La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2022 | FRANCE | N°20MA01603

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 15 septembre 2022, 20MA01603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Redeco a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015.

Par un jugement n° 1805287 du 14 février 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2020, la SARL Redeco, représentée par Me Antomarchi, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 février 2020 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Redeco a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015.

Par un jugement n° 1805287 du 14 février 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2020, la SARL Redeco, représentée par Me Antomarchi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 février 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en examinant à nouveau, dans le cadre de l'examen de comptabilité, la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une période ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité ;

- l'administration a remis en cause un crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait validé ;

- l'administration a remis en cause un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une année prescrite ;

- le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 41 825 euros ne pouvait être regardé comme atteint par la péremption.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Redeco ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Redeco, qui exerce une activité de travaux d'études, de conception, de réalisation et de suivi dans le domaine immobilier, a fait l'objet d'un examen de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a notamment remis en cause l'à-nouveau du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 1er juillet 2014, soit 41 825 euros. La SARL Redeco relève appel du jugement du 14 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle été ainsi assujettie.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : / 1° Lorsque la vérification ou l'examen de comptabilité a été limité à des opérations déterminées ; / 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Et aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / (...) Dans le cas où l'exercice ne correspond pas à une année civile, le délai part du début de la première période sur laquelle s'exerce le droit de reprise en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés et s'achève le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle se termine cette période (...) ".

3. La SARL Redeco a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, puis d'un examen de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. Si, à l'issue de l'examen de comptabilité, l'administration a remis en cause l'à-nouveau du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 1er juillet 2014, correspondant à des opérations inscrites dans les comptes de la société au cours de la période qui avait antérieurement fait l'objet de la vérification de comptabilité, les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée postérieurement à l'achèvement d'une première vérification de comptabilité ou examen de comptabilité, quand bien même le fait générateur de la taxe ou son inscription en comptabilité auraient eu lieu au cours de la première période vérifiée ou examinée. Par suite, la SARL Redeco n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration (...) ".

5. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige procèdent, ainsi qu'il a été dit précédemment, de la remise en cause de l'à-nouveau du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 1er juillet 2014. Les exercices comptables de la SARL Redeco portant sur des périodes allant du 1er juillet au 30 juin, l'exercice ouvert le 1er juillet 2014 et clos le 30 juin 2015 n'était pas prescrit au moment des opérations de contrôle, qui se sont déroulées en 2018. Par suite, alors que l'administration, pour la détermination du montant de la taxe due au cours de la période soumise à une vérification ou un examen de comptabilité, est en droit de contrôler toutes les opérations qui ont concouru à la formation du crédit de taxe déductible quelles qu'en puissent être les dates, la SARL Redeco n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait remis en cause un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une année prescrite.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

7. En faisant valoir que l'administration aurait " validé " le crédit de taxe sur la valeur ajoutée existant au 31 décembre 2011, la SARL Redeco doit être regardée comme soutenant qu'elle aurait formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, si la société a obtenu le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 000 euros au titre du mois de novembre 2014, il n'est ni établi ni même allégué que cette décision serait motivée. De même, la société requérante ne démontre pas que le vérificateur aurait formellement pris position sur l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période soumise à la vérification de comptabilité, en se bornant à produire la copie de l'avis de mise en recouvrement émis à l'issue de ce contrôle, alors que l'administration fait valoir que la seule rectification opérée était relative à une discordance entre le chiffre d'affaires mentionné dans le bilan et celui mentionné dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'exercice clos le 30 juin 2013. Enfin, si la requérante produit la copie d'un avis de compensation, émis le 5 mars 2015, relatif notamment au crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 000 euros, ce document, qui, d'ailleurs, n'est relatif qu'aux modalités de paiement de l'impôt, ne comporte aucune motivation, et ne constitue donc pas davantage une prise de position formelle de l'administration sur l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée restituable. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes du I de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ". Aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au même code : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) ".

9. Il résulte des dispositions précitées que si le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le redevable, d'une part, il ne peut être exercé que lorsque le bénéficiaire de la prestation s'est acquitté du prix demandé et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, le délai pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le redevable. Tel qu'il est fixé par l'article 208 précité de l'annexe II au code général des impôts, ce délai, dont il n'est pas établi qu'il méconnaîtrait le principe d'équivalence posé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, respecte le principe d'effectivité rappelé par cette même juridiction dans les affaires jointes C-95/07 et C-96/07 du 8 mai 2008 dont se prévaut la requérante, ainsi que le principe de proportionnalité, dès lors qu'il ne saurait en lui-même rendre en pratique l'exercice du droit à déduction impossible ou excessivement difficile. Il résulte de l'instruction que le la SARL Redeco n'a pas mentionné sur sa déclaration la taxe sur la valeur ajoutée déductible à hauteur de 41 825 euros correspondant au solde débiteur de son compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 31 décembre 2011. Ainsi, conformément aux dispositions précitées du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, la société requérante ne pouvait réparer cette omission que jusqu'au 31 décembre 2013. Elle ne peut utilement se prévaloir à cet égard de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur cette période, qui s'est déroulée postérieurement à la date du 31 décembre 2013. Par conséquent, la SARL Redeco n'est pas fondée à soutenir que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 41 825 euros ne pouvait être regardé comme atteint par la péremption au 1er juillet 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Redeco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Redeco la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

12. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Redeco tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la SARL Redeco est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Redeco et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2022.

2

N° 20MA01063


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award