Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier (CH) de Hyères à lui verser une somme de 826 196,15 euros en réparation des préjudices subis en lien avec la prise en charge de sa mère au sein de cet établissement de santé le 31 mai 1997.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var a demandé au tribunal de condamner le CH de Hyères à lui verser la somme de 40 167,45 euros au titre des débours exposés pour son assuré M. B... et la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1803633 du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné le CH de Hyères à payer, à M. B..., 252 477,22 euros, à la CPAM du Var 39 346,62 euros au titre des débours outre 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 720 euros, à la charge définitive du CH de Hyères.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2020 et le 27 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Bourgin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulon en portant à 983 858,94 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du CH de Hyères ou, à titre subsidiaire, à 826 771,63 euros et de faire application du barème publié par la Gazette du Palais en 2020 pour l'indemnisation des préjudices futurs ;
2°) de fixer le point de départ des intérêts au taux légal au 31 août 2009, date d'enregistrement de la requête en appel de ses parents, ou, à titre subsidiaire, à compter du 31 mai 2015, date de consolidation de son état de santé ;
3°) d'ordonner l'exécution provisoire de toutes les dispositions de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CH de Hyères une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de la présente instance.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que sa lecture ne permet pas de connaître le calcul effectué pour aboutir à la somme, avant réduction de l'indemnité, de 137 605 euros allouée au titre de l'assistance pour tierce personne pour la période du 31 mai 2000 au 31 mai 2015 ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce que le tribunal n'a aucunement exposé les motifs qui l'ont conduit à rejeter sa demande d'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne après la consolidation de son état de santé ;
- enfin, le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où le tribunal n'a pas précisé le coût journalier retenu pour déterminer l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- la responsabilité du CH de Hyères a été reconnue par un arrêt définitif de cette cour du 25 juin 2015 qui a évalué le taux de perte de chance à 50 % en raison du défaut d'information de sa mère sur les risques d'un accouchement prématuré par voie basse d'un enfant en position caudale ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ses frais de médecin-conseil doivent être indemnisés à hauteur de 720 euros, et ses frais d'avocat à hauteur de 1 500 euros ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas alloué d'indemnité au titre de l'assistance par une tierce personne pour les trois premières années de sa vie et il a, à tort également, fait application d'un taux horaire insuffisant ; il y a par conséquent lieu de porter à la somme de 150 018,07 euros l'indemnité correspondant aux frais de l'assistance par une tierce personne avant consolidation de son état de santé ou, à titre subsidiaire, à la somme de 130 887,30 euros ;
- l'indemnité allouée au titre de l'assistance par une tierce personne à titre viager doit être portée à 528 354,27 euros ou, subsidiairement, à 408 389,75 euros, dès lors que ses besoins sont de deux heures par jour ;
- les frais de véhicule adapté seront indemnisés par une somme totale de 144 214,08 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser le préjudice scolaire qui doit être évalué à la somme de 10 000 euros ;
