La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2022 | FRANCE | N°21MA01462

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 13 juillet 2022, 21MA01462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le directeur adjoint du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de sa prise en charge par cet établissement le 2 juin 2014 et, d'autre part, de condamner ledit centre hospitalier à lui verser une indemnité de 50 000 euros réparant ces mêmes conséquences dommageables.

Par un jugement n° 1803525

du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le directeur adjoint du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de sa prise en charge par cet établissement le 2 juin 2014 et, d'autre part, de condamner ledit centre hospitalier à lui verser une indemnité de 50 000 euros réparant ces mêmes conséquences dommageables.

Par un jugement n° 1803525 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 avril 2021 et le 11 mai 2022, M. A..., représenté par Me Loubat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 13 juillet 2017 du directeur adjoint du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins rejetant sa demande préalable d'indemnisation ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge le 2 juin 2014 dans cet établissement des soins ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la faute médicale :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'une part, le diagnostic de l'évolution de sa fracture de la styloïde cubitale vers la luxation de la radio cubitale inférieure avec subluxation postérieure du cubitus aurait dû être posé dès la fin du mois de juin 2014 au vu des radiographies réalisées les 23 juin et 7 juillet 2014 et, d'autre part, il s'est rendu à la consultation du 17 septembre 2014 ;

- en raison de la faute médicale commise par le docteur B..., il ne peut plus exercer d'activité professionnelle, il fait l'objet d'un suivi psychiatrique, il a subi une intervention chirurgicale du canal carpien et il bénéficie d'une allocation adulte handicapé consécutivement à l'incapacité de 10 % dont il est reste atteint ; eu égard à son âge, il est fondé à demander une somme de 25 000 euros en réparation de ces préjudices ;

Sur le défaut d'information :

- il n'a reçu aucune information relative à l'intervention qu'il a subie et qui n'a pas été réalisée en urgence contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- il n'a pas plus été informé au cours du suivi-post opératoire ;

- en raison de ces défauts d'information, il est fondé à demander une somme de 17 000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de se soustraire à l'intervention chirurgicale réalisée le 4 juin 2014 et une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Var informe la cour de ce qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance en application de l'article 15 du décret n° 86-15 du 6 janvier 1986.

Elle soutient que la victime a été prise en charge au titre du risque maladie et que le montant provisoire des débours exposés pour cet assuré, selon le décompte produit aux débats, s'élève à 5 118,65 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2022, le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, représenté par Me Zuelgaray, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation du préjudice d'impréparation de M. A... à la somme de 800 euros en rejetant le surplus des conclusions de sa demande.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- si la cour retient l'existence d'un défaut d'information, alors la réparation du préjudice d'impréparation de M. A... doit être limité à 800 euros eu égard à la prise en charge en urgence dont il a fait l'objet et à l'absence d'alternative thérapeutique.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021.

Par ordonnance du 11 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge par cet établissement pour le traitement d'une fracture du poignet gauche le 2 juin 2014.

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins :

2. Il résulte de l'instruction que M. A... a été admis le 2 juin 2014 au service des urgences du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins pour une fracture du poignet gauche, type Gérard Marchant, consistant en une fracture de l'extrémité inférieure du radius extra articulaire et une fracture de la styloïde cubitale. Il a subi le surlendemain une réduction de la fracture du radius associée à une ostéosynthèse par trois broches et la fracture de la styloïde cubitale a été traitée par une immobilisation par plâtre pendant six semaines. Après des radiographies de contrôle du poignet pratiquées en juin et juillet 2014 et le retrait des broches le 16 juillet suivant, M. A... a bénéficié d'une rééducation du 22 juillet au 28 août 2014, d'une nouvelle radiographie de contrôle le 10 novembre 2014 ainsi que d'une consultation avec prescription d'un électromyogramme le 26 novembre suivant.

En ce qui concerne le retard de diagnostic :

3. M. A... soutient que le diagnostic de l'évolution de la fracture de la styloïde cubitale vers la luxation de la radio cubitale inférieure avec subluxation postérieure du cubitus, posé au cours du mois de novembre 2014, aurait dû l'être dès la fin du mois de juin au vu des clichés radiographiques réalisés les 23 juin et 7 juillet 2014.

