mois de septembre 2011, sans que la somme due puisse être inférieure à 5 152,47 euros ;

- de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 1909010, après que, par un arrêt n° 19MA01077 du 18 octobre 2019, la Cour a annulé une ordonnance n° 1809426 du 8 janvier 2019 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction, M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses écritures :

- d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 17 août 2018 tendant à la revalorisation de son ISS et de sa PSR à compter du 1er septembre 2011, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux du 15 novembre 2018 ;

- de condamner la commune de Marseille à lui verser, à titre principal, la somme de 23 873,68 euros, ou, à titre subsidiaire, celle de 21 486,31 euros, en ce qui concerne l'ISS, ainsi que la somme de 8 804,08 euros, en ce qui concerne la PSR, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi pour avoir été illégalement privé d'une partie de ces primes du 1er septembre 2011 au 31 août 2018 ;

- d'enjoindre à la commune de Marseille, d'une part, d'appliquer à son ISS un coefficient minimal de 1, à compter de septembre 2018, et de recalculer, le cas échéant, son ISS depuis 2011 et, d'autre part, de lui verser une PSR annuelle de 2 488,50 euros, ou au minimum de 1 659 euros, à compter du mois de septembre 2018, et de recalculer, le cas échéant, sa PSR à compter du mois de septembre 2011, sans que la somme due puisse être inférieure à 5 152,47 euros ;

- de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Après avoir procédé à la jonction de ces deux demandes, le tribunal administratif de Marseille les a, par un jugement commun nos 1909010, 1901934 du 31 janvier 2022, rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 30 mars, et les 17 et 29 juin 2022, M. C..., représenté par Me Stioui, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 janvier 2022 ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet du maire de Marseille acquises les 21 octobre 2018 et 21 février 2019 ;

3°) de condamner la commune de Marseille à lui verser, à titre principal, la somme de 23 873,68 euros, ou, à titre subsidiaire, celle de 21 486,31 euros, outre les congés payés afférents, à titre de rappel d'ISS, et, à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au maire de Marseille de recalculer son ISS depuis 2011 ;

4°) à titre principal, de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 8 804,08 euros, outre les congés payés afférents à titre de rappel de PSR, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de Marseille de recalculer la PSR qui lui a été versée depuis septembre 2011, sans qu'elle ne puisse être inférieure à la somme de 5 152,47 euros, ni à la prime versée aux agents du même grade dans le même corps d'emploi et à responsabilité égale ;

5°) d'assortir les sommes que la commune de Marseille sera condamnée à lui verser des intérêts dus à compter de la réception de sa réclamation indemnitaire préalable ou, à défaut, de l'enregistrement de sa requête ;

6°) d'enjoindre au maire de Marseille de lui verser, d'une part, l'ISS en appliquant un coefficient de 1, à compter de septembre 2018, et, d'autre part, la PSR à hauteur, à titre principal, de 2 488,5 euros et, à titre subsidiaire, de 1 659 euros, par an minimum, à compter de septembre 2018 ;

7°) d'assortir ces mesures d'une astreinte dont il lui plaira de fixer le montant ainsi que la date d'effet ;

8°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur ses conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'ISS :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ; les délibérations du conseil municipal de Marseille prévoient que l'ISS ne pourra être versée à un taux minimum inférieur à 10 % du taux moyen, soit un coefficient de 0,9 ; ce n'est qu'à titre exceptionnel que le coefficient de modulation peut être minoré au vu de la manière de servir ; l'organe délibérant est tenu par le coefficient minimum prévu par l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités d'application du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ; la possibilité, à titre dérogatoire et exceptionnel, de minorer le coefficient de modulation individuelle de l'ISS est encadrée par une procédure stricte prévue par le paragraphe XXIII " Modalités d'application " des annexes à ces délibérations ; le coefficient de modulation qui lui est appliqué varie de 48 et 55 % du taux de base depuis 2011 et méconnaît dès lors la procédure prévue par ce paragraphe ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré que le maire de Marseille pouvait valablement fixer des coefficients de modulation individuelle de 0,1 et que la procédure particulière de baisse du coefficient ne pouvait s'appliquer qu'en cas de baisse de la prime d'une année sur l'autre ;

- si, par extraordinaire, la Cour devait valider la possibilité d'appliquer un coefficient de modulation individuel de 0,1, cela signifierait que ce point de la délibération serait illégal car pris en méconnaissance du décret et l'arrêté de 2003 ;