- l'indemnisation allouée au titre du préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire, dont le mode de calcul n'a pas été explicité par le tribunal, doit être réévaluée à la somme de 58 052,52 euros, ou, à titre subsidiaire, à la somme de 40 060,25 euros ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préjudice esthétique temporaire, évalué à 3,5 sur une échelle de 1 à 7, doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- l'indemnité allouée au titre du préjudice d'agrément doit être portée à 20 000 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le préjudice sexuel n'était pas établi ; l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être évaluée à la somme de 12 500 euros ;
- de même, c'est à tort que le tribunal a jugé que le préjudice d'établissement n'était pas établi ; ce poste de préjudice doit être indemnisé par une somme de 50 000 euros ;
- le point de départ des intérêts doit être fixé non pas au 15 février 2017, mais au 31 août 2009, date d'enregistrement de la requête en appel de ses parents ou, à titre subsidiaire, à compter du 31 mai 2015, date de consolidation de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2020, le CH de Hyères, représenté par la SELARL Abeille et associés, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement attaqué sauf en ce qu'il l'a condamné à indemniser M. B... sous forme de rente, fait application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais de 2018 et fixé comme point de départ des intérêts le 15 février 2017 avec capitalisation à compter du 16 février 2018 ;
2°) de débouter M. B... du surplus de ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'appelant, outre les dépens, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- M. B... n'établit pas que les frais divers n'auraient pas été pris en charge par un organisme de protection juridique et ne produit, en tout état de cause, aucun justificatif relatif à ces dépenses ;
- aucune somme ne saurait être accordée à M. B... au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre sa naissance et ses trois ans dès lors qu'il n'est pas rapporté des besoins d'assistance qui seraient sensiblement différents de ceux d'un enfant qui n'aurait pas subi de tels préjudices ;
- le taux horaire de l'assistance par une tierce personne non spécialisée est de 13 euros et les prestations versées au titre de l'AEEH doivent être déduites de l'indemnisation octroyée pour ce poste de préjudice ;
- le préjudice lié à l'assistance par une tierce personne à titre viager doit être réparé sous forme de rente trimestrielle d'un montant de 1 183 euros ;
- M. B... ne pouvant prétendre à l'indemnisation de l'acquisition du véhicule, seul le surcoût lié à l'aménagement du véhicule d'une boîte automatique et d'un frein électrique pourront être pris en charge, ainsi que l'a jugé le tribunal ;
- il ne ressort pas du rapport d'expertise que M. B... aurait subi un préjudice scolaire, en outre, aucune preuve de perte d'année d'étude ou de déscolarisation n'est rapportée ;
- le déficit fonctionnel temporaire, calculé sur une base mensuelle de 690 euros, pourrait être réparé par une somme de 40 060,25 euros après application du taux de perte de chance ;
- le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé de façon globale au sein du préjudice esthétique permanent, lequel a déjà été indemnisé par la cour dans son arrêt du 25 juin 2015 ;
- le montant sollicité par M. B... au titre du préjudice d'agrément est largement supérieur à ce qui est habituellement alloué par les cours et tribunaux, et la somme allouée par le tribunal devra être confirmée ;
- le rapport d'expertise ne retient pas de préjudice sexuel, et aucun des trois types de préjudice de nature sexuelle n'est établi ;
- le préjudice d'établissement n'est pas démontré ; à titre subsidiaire, la cour ne pourrait octroyer une somme supérieure à 10 000 euros à ce titre ;
- la condamnation au paiement des intérêts au taux légal ne peut être accordée que pour la période du 20 juillet 2020 au 10 août 2020.
La CPAM du Var, par une lettre enregistrée le 23 octobre 2020, a indiqué à la Cour ne pas intervenir dans la présente instance.
Par ordonnance du 11 août 2021, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée.
