Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 15 mars 2019 par lequel la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a prononcé sa révocation à compter du 28 mars 2019 et l'a radié des effectifs du personnel du département à compter de la même date et, d'autre part, de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1904187 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021, M. C..., représenté par
Me Salord, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 2021;
2°) d'annuler cet arrêté du 15 mars 2019 ;
3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de
5 000 euros en réparation des préjudices financier, matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de cette décision ;
4°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône les entiers dépens et la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucun des griefs retenus contre lui pour prononcer sa révocation n'est justifié et la mesure en litige est disproportionnée, n'ayant encouru aucun reproche les quatre premières années de sa nomination, n'étant l'auteur ni de la communication des photographies de denrées alimentaires, ni de vol de ces produits, mais ayant au contraire joué le rôle de lanceur d'alerte à cet égard, alors qu'il subit des agissements de harcèlement moral depuis 2015 et que la révocation le place dans une situation financière délicate ;
- la mesure lui cause un préjudice direct et certain.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2022, le département des
Bouches-du-Rhône, représenté par Me Urien, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, faute d'être suffisamment motivée ;
- les moyens des conclusions en annulation ne sont en tout état de cause pas fondés ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande d'indemnisation adressée au département, et ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions en excès de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-54 du 26 janvier 1984 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Salord, représentant M. C..., et de Me Daïmallah, substituant Me Urien, représentant le département des Bouches-du-Rhône.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., adjoint technique territorial des établissements d'enseignement scolaire du département des Bouches-du-Rhône depuis 2012, en poste au collège Edgar Quinet de Marseille depuis la rentrée scolaire 2016-2017, a fait l'objet le 21 novembre 2018 d'une mesure de suspension de fonctions pour quatre mois, à compter du 28 novembre, puis par arrêté du 15 mars 2019, d'une mesure de révocation disciplinaire à compter du 28 mars. Par jugement du 4 octobre 2021, dont M. C... forme appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Pour prononcer, par l'arrêté en litige, pris sur avis favorable du conseil de discipline du 5 mars 2019, la révocation à titre disciplinaire de M. C..., la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône s'est fondée sur les motifs tirés de ce que, premièrement, il a tenu des propos agressifs envers ses collègues de travail et a adopté un comportement violent à l'égard du chef de cuisine, deuxièmement, il a fait montre d'une animosité violente à l'égard de sa hiérarchie en déchirant un rapport, troisièmement, il a refusé d'obéir, d'exécuter les tâches qui lui sont confiées, et de se conformer au port de la tenue réglementaire, et enfin, il a pris des clichés photographiques de plats servis aux élèves de la cantine du collège en les accompagnant de commentaires désobligeants pour l'établissement et en les communiquant aux élèves et aux surveillants.
5. En premier lieu, si les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du
13 juillet 1983 interdisent que toute mesure soit prise à l'encontre d'un agent public en prenant en considération le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral, et si M. C... affirme être victime depuis 2015 de tels agissements " en raison des autres agents du service cuisine ", il se borne à renvoyer pour en justifier à un certificat d'un médecin psychiatre, établi le 2 avril 2019, qui, sur la base des seules déclarations de l'intéressé, indique que celui-ci est en souffrance au travail depuis 2015, y souffre d'un sentiment d'isolement et d'incompréhension, du fait notamment des refus successifs à ses demandes de formation, et diagnostique un état anxio-dépressif, sans référence à une situation de harcèlement moral ou à des agissements d'agents précisément désignés. Ce faisant, M. C..., qui n'apporte pas d'élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, n'est pas fondé à se prévaloir d'une telle situation pour demander l'annulation de la sanction en litige.