- l'attribution d'un taux d'ISS inférieur à 90 % du taux de base n'est pas justifiée au regard de sa manière de servir et la modulation à la baisse de la prime ISS relève donc d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est à la commune de rapporter la preuve d'un défaut de l'agent dans sa manière de servir ;

- pour les ingénieurs, l'arrêté ministériel du 25 août 2003 prévoit que le coefficient de modulation individuelle peut varier entre 0,85 et 1,15, soit une variation de 15 % par rapport au taux moyen ;

- le coefficient de modulation individuelle retenu ne tient pas compte de la manière de servir et une rupture d'égalité entre agents apparaît ;

En ce qui concerne la PSR :

- il perçoit une PSR d'un montant annuel qui varie entre 699,69 et 963 euros, soit en deçà du montant de base fixé à 1 330 euros, pour les techniciens territoriaux de 2ème classe, et à 1 659 euros, pour les ingénieurs territoriaux, alors que l'organe délibérant n'a prévu aucune modulation à la baisse ;

- sa manière de servir et ses responsabilités ne sauraient justifier des taux de PSR aussi bas ;

- la modulation à la baisse du montant de sa PSR a été opérée sans respect de la procédure prévue par la délibération ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

- la commune de Marseille a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal administratif de Marseille, il est en droit de prétendre à l'indemnisation qu'il sollicite ;

- le montant du préjudice qu'il a subi au titre de l'ISS pour la période comprise entre le 1er septembre 2011 et le 31 août 2018 s'élève à 23 873,68 euros, par application du coefficient individuel de 1 et à 21 486,31 euros, par application du coefficient individuel de 0,9 ;

- le montant de son préjudice au titre de la PSR pour la même période s'élève à 8 804,08 euros, par application du coefficient de 1,5.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête encourt le rejet par adoption des motifs du jugement attaqué dès lors que M. C... se borne à reprendre les moyens de légalité interne développés en première instance ;

- à titre subsidiaire, les demandes relatives à l'ISS et la PSR de l'appelant pour la période antérieure au mois d'octobre 2017 sont irrecevables car tardives ;

- à titre infiniment subsidiaire, les demandes indemnitaires présentées par M. C... ne sont pas fondées.

Par une ordonnance du 25 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 et l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application ;

- le décret n° 2009-1558 du 15 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Stioui, représentant M. C..., et de Me Daïmallah, substituant Me Mendes Constante, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Détaché, à compter du 1er septembre 2011, au sein des services de la commune de Marseille, d'abord, dans le cadre d'emplois des techniciens territoriaux, avec le grade de technicien principal de 2ème classe, puis dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, à compter du 2 mai 2016, M. C... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, principalement, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur la demande qu'il a présentée le 17 août 2018 tendant à la revalorisation de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR) et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Marseille à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi pour avoir été illégalement privé d'une partie de cette ISS et de cette PSR, à compter du 1er septembre 2011.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de l'ISS :

2. Aux termes de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, alors en vigueur, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. (...) ". Aux termes de l'article 88 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de cet article 88 précise, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. (...) ". L'article 2 de ce même décret dispose, en outre, que : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe (...) la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il revient d'abord à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse, en vertu du principe de parité qui est énoncé, être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat (Conseil d'Etat, 7 juin 2010, n° 312506, B). Il appartient ensuite à l'autorité investie du pouvoir de nomination de déterminer dans les limites prévues par l'assemblée délibérante de la collectivité le taux individuel d'indemnités applicable aux fonctionnaires de cette collectivité.

Quant à l'ISS applicable aux agents relevant du cadre d'emplois des techniciens territoriaux :

4. L'article 1er du décret susvisé du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux dispose que : " Les techniciens territoriaux constituent un cadre d'emplois technique de catégorie B au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 (...). / Ce cadre d'emplois comprend les grades de technicien, de technicien principal de 2e classe et de technicien principal de 1re classe (...) ".

