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23/06/2022 | FRANCE | N°21MA04972

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 23 juin 2022, 21MA04972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2102227 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté s

a demande.

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2102227 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2102228 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2021, sous le n° 21MA04972, M. B..., représenté par Me Harutyunyan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français résultant de l'arrêté préfectoral du 9 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, le préfet s'étant abstenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet s'est fondé sur des faits erronés ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté viole l'article L. 313-14 du code précité ;

- le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 a été méconnu.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021.

II. Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2021, sous le n° 21MA04973, Mme C... épouse B..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français résultant de l'arrêté préfectoral du 9 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté viole l'article L. 313-14 du code précité ;

- le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 a été méconnu.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté d'observations.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me Capdefosse substituant Me Harutyunyan, représentant M. B... et Mme C... épouse B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme C... épouse B..., ressortissants arméniens, nés le 14 septembre 1975 et le 30 mars 1978, relèvent appel des jugements du 8 juillet 2021 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 novembre 2020 en tant qu'ils portent refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

2. Les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. M. B..., pour justifier sa présence habituelle en France depuis octobre 2010, produit, pour chacune des années, de nombreux documents dont notamment, un justificatif d'ouverture d'un livret A délivré par la Banque Postale en février 2014, des relevés de ce livret A et des récépissés d'opérations financières attestant de mouvements réguliers sur son compte à partir de 2014, des récépissés de transfert d'argent pour 2011, 2013 à 2017, 2019 et 2020, des documents médicaux relatifs notamment à des soins reçus ou à des examens médicaux, des attestations de domiciliation du centre communal d'action sociale pour 2013 et 2014, un contrat de bail conclu le 8 août 2017 et des quittances de loyer. S'agissant plus particulièrement de l'année 2011, le requérant a entamé des démarches en vue de solliciter l'asile et produit des courriers adressés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides les 19 août et 14 octobre 2011. Il verse également une attestation de domiciliation administrative établie par la Croix Rouge française datée du 17 janvier 2011 ainsi qu'un justificatif de transfert d'argent daté du 7 septembre 2011. Il a également renseigné, le 8 février 2011, un dossier afin de se voir proposer une " offre de prise en charge d'hébergement en CADA au titre de l'aide sociale ". Au titre de l'année 2012, M. B... produit notamment un certificat d'hébergement au titre de la demande d'asile daté du 9 janvier 2012 et il lui a été délivré, à la suite de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, enregistré le 19 décembre 2011, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour valable du 20 mars 2012 au 19 juin 2012, prolongé jusqu'au 20 septembre 2012. Concernant l'année 2013, sont produits, outre des documents médicaux relatifs à des examens médicaux pour le début de l'année, une attestation de domiciliation du centre communal d'action sociale établie en mars et des récépissés de transfert d'argent pour les mois de juillet, septembre et novembre ainsi qu'un certificat provisoire d'immatriculation d'un véhicule au nom du requérant daté de septembre 2013. En outre, M. B... a travaillé, en qualité d'ouvrier, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de novembre 2013 à mai 2014, a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 18 décembre 2017 et produit les bulletins de salaires pour les mois de décembre 2017 à mars 2018 et a déposé, le 12 juin 2021, une déclaration d'activité artisanale. Eu égard à la nature et au nombre de pièces fournies sur l'ensemble de la période concernée, M. B... doit être regardé comme établissant avoir séjourné habituellement en France depuis son arrivée en octobre 2010. Par ailleurs, son épouse l'a rejoint en 2013, accompagnée de leur fille née en Arménie en 2010. Un second enfant est né en 2014, en France. Les enfants du couple sont scolarisés et parfaitement intégrés, en particulier leur fille aînée qui a reçu le prix d'honneur de la ville de Marseille en 2018. Mme C... épouse B... produit également de nombreuses pièces de nature à établir qu'elle réside habituellement en France depuis 2013. En outre, elle est employée dans un salon de coiffure depuis le 1er avril 2021 en contrat à durée indéterminée, à temps partiel. Enfin, les nombreuses attestations versées au dossier démontrent la bonne intégration de la famille en France. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée de leur séjour en France, les requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. B... et Mme C... épouse B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B... et à Mme C... épouse B... un titre de séjour. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer aux intéressés un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. M. B... et Mme C... épouse B... n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été accordée par décisions du 29 octobre 2021, leurs demandes tendant à ce que l'Etat leur verse à chacun la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Marseille du 8 juillet 2021 n° 2102227 et n° 2102228 et les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 novembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... et à Mme C... épouse B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme A... C... épouse B..., à Me Harutyunyan et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D... et Mme E..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.

2

N° 21MA04972, 21MA04973

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04972
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : HARUTYUNYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-23;21ma04972 ?
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