4. Il résulte des conclusions, étayées et documentées, de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice que le traitement le 4 juin 2014 de la fracture du poignet, type Gérard Marchant, que présentait M. A..., par ostéosynthèse du radius après réduction et pose d'un plâtre prenant le coude pendant trois semaines suivi d'une manchette plâtrée de même durée, a été conforme aux données acquises actuelles de la science de même que le suivi post-opératoire, les différents contrôles effectués dans les suites immédiates de l'intervention puis les 23 juin et 15 juillet 2014, à la fois radiologique et par testing, n'ayant révélé ni déplacement de la styloïde cubitale ni dislocation radio cubitale inférieure. M. A... ne démontre pas, en se bornant à l'affirmer sans argument médical à l'appui de son assertion, que le diagnostic de lésion de la radio cubitale inférieure était évident au vu des radiographies réalisées le 23 juin 2014 et le 7 juillet 2014, alors que l'expert, spécialisé en chirurgie orthopédique, a indiqué dans son rapport circonstancié que les clichés radiographiques du 10 novembre 2014 montraient un " diastasis radio cubital inférieur avec luxation postérieure du cubitus par rapport au radius qui n'était pas visible sur les précédents clichés initiaux comme sur ceux du 23 juin 2014 ou du 15 juillet 2014 ". La circonstance que le compte-rendu de l'imagerie médicale réalisée le 7 juillet 2014 au centre hospitalier de Nice mentionne l'existence d'un doute concernant la fracture de la styloïde ulnaire associée, doute émis sous réserves eu égard aux conditions d'examen réalisé sous attelle, ne permet ni de démontrer la présence, à cette date, d'une luxation de la radio cubitale inférieure avec subluxation postérieure du cubitus, ni de remettre en cause les conclusions de l'expertise judiciaire. En outre, si M. A... soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il s'est présenté à la consultation de contrôle prévue le 17 septembre 2014 au service de chirurgie du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, il ne l'établit pas par la production pour la première fois devant la cour du " Bulletin de venue ", ce document constituant la convocation à ce rendez-vous médical remis par l'hôpital et non la preuve de sa présence audit rendez-vous.

5. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, M. A... qui n'apporte au soutien de son argumentation aucun document ni élément d'ordre médical de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles le diagnostic de l'évolution de la fracture de la styloïde cubitale vers la luxation de la radio cubitale inférieure avec subluxation postérieure du cubitus ne pouvait être posé, eu égard aux contrôles radiologiques et par testing effectués en juin et juillet 2014 ainsi qu'à son absence au contrôle médical fixé au 17 septembre suivant, avant le mois de novembre 2014 à la suite des radiographies de contrôle auxquelles il s'est alors soumis, la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins ne saurait être engagée.

En ce qui concerne le défaut d'information :

6. Il résulte du rapport de l'expert, et n'est pas contesté, que M. A... n'a pas été informé des conséquences de l'intervention chirurgicale réalisée le 4 juin 2014 au sein du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, et notamment du risque d'évolution de la fracture de la styloïde cubitale vers la luxation de la radio cubitale inférieure avec subluxation postérieure du cubitus alors que la fréquence du risque de cette lésion de l'articulation ulnaire distale est supérieure à 5 % dans les traumatismes du poignet avec une fracture du radius associée ou non à une lésion de la styloïde cubitale. Il est toutefois constant que M. A... n'ayant été opéré que le surlendemain de son admission au service des urgences, le centre hospitalier ne peut sérieusement faire valoir que les praticiens du service n'auraient pas disposé du temps nécessaire pour lui délivrer les informations adéquates. Par suite, l'urgence n'étant nullement établie, ce manquement a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à l'égard de M. A....

7. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des conclusions de l'expert que la fracture de l'extrémité inférieure du radius extra articulaire associée à une fracture de la styloïde cubitale dont souffrait M. A... nécessitait impérativement un traitement chirurgical suivi d'un traitement par plâtre pour une durée classique de six semaines ou de trois semaines avec le coude et trois autres sans le coude, pour lequel aucune alternative thérapeutique ne comportant pas un tel risque ou comportant risque moindre ne pouvait être envisagée, de sorte que, même suffisamment informé que les soins qui lui ont été dispensés comportaient le risque qui s'est réalisé, M. A... n'aurait pu raisonnablement choisir d'y renoncer. Il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, la faute commise par le centre hospitalier en s'abstenant de lui délivrer les informations relatives à un tel risque n'est à l'origine d'aucun préjudice dont le requérant serait fondé à demander réparation.

8. Par ailleurs, M. A... n'est pas fondé à reprocher au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins de ne pas lui avoir délivré d'information relative au " suivi post intervention " dont il a fait l'objet, l'obligation d'informer le patient des risques encourus concernant la seule réalisation d'un acte médical.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à Me Loubat.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladies des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.

2

N° 21MA01462

nl


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award