Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Agu et Associés Var a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600947 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour avant renvoi :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin 2018 et le 9 avril 2019, la société Agu et Associés Var, représentée par Mes Labé et Cambournac, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 avril 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges se réfèrent à tort à l'article 44 octies du code général des impôts pour lui refuser le bénéfice de l'exonération alors qu'elle relève de l'article 44 octies A ;
- l'administration ne peut utilement soutenir qu'elle a réalisé une reprise d'activité, dès lors qu'aucune activité n'était exercée dans l'établissement situé dans la zone franche urbaine de Toulon avant le mois de juin 2009 ;
- elle a acquis l'activité d'expertises réalisées dans le Var, qui était exercée au Cannet, et l'a transférée à Toulon ; seule la qualification de transfert d'activité peut être retenue au sens de l'article 44 octies A du code général des impôts ;
- à compter du mois de juin 2009, elle remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ;
- en tout état de cause, l'opération d'acquisition de l'activité est, au sens de la loi, une création d'activité éligible au régime de l'article 44 octies A du code général des impôts ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2019 et le 16 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Agu et Associés Var ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 18MA02969 du 17 septembre 2019, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon (article 1er) mais, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande de la société Agu et Associés Var (article 2).
Par une décision n° 436048 du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la société Agu et Associés Var, annulé l'article 2 de l'arrêt du 17 septembre 2019 et renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2020, le 5 février 2021 et le 22 avril 2022, la société Agu et Associés Var conclut aux mêmes fins que précédemment, et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme portée à 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2021, le 26 février 2021, et 2 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que précédemment.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;
- le décret n° 2006-930 du 28 juillet 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société Agu et associés Var a exercé à compter de sa création, le 22 juin 2009, une activité d'expert d'assurances dans des locaux situés rue de B..., au sein de l'une des zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Elle a appliqué l'exonération totale d'impôt sur les sociétés, prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, aux bénéfices qu'elle a réalisés pendant les soixante mois suivant sa création. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération au titre des exercices clos au cours des années 2011 à 2013. Le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités en résultant. Par un arrêt n° 18MA02969 du 17 septembre 2019, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon et rejeté la demande présentée devant lui par la société Agu et Associés Var. Par une décision n° 436048 du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, sur le pourvoi de la société Agu et Associés Var, cet arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon et a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la Cour.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. (...) Si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes et si celles-ci bénéficient ou ont bénéficié des dispositions du présent article ou de celles de l'article 44 octies, l'exonération prévue au présent article s'applique dans les conditions prévues au premier alinéa en déduisant de la durée qu'il fixe la durée d'exonération déjà écoulée au titre de ces articles avant le transfert, la reprise, la concentration ou la restructuration (...) / III.- (...) Lorsqu'il répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'un des régimes prévus aux articles 44 sexies et 44 quindecies et du régime prévu au présent article, le contribuable peut opter pour ce dernier régime dans les six mois qui suivent la publication du décret en Conseil d'Etat procédant à la délimitation de la zone conformément à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, s'il y exerce déjà son activité ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui du début d'activité. L'option est irrévocable (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'exercice d'une activité dans une zone franche urbaine (ZFU) définie au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 entraîne de plein droit l'application de l'exonération totale qu'elles prévoient pendant les soixante mois qui suivent le début de l'activité. Si, lorsqu'il s'agit du transfert d'une activité exercée dans une zone franche urbaine ou de la reprise d'une activité exercée sur le même site, il résulte de ces mêmes dispositions que le cessionnaire ne peut bénéficier de cette exonération totale que pour la durée restant à courir après déduction de la durée d'exonération dont le cédant a précédemment bénéficié, l'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la condition que le cédant ait lui-même bénéficié de l'exonération.
4. Il résulte de l'instruction que, par acte du 22 juin 2009, la société Agu et Associés Var, a acquis, auprès de la société D..., un établissement secondaire formant une branche complète d'activité d'expertise d'assurance, précédemment acquis par la société venderesse auprès de la société E..., par acte sous seing privé du 1er juillet 2005. Cet établissement se situait dans la zone franche urbaine " Toulon centre ancien ", figurant à l'annexe au décret du 28 juillet 2006 pris en application du deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi du 4 février 1995. Conformément à ce qui a été dit au point 3, le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts, à compter de la date à laquelle la société Agu et Associés Var a débuté son activité, n'était pas subordonné à la condition que cette activité ait précédemment bénéficié de l'exonération applicable dans les zones franches urbaines. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le point de savoir si l'opération a consisté en une reprise ou un transfert d'activité, et alors qu'il est constant que la société D... Var n'avait pas bénéficié de cette exonération, la société requérante était en droit de bénéficier, contrairement à ce que fait valoir le ministre, de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code, à compter de la date à laquelle elle a elle-même débuté cette activité.
5. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si l'établissement a été transféré, à compter du 1er janvier 2012, au C... à Toulon, ce nouveau siège est encore compris dans le périmètre de la même zone franche urbaine.
6. Enfin, la société requérante, qui n'entrait pas dans le champ d'application du dernier alinéa du III de l'article 44 octies A, qui ne vise que les contribuables qui répondent également aux conditions requises pour bénéficier des exonérations prévues pour certaines entreprises nouvelles ou implantées dans les zones de revitalisation rurales, n'était pas tenue d'exercer une option pour le régime de l'article 44 octies A, dans les six mois suivant celui du début de son activité.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par la société Agu et Associés Var, que celle-ci est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Agu et Associés Var de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E
Article 1er : La société Agu et Associés Var est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : L'Etat versera à la société Agu et Associés Var une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agu et Associés Var et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Helmlinger présidente de la Cour,
- Mme Paix, présidente de chambre,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.
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N° 20MA04110