Un mémoire présenté pour le CH de Hyères a été enregistré le 10 septembre 2021, après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Un courrier présenté pour la CPAM du Var a été enregistré le 10 mai 2022, après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 ;
- l'arrêté interministériel du 30 décembre 2021 relatif au tarif minimal mentionné au I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles et fixant son montant pour 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné Mme Massé-Degois, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Bourgin, représentant M. B..., et de Me Cuordifede, représentant le CH de Hyères.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est né prématurément le 31 mai 1997 au CH de Hyères, par voie basse et en présentation de siège décomplété, en état de mort apparente avec une anoxie cérébrale pouvant être estimée à six minutes ainsi qu'une lésion du plexus brachial droit. Par un arrêt n° 09MA03310 du 25 juin 2015, la cour a retenu une faute commise par le CH de Hyères pour défaut d'information de la mère de M. B... sur les risques respectifs d'un accouchement par voie basse ou par césarienne en cas de présentation par le siège et a évalué à 50 % le taux de perte de chance d'éviter les complications dont il a été victime. Par le même arrêt, et avant la consolidation de son état de santé, la cour a indemnisé M. B... de ses préjudices liés au déficit fonctionnel permanent, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique et au préjudice professionnel par des indemnités d'un montant total de 35 000 euros. A la suite d'une demande d'expertise médicale adressée au tribunal administratif de Toulon aux fins d'évaluer les préjudices non encore indemnisés, dont le rapport a été déposé le 29 novembre 2017 devant cette juridiction, M. B..., après avoir vainement sollicité l'indemnisation de ces préjudices auprès du directeur du CH de Hyères, a demandé audit tribunal de condamner le CH de Hyères à lui verser une somme de 826 196,15 euros. Par un jugement du 20 juillet 2020, le tribunal a condamné le CH de Hyères à payer à M. B... une indemnité de 252 477,22 euros, cette somme portant intérêts à compter du 15 février 2017, et rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... relève appel de ce jugement afin que l'indemnité en capital octroyée par les premiers juges soit portée, en l'état de ses dernières écritures, à la somme de 983 858,94 euros à titre principal et de 826 771,63 euros à titre subsidiaire et que le point de départ des intérêts au taux légal soit fixé au 31 août 2009 ou subsidiairement le 31 mai 2015. Par la voie de l'appel incident, le CH de Hyères demande à la cour " de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon sauf en ce qu'il " l'a condamné " à indemniser M. B... sous forme de rente, et fait application du barème de capitalisation de la Gazette du palais de 2018 " et l'a condamné " aux intérêts légaux à compter du 15 février 2017 avec capitalisation à compter du 16 février 2018 ".
I - Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont exposé, s'agissant de l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne du 31 mai 2000 au 31 mai 2015, les différentes périodes au cours desquelles M. B... a eu besoin d'une telle aide, le nombre d'heures par jour qui lui était nécessaire pour chacune de ces périodes, le taux horaire fixé à 13 euros, ainsi que la non prise en compte des congés payés, des dimanches et des jours fériés prévus par la règlementation du travail. Ce faisant, ils ont suffisamment motivé leur jugement à cet égard.
3. Après avoir rappelé que M. B... demandait la prise en compte d'une assistance par tierce personne à hauteur de 14 heures hebdomadaires après consolidation de son état de santé, les premiers juges ont relevé qu'il résultait " toutefois de l'instruction que le requérant n'aura besoin que d'une aide viagère à compter du 1er juin 2015 qu'à raison d'une heure par jour ", motivant ainsi suffisamment leur rejet de sa demande présentée à ce titre.
4. Contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal, qui a procédé à une juste appréciation du préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire et n'avait pas, de ce fait, à préciser le coût journalier à prendre en compte pour procéder à ce calcul, a suffisamment motivé sa décision sur ce point.
II- Sur le bien-fondé du jugement :
II-1 Sur les préjudices de M. B... :
5. Par un arrêt n° 09MA03310 du 25 juin 2015, la cour a retenu un défaut d'information de la mère de M. B... sur les risques respectifs d'accouchements réalisés par voie basse et par césarienne en cas de présentation par le siège, et a fixé le taux de perte de chance d'éviter les complications dont M. B... a été victime à 50 %. Par suite, les préjudices subis par M. B... doivent être indemnisés par le CH de Hyères à hauteur de 50 % du dommage corporel advenu.
II-1.1 En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
II-1.1.1. S'agissant des frais divers :
6. S'il résulte de l'instruction que M. B... a exposé la somme de 720 euros pour l'intervention du médecin-conseil qui l'a assisté lors des opérations d'expertise, il ne produit, en revanche, aucun justificatif démontrant que, comme il le soutient, il a dû payer à son conseil des honoraires d'un montant de 1 500 euros pour son assistance à l'occasion de cette même expertise. Il y a donc lieu, en l'espèce, de limiter à la somme de 720 euros l'indemnité qui lui est due au titre des frais exposés pour les besoins de l'expertise laquelle, eu égard à sa nature, ne doit pas supporter de réfaction correspondant au taux de perte de chance retenu par le précédent arrêt de la cour.
