Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B..., épouse A... E..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2001707 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 février et 13 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Guigui, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, une carte de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse méconnaît l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2022, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1974 et déclarant être entrée en France au cours du mois d'octobre 2007, a déposé, le 21 octobre 2019, une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle relève appel du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes, refusant de lui délivrer un titre de séjour.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité marocaine, est mère d'un enfant de nationalité tunisienne, né le 15 mai 2017 sur le territoire français de son union avec un ressortissant tunisien titulaire d'une carte de résident d'une durée de dix ans qui était en cours de validité à la date de naissance de la décision implicite en litige. Les intéressés, qui se sont mariés au cours du mois de janvier 2017 et se sont séparés au mois d'octobre 2019, étaient en instance de divorce à la date de la décision attaquée. L'enfant de la requérante, qui a été pris en charge par son père à la suite de cette séparation conflictuelle, liée notamment aux graves problèmes de santé dont Mme B... a souffert, a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, laquelle mesure a d'ailleurs été maintenue, quelques semaines après la naissance de la décision implicite contestée, par un jugement du juge des enfants du tribunal judiciaire de Grasse du 24 mars 2020 confiant provisoirement la garde de cet enfant à son père et accordant un droit de visite médiatisé à Mme B.... Il ressort des pièces du dossier que cette dernière exerce, conjointement avec son ancien époux, l'autorité parentale sur son fils qui était âgé de moins de trois ans à la date de la décision implicite contestée. Dans les circonstances de l'espèce, en dépit des difficultés comportementales de Mme B..., la décision de refus de titre de séjour en litige, alors même qu'elle n'est pas accompagnée d'une mesure d'éloignement, a porté atteinte à l'intérêt supérieur du jeune enfant de l'intéressée. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que la décision de refus de titre de séjour en litige.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
6. Mme B... n'ayant déposé aucune demande d'aide juridictionnelle, elle n'est pas fondée à invoquer, au bénéfice de son avocate, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Toutefois, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 janvier 2022 est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes, à Me Guigui et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.
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N° 22MA00717
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