5. En l'espèce, et en premier lieu, au point 7 de l'annexe à la délibération qu'il a adoptée le 15 décembre 2003, le conseil municipal de Marseille a fixé le régime indemnitaire de l'ISS en déterminant les modalités d'attribution de celle-ci pour les techniciens territoriaux. A ce titre, ledit conseil municipal a prévu qu'elle serait attribuée individuellement en fonction des missions exercées et de la manière de servir, et il a, en outre, précisé que : " Les attributions individuelles font l'objet d'une modulation entre le montant individuel minimal et maximal. / Le montant individuel minimal se calcule (...) par l'application de 10 % du montant moyen déterminé pour chaque grade ou classe et par application du montant minimum individuel prévu par les textes pour la prime de service et de rendement. Des minorations sont toutefois possibles en fonction des situations individuelles et à l'appui de décisions circonstanciés ". Il résulte ainsi clairement de l'objectif fixé dans cette délibération du 15 décembre 2003 que les attributions individuelles font l'objet d'une modulation en fonction de multiples critères, dont la manière de servir. Les délibérations successives ultérieurement adoptées par le conseil municipal afin de fixer le régime indemnitaire annuel des agents de la commune de Marseille reprennent, s'agissant de l'ISS, le cadre ainsi défini. Dans ces conditions, et alors même que leurs énoncés sont légèrement différents, l'ensemble de ces délibérations successives doit être interprété comme prévoyant que la limite basse du montant individuel de la prime qui peut être allouée correspond à 10 % d'un montant, dit " montant moyen annuel " déterminé pour chaque grade ou classe et calculé par référence aux dispositions applicables aux fonctionnaires de l'Etat à partir d'un taux de base annuel multiplié par un coefficient par grade du cadre d'emploi et un coefficient géographique, permettant une modulation entre 10 % du " montant moyen annuel " et le montant individuel maximal, ce dernier calculé par référence aux textes applicables aux fonctionnaires de l'Etat et non allant, comme M. C... l'estime, de 90 % de ce montant moyen annuel au montant annuel maximal. Par suite, le requérant, qui soutient que c'est à tort que la commune de Marseille considère que le montant minimum de l'indemnité spécifique de service est de 10 % du montant moyen de cette prime et non de 90 %, comme voté par son assemblée délibérante, n'est pas fondé à faire valoir que ladite commune aurait fait une inexacte application des délibérations susmentionnées de son conseil municipal. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

6. En deuxième lieu, il est constant que le décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, et l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application ne sont applicables qu'aux fonctionnaires de l'Etat. Alors même que la commune de Marseille s'en serait inspirée pour le calcul du " montant annuel moyen " en cause, ce qu'elle avait, au demeurant, entière liberté de faire dans le respect du principe de parité, ces deux textes ne constituent pas la base légale de la délibération adoptée par le conseil municipal de Marseille le 15 décembre 2003, ni, au demeurant, celle des délibérations successives susmentionnées, et cette délibération n'a pas été prise en application de ce décret, ni de cet arrêté. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cette délibération du conseil municipal de Marseille du 15 décembre 2003 aurait été adoptée en méconnaissance de ces deux textes ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, M. C... soutient qu'en vertu des dispositions du paragraphe XXII " Modalités d'application " contenu dans les annexes aux délibérations applicables, la modulation à la baisse du régime indemnitaire d'un agent doit être motivée et notifiée à l'intéressé dans le cadre d'un entretien, et qu'un rapport circonstancié, reposant sur des faits objectifs et avérés, doit être joint à la proposition de diminution. Mais, cette procédure ne s'applique qu'au cas de l'agent dont les primes baissent d'une année sur l'autre. Ce moyen doit dès lors être écarté comme inopérant alors que, sur la période en cause, comme l'ont au demeurant, relevé les premiers juges, le coefficient de modulation individuelle au titre de l'ISS appliqué à M. C... n'a pas varié à la baisse mais a augmenté ou, à tout le moins, été maintenu d'une année sur l'autre.

8. En quatrième lieu, le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient, fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent (Conseil d'Etat, 7 juin 2010, n° 312506, B).

9. Si, en l'espèce, M. C... énumère les coefficients de modulation individuelle qui auraient été appliqués à neuf agents de la commune de Marseille à l'occasion de leur embauche, il n'établit pas que ces agents se trouvaient dans la même situation que lui, en particulier au regard de leurs postes, de leurs affectations ou encore des conditions effectives d'exercice de leurs fonctions. Par suite, et alors que, d'une part, le requérant ne démontre pas davantage que, par comparaison à ces agents, la fixation de son propre coefficient n'aurait pas été corrélée à sa manière de servir et que, d'autre part, le rapport d'observations définitives dressé par la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), produit pour la première fois devant la Cour, reste un document d'ordre général, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les agents publics doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, M. C... reprend en cause d'appel le moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de ce que sa manière de servir ne saurait justifier un montant d'ISS inférieur au taux de base, qu'il détermine à 0,9, et de ce que l'autorité administrative aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation. Mais, le requérant n'apportant pas d'éléments probants nouveaux à l'appui de ce moyen, il y a lieu de l'écarter, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 8 de leur jugement attaqué.