II-1.1.2. S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
7. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
II-1.1.2.1. Quant à la période comprise entre le 31 mai 1997 et le 31 mai 2015 :
8. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de M. B... aurait nécessité une assistance par une tierce personne durant les trois premières années de sa vie, dès lors que, comme les premiers juges l'ont retenu à juste titre, il n'est pas établi qu'il aurait eu, durant cette période, besoin d'une surveillance dépassant les besoins spécifiques d'un enfant de cet âge.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a eu besoin d'une assistance par une tierce personne pour les actes de la vie courante à raison de 2 heures 30 par jour du 31 mai 2000 au 31 mai 2006, de 2 heures par jour du 1er juin 2006 au 31 mai 2011 et d'1 heure 30 par jour du 1er juin 2011 au 31 mai 2015, date de la consolidation de son état de santé. Cette assistance lui ayant été apportée par sa mère et non par du personnel spécialisé, M. B..., qui ne justifie pas de l'existence de besoins spécifiques liés à sa situation personnelle, n'est pas fondé à soutenir que le coût horaire de cette aide aurait dû être fixé à un montant supérieur à celui de 13 euros retenu par les premiers juges, qui tient compte du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de ces périodes, augmenté des charges sociales. Toutefois, et dès lors qu'il n'y a pas lieu de tenir compte, pour l'évaluation de ce poste de préjudice, de la circonstance que cette assistance lui a été apportée par un membre de la famille, il est fondé à soutenir qu'en fondant leurs calculs sur la base d'une année de 365 jours, et non de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par le code du travail, les premiers juges n'ont pas correctement déterminé le montant de l'indemnité qui lui était due à ce titre qui, eu égard à ce qui vient d'être dit, doit être évaluée à la somme de 166 036 euros. Il y a donc lieu de lui allouer à ce titre une indemnité, tenant compte du taux de perte de chance, de 83 018 euros pour la période du 31 mai 2000 au 31 mai 2015.
10. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
11. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
12. Il résulte de l'instruction que le total des prestations versées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé sur la période du 31 mai 2000 au 31 mai 2015 s'élève à la somme de 29 468,72 euros. Ainsi, et dès lors que le montant cumulé de ces prestations et de l'indemnité de 83 018 euros déterminée comme il a été dit au point 9 demeure inférieur au montant total de ce chef de préjudice, évalué à 166 036 euros, M. B... est fondé à soutenir qu'il y a lieu de ne procéder à aucune réfaction sur l'indemnité qui lui est due au titre de l'assistance par une tierce personne au cours de la période considérée.
II-1.1.2.2. Quant à la période du 1er juin 2015 à la date de lecture du présent arrêt :
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, qu'à compter de la date de consolidation de son état de santé, M. B... a besoin d'une assistance par une tierce personne de 7 heures hebdomadaires, soit pendant une heure par jour et non, comme il le soutient sans en apporter la démonstration, pendant deux heures par jour. Il n'établit par ailleurs pas avoir des besoins particuliers susceptibles de justifier l'assistance par du personnel spécialisé devant être rémunéré à un taux horaire supérieur à 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017, à 14 euros jusqu'au 31 décembre 2020 et à 15 euros à compter de cette dernière date. Eu égard à ces taux horaires, et en faisant application des modalités de calcul définies au point 9, il y a lieu d'évaluer ce poste de préjudice jusqu'à la date du présent arrêt à la somme totale de 40 153 euros soit, en tenant compte du taux de perte de chance, la somme de 20 076,50 euros.
14. Le total des prestations versées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé sur la période du 1er juin 2015 au 31 octobre 2016 s'élève à la somme de 2 210,74 euros. Ainsi, et dès lors que le montant cumulé de ces prestations et de l'indemnité de 20 076,50 euros déterminée comme il a été dit au point précédent inférieur au montant total de ce chef de préjudice, évalué à 40 153 euros, il y a lieu de ne procéder à aucune réfaction sur le montant de l'indemnité qui lui est due pour cette période.