6. En deuxième lieu, pour critiquer les motifs de cette sanction liés à ses actes d'insubordination et à ses propos et comportements agressifs, M. C..., qui se borne à se prévaloir de son intégrité irréprochable et à relever que des griefs concernant sa manière de servir ne lui ont été adressés par sa hiérarchie qu'à compter de l'année 2016, soit quatre années après son recrutement, ne remet pas en cause utilement les faits et manquements précis, leurs dates et leur nature, tels que décrits dans le rapport de saisine du conseil de discipline et repris par la décision en litige, et consistant notamment en un nettoyage superficiel et incomplet des salles de classe, ainsi qu'en un refus de porter la tenue réglementaire pour entrer dans les cuisines, signalé à deux reprises à l'intéressé qui, pourtant, disposait de l'équipement requis. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'ensemble des rapports établis au sujet de la manière de servir de M. C... depuis le 28 mars 2017, dont les énonciations ne sont nullement remises en cause par l'intéressé, soulignent ses actes de désobéissance et de refus d'exécuter des tâches. Plus particulièrement, un rapport du 2 novembre 2018 établi par le gestionnaire de l'établissement fait état de ce que, alors qu'a été annoncé à M. C... le projet de le déplacer dans un autre établissement, ce dernier a répondu à son gestionnaire que malgré cette mutation, il continuerait à se rendre dans son établissement et a déchiré le document ainsi remis. Le requérant s'était livré à un comportement identique le 4 juin 2018 à la remise d'un rapport par le gestionnaire de l'établissement, en lui adressant en outre des invectives. Il ressort également des pièces du dossier que, sous le coup d'une interdiction d'accéder au collège prononcée par sa principale le 16 novembre 2019, à effet au 19 novembre 2019, au motif des propos agressifs tenus par M. C... à l'égard de ses collègues de travail, celui-ci s'est tout de même présenté sur son lieu de travail le 19 novembre 2019 pour récupérer certains de ses effets personnels, a été accompagné à son casier pour ce faire mais a perdu son sang-froid en criant et tapant sur les murs et les casiers. Si M. C... verse au dossier d'appel une page de carnet à spirales sur laquelle trois agents du collège, qui ne précisent pas leurs qualités et postes respectifs ni ne datent leurs déclarations, affirment ne jamais avoir rencontré de problèmes avec le requérant qui, à l'égard de l'un d'eux, se serait montré " disponible au besoin ", un tel document, non assorti des pièces d'identité de ses auteurs, n'est pas de nature à remettre en cause le motif de la sanction, corroboré par les pièces du dossier, tenant aux propos agressifs de l'intéressé envers ses collègues et à son comportement violent à l'égard du chef de cuisine.
7. En troisième lieu, en prétendant que la photographie d'un plat servi aux élèves de la cantine du collège, supposée démontrer, avec le commentaire qui l'accompagnait, la présence de larves d'insectes, a été diffusée par les élèves, M. C... ne conteste pas être l'auteur de ce cliché, ainsi qu'en attestent la principale du collège et deux de ses agents. Bien que, en outre, il ne ressorte pas des pièces du dossier que cette photographie et son commentaire aient été mis en ligne sur les réseaux sociaux ou sur d'autres canaux de diffusion, il est constant que la principale du collège a été contrainte de s'en expliquer auprès des services du département des Bouches-du-Rhône pour les assurer de la qualité des plats servis aux élèves, et qu'il en est donc résulté dans cette mesure une désorganisation du service.
8. En quatrième lieu, M. C... ne peut utilement contester être l'auteur de vols de denrées alimentaires, dès lors que, à la différence du rapport de saisine du conseil de discipline, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône ne s'est pas fondée sur un tel motif pour le révoquer.
9. Si, en cinquième lieu, M. C... prétend avoir été un lanceur d'alerte en se désolidarisant des pratiques de vols de denrées alimentaires et de port de tenues civiles dans les cuisines, suivies par d'autres agents du collège, et s'il se prévaut à cet effet de deux courriers adressés à sa hiérarchie les 2 et 5 novembre 2018, l'intéressé, qui de la sorte ne nie pas être l'auteur des manquements énoncés aux points précédents, ne fait état ni d'un crime ou d'un délit, ni d'une menace ou d'un préjudice grave pour l'intérêt général au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui définit le statut juridique du lanceur d'alerte.
10. Enfin, les faits reprochés à M C..., qui constituent des manquements aux obligations d'obéissance et de comportement irréprochable, ainsi qu'à son devoir de réserve, sont de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction disciplinaire. Compte tenu de leur gravité et de leur caractère répété sur plus de deux années, et alors que M. C... avait déjà été sanctionné par une mesure d'exclusion temporaire des fonctions au collège Longchamp de Marseille, pour une durée de six mois dont cinq avec sursis, à compter du 25 août 2014, pour avoir adopté un comportement agressif et menaçant, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction de la révocation, malgré ses conséquences sur la situation financière de l'agent et les difficultés d'ordre personnel et familial qu'il a pu rencontrer avant le prononcé de cette sanction.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement querellé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de sa révocation. Il suit de là que ses conclusions indemnitaires fondées sur la prétendue illégalité fautive de cette décision, et n'invoquant aucune autre illégalité que celles dénoncées au soutien des conclusions en excès de pouvoir, doivent être rejetées par voie de conséquence. La requête d'appel de M. C... doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au département des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
N° 21MA043092