Quant à l'ISS applicable aux agents relevant du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux :

11. L'article 1er du décret susvisé du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux dispose que : " Les ingénieurs territoriaux constituent un cadre d'emplois scientifique et technique de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux comprend les trois grades suivants : / 1° Ingénieur ; / 2° Ingénieur principal ; / 3° Ingénieur hors classe. "

12. En premier lieu, ainsi qu'il a été déjà dit, aux termes de la délibération adoptée par le conseil municipal de Marseille le 15 décembre 2003, le montant individuel minimal de l'ISS est calculé, non pas par l'application d'un abattement de 10 % sur le montant moyen, mais est égal à 10 % du montant moyen déterminé pour chaque grade. Dès lors, pour un ingénieur jusqu'à l'échelon 6, dont le coefficient de grade est fixé à 28, le montant moyen est égal à 10 133,20 euros, et le montant individuel minimal s'établit à 1 013,32 euros. Il s'ensuit que le maire de Marseille n'a pas méconnu cette délibération du 15 décembre 2003 et n'a pas donc pas entaché sa décision en fixant le montant minimal de l'ISS à 1 013,32 euros pour les ingénieurs jusqu'à l'échelon 6. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les montants de l'indemnité spécifique de service susceptibles d'être servis peuvent faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. " L'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 pris pour l'application de ce décret prévoit, dans sa rédaction applicable au présent litige, pour les ingénieurs des travaux publics de l'Etat, l'application de coefficients de modulation compris entre 85 % et 115 % du taux moyen.

14. M. C... soutient que la modulation du coefficient individuel de son ISS méconnaîtrait les dispositions de l'arrêté susvisé du 25 août 2003, motif pris de ce que le coefficient qui lui a été appliqué serait inférieur à ceux prévus pour les ingénieurs de l'Etat en vertu de l'article 3 de cet arrêté. Toutefois, ni les dispositions du décret susvisé du 25 août 2003, ni celles de cet arrêté du 25 août 2003, ni même celles de la délibération du conseil municipal de Marseille du 15 décembre 2003 n'interdisent à l'autorité territoriale de fixer la limite basse du coefficient multiplicateur individuel de référence en deçà du seuil de 0,85 prévu pour un ingénieur des travaux publics de l'Etat par cet article 3 de l'arrêté du 25 août 2003. Il suit de là que le maire de Marseille pouvait, sans méconnaître des dispositions dudit décret du 25 août 2003 et de son arrêté d'application du même jour, qui, ainsi qu'il a été déjà dit, ne régissent pas la situation des fonctionnaires territoriaux, modifier les coefficients susmentionnés et les fixer à des niveaux inférieurs à ceux applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Par conséquent, ce moyen doit être écarté.

15. En troisième et dernier lieu, en l'absence d'élément nouveau en cause d'appel, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 8 de leur jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la manière de servir de M. C... ne saurait justifier un montant d'ISS inférieur aux taux prévus pour les ingénieurs de l'Etat.

S'agissant de la PSR :

Quant à la PSR applicable aux agents relevant du cadre d'emplois des techniciens territoriaux :

16. Aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 15 décembre 2009 relatif à la prime de service et de rendement allouée à certains fonctionnaires relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Le montant individuel de la prime de service et de rendement, ainsi que de l'indemnité complémentaire à cette prime, est fixé en tenant compte, d'une part, des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées à l'emploi occupé et, d'autre part, de la qualité des services rendus. / II. - Lorsque l'indemnité complémentaire à la prime de service et de rendement prévue à l'article 5 n'est pas perçue, le montant individuel de cette prime ne peut excéder le double du montant annuel de base associé au grade détenu ou, le cas échéant, à l'emploi occupé par l'arrêté mentionné à l'article 4. / Le montant individuel total de la prime de service et de rendement et, lorsqu'elle est perçue, de l'indemnité complémentaire à cette prime ne peut excéder le triple du montant annuel de base associé au grade détenu ou, le cas échéant, à l'emploi occupé par l'arrêté susmentionné. "

17. S'agissant des communes, le pouvoir de modulation conféré au maire par une délibération du conseil municipal instituant une PSR et précisant, conformément aux dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 alors en vigueur et du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de cet article, le taux moyen et le taux maximal de cette prime, ne se limite pas à la possibilité de la faire varier entre ces deux taux, mais lui permet également de la fixer à un niveau inférieur au taux moyen.