II-1.1.2.3. Quant à l'assistance par une tierce personne future :
15. Pour la période postérieure au présent arrêt, M. B... aura besoin, ainsi qu'il a été dit au point 13, d'une assistance hebdomadaire de 7 heures. En appliquant, pour une aide non spécialisée le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés, il convient de retenir un montant annuel de 4 015 euros après application du taux de perte de chance. Il y a lieu de capitaliser cette somme par application du coefficient de 54,404 issu du barème 2020 de la gazette du palais et correspondant à la rente versée à un homme de 25 ans, soit l'âge de M. B... à la date du présent arrêt. Dès lors, le préjudice subi à ce titre à compter de la date de lecture du présent arrêt s'élève à la somme de 218 432,06 euros. M. B... est ainsi fondé à soutenir que l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal est insuffisante.
II-1.1.3. S'agissant des frais d'acquisition et d'adaptation du véhicule :
16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. B... rend nécessaire l'utilisation d'un véhicule adapté à son handicap. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, l'appelant est seulement fondé à être indemnisé des frais liés au surcoût d'acquisition d'un véhicule adapté à ses besoins et des frais d'adaptation de ce véhicule et non du coût total d'acquisition de ce véhicule. Par suite, eu égard aux éléments versés aux débats, ainsi que le fait valoir le CH de Hyères, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 26 374,70 euros après application du taux de perte de chance de 50 % sur la base d'un surcoût de 6 600 euros occasionné par l'aménagement d'un véhicule avec une boîte à vitesse automatique et un frein à main électrique ainsi que cela ressort du rapport d'expertise en tenant compte du prix de l'euro de rente viagère tel que défini par le barème de capitalisation des rentes actualisé en 2018 publié à la Gazette du Palais, soit 47,954, et du coût annuel d'un tel équipement basé sur un renouvellement du véhicule tous les six ans.
II-1.1.4. S'agissant du préjudice scolaire :
17. Il y lieu de rejeter la demande d'indemnisation du préjudice scolaire que M. B... soutient avoir subi par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui y ont exactement répondu au point 9 de leur jugement, le requérant ne produisant en appel aucun élément nouveau ou déterminant distinct de ceux soumis à leur appréciation.
II-1.2. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
II-1.2.1. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
18. Il résulte de l'instruction que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total en lien avec le défaut d'information du CH de Hyères pendant 36 jours du 31 mai au 6 juillet 1997, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 60 % pendant 3 250 jours du 7 juillet 1997 au 31 mai 2006, à 50 % pendant 1 825 jours du 1er juin 2006 au 31 mai 2011 et à 40 % pendant 1 460 jours du 1er juillet 2011 au 31 mai 2015. Les premiers juges n'ont pas fait une réparation insuffisante de ce préjudice en allouant à la victime la somme de 29 004,16 euros, tenant compte du taux de perte de chance, la circonstance qu'ils ont écrit " 250 jours " au lieu de 3 250 jours pour la période du 7 juillet 1997 au 31 mai 2006 ne résultant que d'une simple erreur de plume qui est demeurée sans incidence sur le calcul de l'indemnisation due à ce titre.
II-1.2.2. S'agissant du préjudice esthétique :
19. C'est à bon droit les premiers juges, après avoir relevé que le préjudice esthétique temporaire de M. B... avait déjà été indemnisé par l'arrêt précité du 25 juin 2015, et que l'intéressé n'établissait pas qu'il aurait subi un préjudice esthétique temporaire différent de celui déjà réparé, ont rejeté sa demande d'indemnisation. M. B... ne faisant valoir devant la cour aucun élément distinct de ceux soumis à leur appréciation, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation de ce poste de préjudice par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 12 de leur jugement.
II-1.2.3. S'agissant du préjudice d'agrément :
20. Contrairement à ce que soutient M. B..., les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de son préjudice d'agrément en le fixant au point 13 de leur jugement à la somme de 2 500 euros après application du taux de perte de chance de 50 % eu égard à la gêne éprouvée pour la pratique d'activités sportives impliquant les membres supérieurs.
II-1.2.4. S'agissant du préjudice sexuel :
21. M. B..., en raison du handicap de son bras droit, subit un préjudice sexuel pour lequel la réparation doit être fixée à 1 500 euros après application du taux de perte de chance.
II-1.2.5. S'agissant du préjudice d'établissement :
22. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du rapport d'expertise, que M. B... serait empêché de fonder une famille en raison de son handicap. Il n'est, dans ces conditions, pas fondé à solliciter l'indemnisation d'un préjudice d'établissement.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnité de 252 477,22 euros à laquelle le tribunal a condamné le CH de Hyères soit porté à 381 625,42 euros. En outre, la demande de M. B... tendant à l'exécution provisoire du présent arrêt doit être rejetée dès lors que celui-ci présente un caractère exécutoire en vertu des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative.
II-2 Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
24. Les intérêts sur l'indemnité réparatrice à verser à M. B... sont dus, ainsi que l'ont retenu les premiers juges au point 22 du jugement attaqué, à compter de la date à laquelle ce dernier a sollicité une provision en référé par une demande enregistrée le 15 février 2017 et non, ainsi que le soutient M. B..., à compter du 31 août 2009, date d'enregistrement de la requête d'appel dans la première instance d'indemnisation de ses préjudices, ou de la date de consolidation de son état de santé, ni même à compter, ainsi que le soutient le CH de Hyères dans ses écritures devant la cour sans pour autant demander la réformation du jugement à cet égard dans ses conclusions, du 20 juillet 2020, date de lecture du jugement attaqué. Comme l'ont également retenu les premiers juges au même point 22 du jugement attaqué, la capitalisation des intérêts est due à compter du 16 février 2018, date à laquelle une année d'intérêts était échue, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
III- Sur les demandes incidentes du CH de Hyères :
25. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, le CH de Hyères demande à la cour " de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon sauf en ce qu'il " l'a condamné " à indemniser M. B... sous forme de rente, et fait application du barème de capitalisation de la Gazette du palais de 2018 " et l'a condamné " aux intérêts légaux à compter du 15 février 2017 avec capitalisation à compter du 16 février 2018 ".
26. D'une part, il est constant que par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas condamné le CH de Hyères à indemniser les préjudices subis par M. B... sous forme de rente.
27. D'autre part, en ce qui concerne le point de départ des intérêts dus sur l'indemnité réparatrice allouée à M. B..., eu égard à ce qui a été dit au point 24 ci-dessus, il y a lieu de confirmer le point 22 du jugement attaqué. Dès lors, à supposer même que le CH de Hyères soit regardé, par l'argumentation développée dans ses écritures devant la cour au soutien de ses conclusions, comme sollicitant la réformation du jugement en tant que le tribunal l'a condamné " aux intérêts légaux à compter du 15 février 2017 avec capitalisation à compter du 16 février 2018 " et comme demandant application des intérêts au taux légal à compter de la date du 20 juillet 2020 qui est celle de la lecture du jugement attaqué, ces conclusions doivent être rejetées.
IV- Sur les dépens :
28. La présente instance n'ayant pas occasionné de dépens, les demandes de M. B... et du CH de Hyères tendant à ce que ces derniers soient mis à la charge respective du CH de Hyères et de M. B... doivent être rejetées.
V- Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CH de Hyères demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CH de Hyères une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1 : La somme de 252 477,22 euros que le centre hospitalier de Hyères a été condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement n° 1803633 du tribunal administratif de Toulon du 20 juillet 2020 est portée à 381 625,42 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1803633 du tribunal administratif de Toulon du 20 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Hyères versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Enzo B..., au centre hospitalier de Hyères et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022
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N° 20MA03563
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