18. En premier lieu, à l'instar des délibérations adoptées antérieurement, la délibération du 9 avril 2018 du conseil municipal de Marseille, prise en application de cet article 88 de la loi du 26 janvier 1984, qui définit le régime indemnitaire des agents municipaux de la filière technique de cette commune, prévoit la possibilité de leur verser une PSR, dont elle fixe les taux moyens par grade. Cette délibération fixe le taux de base de cette PSR à 1 330 euros, pour un technicien territorial principal de 2ème classe, et se réfère aux articles 5 et 6 du décret susvisé du 15 décembre 2009. Or, il résulte des dispositions précitées de cet article 6 de ce décret que le montant individuel de cette prime ne peut excéder le double du montant annuel de base associé au grade détenu. Dès lors que ces textes ne prévoient qu'un maximum, l'autorité territoriale pouvait, sans illégalité, et sans être par ailleurs tenue de prendre une décision circonstanciée, fixer le montant de la PSR du requérant en-deçà du taux de base, pour tenir compte des fonctions exercées et de sa manière de servir. M. C... n'est dès lors, pas fondé à soutenir que le maire de Marseille aurait commis une illégalité dans la fixation du taux de sa PSR. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

19. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des dispositions réglementaires fixant le régime de la PSR, non plus que d'aucun texte législatif, ni même d'aucun principe, que les agents aient droit à ce que cette prime leur soit attribuée à un taux ou à un montant déterminé. Par ailleurs, comme les premiers juges l'ont relevé au point 8 de leur jugement attaqué, M. C... ne justifie pas, au vu des pièces produites, qu'il aurait dû percevoir le montant maximum de la prime susmentionnée sur la période en cause. Le moyen afférent doit, dès lors, être écarté.

20. En troisième lieu, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la PSR accordée à M. C... ait varié à la baisse sur la période en cause, le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 7.

21. En quatrième et dernier lieu, à supposer qu'il soit soulevé, s'agissant également de la PSR, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les agents publics doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 8 et 9 du présent arrêt.

Quant à la PSR applicable aux agents relevant du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux :

22. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par référence à l'article 6 du décret du 15 décembre 2009 visé au point 15 ci-dessus, par une délibération du 9 avril 2018, le conseil municipal de Marseille a fixé le taux de base de la PSR à 1 659 euros, pour un ingénieur territorial. Par application des dispositions précitées de ce même article 6 du décret du 15 décembre 2009, le montant individuel de cette prime ne peut excéder le double du montant annuel de base annuel associé au grade détenu. Il est constant que les modalités de détermination de ce taux de base n'ont pas varié depuis 2011. Dès lors que ces textes ne prévoient qu'un maximum, l'autorité territoriale pouvait, sans illégalité, et sans être par ailleurs tenue de prendre une décision circonstanciée, fixer le montant de la PSR de M. C... en deçà du taux de base, pour tenir compte des fonctions exercées et de sa manière de servir. Ce dernier n'est dès lors, pas fondé à soutenir que le maire de Marseille aurait commis une illégalité dans la fixation du taux de sa PSR. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

23. En second lieu, en l'absence d'élément nouveau en cause d'appel, il y a, là encore, lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à juste titre au point 8 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la manière de servir de M. C... ne saurait justifier un montant de PSR inférieur aux taux prévus pour les ingénieurs de l'Etat.

24. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Marseille, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur la demande qu'il a présentée le 17 août 2018 tendant à la revalorisation de son ISS et de sa PSR. Ses conclusions à fin d'annulation doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

25. Pour les motifs qui viennent d'être exposés, et en l'absence d'illégalité fautive, les conclusions indemnitaires présentées par M. C... doivent également être rejetées.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

27. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'implique aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

28. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à M. C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

29. D'autre part, et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Marseille présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

2

No 22MA00970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00970
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : STIOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-20;22ma00970 ?
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